Pro D2 - Interview croisée Raffaele Costa Sorti (Béziers) et Rodrigo Marta (Colomiers) : “On montre que c’est possible d'être professionnels en France"

Par Loïc Bessière
  • Rodrigo Marta et Raffaele Costa Storti seront face à face ce jeudi soir.
    Rodrigo Marta et Raffaele Costa Storti seront face à face ce jeudi soir. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Après avoir passé leur jeunesse à s’affronter sur les terrains de Lisbonne, Raffaele Costa Storti et Rodrigo Marta seront face à face lors de Colomiers - Béziers, ce jeudi soir (21h). Ce choc de Pro D2 est l'occasion de réunir les deux amis, coéquipiers en sélection, et de lancer ce match dans le match avec quelques chambrages !

 

Comment abordez-vous ce match entre deux équipes jouant le top 6 ?

Rodrigo Marta : On sait que Béziers a une très belle équipe, l'ASBH est deuxième de Pro D2. Cela sera un match difficile. On a même vu que sous les posts de Colomiers, sur les réseaux sociaux, il y a plus de commentaires de supporters de Béziers que des nôtres... Il y aura de la pression. Il y aura beaucoup de supporters de l’ASBH avec eux. Il y a tout pour que cela soit un grand match !

Raffaele Costa Storti : On sait que Colomiers est une très bonne équipe, surtout à la maison, où ils sont invaincus. On les a bien analysés. Pierre Caillet rigole souvent avec moi car je suis devant Rodrigo au classement des meilleurs marqueurs de Pro D2 (NDLR le Biterrois est le premier du classement avec 13 essais). Je pense que nous sommes prêts et que ce sera un beau match. J’ai vu qu’il avait prévu de la pluie le matin, j’espère qu’il n’y en aura pas le soir pour que les ailiers puissent toucher des ballons…

RM : J’ai eu huit matchs en Pro D2 et pas un avec un temps sec, je commence à être habitué. Lui, au moins, à Béziers, il a toujours une bonne météo…

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\ud83d\udcaa Notre jeune pilier ???? ?????????? fait son retour avec le groupe Columérin !

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— Colomiers Rugby (@ColomiersRugby) January 10, 2024

Quel sentiment prédomine avant cette rencontre ? La pression ou l’excitation de s’affronter ?

RCS : Pour moi, cela sera un match facile… (rires). Je rigole, on se connaît très bien, cela sera sympa de jouer contre lui ! On sait comment l’autre joue.

RM : Franchement, j’ai des sentiments mitigés. Quand on était jeune, on jouait souvent face à face, à Lisbonne. On connaît quelques aspects de chacun. Avec le Portugal, on joue ensemble. On ne va pas se faire mal l’un l’autre. Enfin… Peut-être que lui aura mal s’il vient me défier (rires).

Qui court le plus vite entre vous deux ?

RM : C’est moi ! C’est clairement moi, les stats le montrent !

RCS : Allez, je te laisse gagner cette fois-ci, je gagnerai sur le terrain !

Est-ce que chaque semaine vous essayez de regarder le match de l’autre ?

RCS : Je regarde les résumés de ses rencontres. Des fois, je lui demande des renseignements. Là, j’ai regardé le dernier match de Colomiers, contre Nevers, vu qu'on les affronte, pour voir comment ils jouent. On essaye de se parler après chaque match.

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RM : C’est dur de ne pas le voir, il y a ses actions partout sur les réseaux sociaux en ce moment (rires) ! J’ai vu quelques vidéos de ses matchs précédents, moi aussi, mais rien que je n’avais pas déjà vu. Il fait des super matchs, on le sait !

De quand datent vos premiers affrontements ? Est-ce que Técnico (le club de Costa Storti) contre Belenenses (le club de Marta) était le derby de Lisbonne ?

RCS : On avait 12 ans. Les meilleures équipes sont toutes à Lisbonne, il y a beaucoup de derbys, donc ça en était un, oui. Quand on était en juniors, et même en seniors, c’étaient les deux meilleures équipes. On a joué des finales l’un contre l’autre.

