Coupe du monde de rugby 2023 - Quels sont les risques d'une titularisation d'Antoine Dupont face à l'Afrique du Sud ?

Par Paul Arnould
  • Antoine Dupont sera titulaire dimanche face à l'Afrique du Sud.
    Antoine Dupont sera titulaire dimanche face à l'Afrique du Sud. - Patrick Derewiany
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C'est désormais officiel, le capitaine français sera titulaire en quart de finale du Mondial. Un peu plus de trois semaines après sa fracture maxillo-zygomatique, quels sont les risques de voir Antoine Dupont titulaire au Stade de France dimanche ?

Commençons par une confession : oui, nous pensions que le Mondial de Dupont était terminé ce fameux soir du 21 septembre dernier, où dans la folle nuit marseillaise, les Bleus remportaient la plus large victoire de leur histoire, mais perdaient dans le même temps leur joyau, leur guide, leur capitaine. Rapidement, l'idée qu'Antoine Dupont souffrait d'une fracture au visage envahit la planète rugby. "Peur bleue" en une de votre Midol illustrait parfaitement cette inquiétude, et le cataclysme qu'aurait entraîné un forfait définitif du génie français. "Quand un seul être vous manque, tout est dépeuplé"... Mais il faut croire que le gamin de Castelnau-Magnoac est fait d'un autre bois que le commun des mortels. Dès le lendemain, le Toulousain passait sur le billard se faire poser deux plaques et notre nouveau cyborg national  pouvait alors envisager un retour express en équipe de France. L'objectif était clair : rejouer dès le premier match à élimination directe et son message : "touché mais pas coulé" rapidement diffusé sur les réseaux redonnait espoir à une nation entière et laissait peu de place au doute. Vingt-deux jours plus tard, au sortir d'une petite semaine d'entraînement seulement dans les pattes, l'information est devenue officielle et l'espoir s'est transformé en réalité : le meilleur joueur du monde tiendra bien sa place en quart de finale face aux redoutables Boks. Mais à quel prix ? 

Un risque pour son intégrité physique ? 

C'est la grande question que pose sa titularisation. Opéré il y a moins d'une Lune par le professeur Frédéric Lauwers d'une fracture maxillo-zygomatique, il reçut un premier accord pour  "reprendre une activité physique progressive dirigée" neuf jours après son intervention chirurgicale à l'hôpital Purpan de Toulouse. Pour le rugby sans contrainte, le capitaine tricolore dut attendre le feu vert définitif de son chirurgien, finalement obtenu en ce début de semaine. Médicalement, donc, Antoine Dupont ne craint rien. Du moins d'après les médecins, qui jurent que sa blessure est cicatrisée et son retour pas trop précipité. Quatorze jours plus tôt, l'ancien international Damien Traille prévenait pourtant : "La dangerosité, c'est qu'Antoine Dupont aggrave sa blessure et impacte le groupe." 

En s'asseyant en conférence de presse pour annoncer sa composition d'équipe, Fabien Galthié était de bonne humeur devant le parterre de journalistes. Soulagé par la présence de "Super Dupont" à ses côtés ? On ne saurait l'affirmer, mais le sélectionneur a en tout cas écarté d'un revers de main l'idée que le staff français a précipité le retour de son protégé : "Nous avons traité le sujet de manière très sereine avec le secteur médical, le chirurgien et Antoine. On était confortable, on avait du temps. Nous n’avons pas forcé les décisions ni poussé dans quelque direction que ce soit. Une Coupe du monde, c’est long. Ça laisse la possibilité de garder les mêmes 33." Et l'intéressé alors ? Que pense-t-il de toute cette histoire ? "Sur le coup, je ne connaissais pas la gravité de ma blessure. J’ai pu penser que la compétition était finie pour moi" a-t-il avoué. Avant d'annoncer ce que tout le monde voulait entendre, à savoir qu'il sera prêt dimanche et sans aucune appréhension :

Mais je peux dire que je n’ai pas ressenti de pression de la part du staff. Si je joue aujourd’hui, c’est que tous les voyants sont au vert. j’ai eu l’aval du chirurgien, rien n’a été forcé. On a respecté les délais, les étapes ont été progressives. Le plus important, c’était mon ressenti. Je n’ai pas senti de pression particulière. Si je joue, c’est que je me sens bien et que le staff médical a validé ma présence.

Quelques jours après sa blessure, dans une période confuse où beaucoup d'apprentis médecins y allèrent de leur commentaire (jouera-t-il en quart ? Sera-t-il de retour seulement pour les demies ?), Midol avait contacté le docteur Nicolas Sigaux, spécialiste en chirurgie maxillo-faciale. Qualifiant les réactions autour du cas Dupont "d'un peu irrationnelles" au vu "d'une blessure très classique dans [cette] spécialité", l'homme de médecine confiait "faire confiance au staff médical du XV de France, lequel joue la transparence vis-à-vis du grand public", et rassurait même : "le risque cérébral et oculaire a totalement été écarté pour une reprise de la compétition dans trois semaines. Je m‘explique : la pommette est présentée dans notre spécialité comme le pare-chocs de la boîte crânienne. Quand cet os casse, c’est qu’il a protégé les autres structures alentour. Il n’y a donc pas de risque cérébral à le faire rejouer. Si on regarde l’image de Dupont jeudi soir, celui-ci n’est d’ailleurs jamais déconnecté, absent. Il n’a pas perdu conscience, sur le terrain."

Les Springboks peuvent-ils le viser ? 

Il faut se rendre à l'évidence, toutes les parties proches du "dossier" Dupont sont unanimes : le joueur ne prendra pas de risque à rejouer 24 jours après sa fracture de la pommette. Mais Dupont ne disputera pas dimanche un quelconque match de championnat du mois de février, mais bien un quart de finale de Coupe du monde face aux redoutables Springboks, champions du monde en titre, et réputés pour ne pas faire de sentiments quand il s'agit de défi physique.

Ces Suf-Af' peuvent-ils décider de viser "Toto" à l'image d'un Bastareaud au Mondial 2015 qui avait fait de Jonathan Sexton son dîner quatre étoiles ? "Le rugby est parfois brutal, on ne se cache pas sur ce que nous sommes", affirmait le capitaine Siya Kolisi. Le numéro 9 Faf de Klerk, étonnamment remplaçant dimanche, assurait lui qu'aucun mauvais plan autour de Dupont n'était prévu : "Bien évidemment, on évoque beaucoup son cas durant cette Coupe du monde. C’est normal car c’est un très grand joueur. Mais il n’y aura pas de plan anti-Dupont, ce sera un plan contre la France. D’un point de vue personnel, je suis heureux de jouer contre l’un des meilleurs joueurs du monde." Le cibler ? Ce serait idiot, répondait le double champion du monde Frans Steyn. Si vous faites une cible d’Antoine, vous avez déjà perdu le match parce que vous serez bien incapables de l’attraper... Il est trop fort ce mec..."

Ce n’était pas forcément ma volonté de changer, c’était plus de l’adaptation

Ne soyons pas dupes, les Golgoths Sud-Africains risquent de chatouiller la star française, surtout dans un début de match où tout le monde scrutera ses moindres faits et gestes. Et pour avouer, le meilleur joueur du monde 2021 n'a pas enchaîné les plaquages à haute intensité cette semaine. Se préserve-t-il jusqu'au dernier moment ? Sans doute.  C'est aussi ça la force des grands joueurs, celle de n'avoir pas besoin de travailler comme les autres pour être prêt. Reste que le solide capitaine est connu, entre autres, pour sa grosse débauche d'énergie en défense et son appétence à aider ses "gros" dans la guerre de tranchées. Adaptera-t-il son jeu dimanche, en évitant, par exemple, de s'immiscer dans le premier rideau défensif ?

Impossible de le savoir, mais Dupont a montré sa capacité d'adaptation au fil des années : "Je suis capable de m’adapter à l'adversaire, à ce qu’on me propose. Ce n’était pas forcément ma volonté de changer, c’était plus de l’adaptation. Si, en face de moi, il n’y a pas d’espace, c’est qu’il y en a plus loin. Le rôle du demi de mêlée est d’abord de bien faire jouer l’équipe et ses coéquipiers. Je me retrouve dans ce rôle, autant que de porter le ballon. Contre une équipe comme l’Afrique du Sud, qui vient chercher très haut en défense, c’est un confort de mettre vite les ballons dans les mains des receveurs. Il faudra aller chercher les espaces où ils seront." Croisons les doigts pour qu'ils ne soient pas entre les griffes d'Etzebeth et Mostert...

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Les commentaires (21)
Pancho31 Il y a 6 mois Le 14/10/2023 à 13:09

Les pseudo médecin et neuro chirurgiens de ce forum me font rire. Si dupont joue c'est qu'un mec bien plus compétent que vous a jugé que tout est OK et 100% cicatrisé. Donc 0 risque !

Taubert76 Il y a 6 mois Le 14/10/2023 à 14:03

Tout à fait d'accord. Bien dit.

Boldos Il y a 6 mois Le 14/10/2023 à 17:56

Moi qui suis médecin je vous affirme oui Dupond est consolidé mais pas guéri le cal osseux peut casser sur un choc, le risque 0 n'existe pas ici . Le chirurgien a dit oui mais il ne compose pas l'IDF à Antoine d'adapter son jeu en fonction de cet adversaire très rugueux.

PatFer Il y a 6 mois Le 14/10/2023 à 11:18

Même les supporters du rugby ont été atteint par le principe de précaution qui est l'un des fléaux de la France ?
Selon se principe on ne prend aucun risque donc on ne construit rien, on n'expérimente rien, on sclérose les envies et les ambitions donc on régresse et en aucun cas on ne peut être champion du monde !
C'est décevant.

MisterCrampons Il y a 6 mois Le 14/10/2023 à 11:17

...et un petit contrôle anti dopage en préliminaire pour nos amis SudAfs ne serait pas du luxe, puisque ces derniers n'ont toujours pas appliqué les décisions imposées par le régulateur... Un petit coup de semonce dans les dents n'est jamais de trop, surtout dans ce cas là... Allez nos Bleus ! On leur met la misère avec style et panache, et on leur montre que les Golgoths, on en mange au petit déjeuner !