RM : On a joué beaucoup de finales l’un contre l’autre. C’étaient des gros matchs avec de la qualité et de la pression. Demain, cela sera un peu pareil d’ailleurs.

Alors, qui gagnait ces finales ?

RCS : Ah, c’était Rodrigo…

RM : Quand tu gagnes toujours ton duel contre ton vis-à-vis, c’est facile de gagner les matchs après (rires).

RCS : Attends, je te rappelle que la dernière année où on était au Portugal, c’est nous, Técnico, qui avons été champions ! On vous bat en demi-finale.

RM : La dernière année, oui, ok, mais avant non !

RCS : C’est le dernier match qui compte !

?Direction Colomiers pour nos 23 ?? où un beau duel les attend ? \u270a

? Coup d'envoi à 21H00 !#AquiEsBesiers #ASBH pic.twitter.com/XBj8SjcOdQ

— ASBH Officiel (@ASBHOfficiel) January 10, 2024

Chez les jeunes, vous avez joué contre en club mais ensemble en sélection, avec le Portugal. Rodrigo, vous étiez au centre, Raffaele sur l’aile. Rodrigo, lui faisiez-vous des passes ?

RM : Toujours, je ne fais que des passes (Costa Storti rigole) ! J’ai toujours aimé jouer deuxième centre parce que j’ai la sensation que j’ai plus de contrôle sur le terrain. En défense, mais aussi en attaque, tu es plus dans le jeu. En moins de 20, si je lui donnais des ballons de qualité, c’était essai !

RCS : Le Trophée U20, en 2019, c’est la première fois où nous avions eu de bons résultats ensemble (défaite contre le Japon en finale). On a dû faire deux, trois matchs Rodrigo centre et moi ailier chez les A, et c’est toujours un plaisir !

C’est justement cette génération-là, la vôtre, qui a porté le Portugal pendant la Coupe du monde, étiez-vous surpris de cela ?

RM : Non, on a eu de bons résultats en U20, donc c’était sûr que nous serions beaucoup en seniors. On a construit une belle équipe pour le Mondial, et il y a encore beaucoup de jeunes talentueux, donc nous serons peut-être meilleurs à la prochaine Coupe du monde.

RCS : On a eu beaucoup de chances qu’à la fin de ce Trophée U20, Patrice Lagisquet soit arrivé comme sélectionneur du Portugal. Les jeunes, il nous a pris avec lui et nous a fait beaucoup progresser. C’est pour cela qu’il y a beaucoup de jeunes dans notre équipe !

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RM : Et ces amitiés, on va les garder toute notre vie ! On se retrouve à Lisbonne pour faire un repas tous ensemble, souvent à Noël. On l’a encore fait en 2023. Avec la sélection, on se rassemble le 28 janvier, avec un nouveau staff. On ne sait pas encore quoi espérer, tout n’est pas clair. Mais ce qui est sûr, c’est que le groupe sera le même, on va retrouver les copains et l’esprit sera le même que pendant le Mondial. J’ai hâte !

RCS : C’est ce qui a été la force de notre équipe pendant la Coupe du monde, même si c’est totalement cliché de dire ça ! Nous étions vraiment amis avant, même en dehors du rugby, car beaucoup de joueurs de la sélection sont des Lisboètes, donc c’est plus facile pour tous se revoir. Cette union s’est vue sur le terrain.

Sur le terrain, justement, vous êtes unis par cet essai historique qui a offert la victoire au Portugal contre les Fidji. Raffaele, vous faites la passe décisive à Rodrigo. Pouvez-vous raconter la manière dont vous avez vécu cette action ?

RCS : Je savais que Rodrigo n’avait pas encore marqué dans cette Coupe du monde, donc j’ai voulu lui offrir un essai (rires) ! Plus sérieusement, c’était magnifique. Il n’y a pas beaucoup de mots pour décrire ce moment. On savait qu’il fallait marquer pour gagner. Quand j’ai réussi à franchir, j’ai vu que Rodrigo était à côté de moi. Et heureusement, car je pense que seul, je ne serais pas allé marquer…

RM : Quand j’ai vu qu’il avait percé et qu’il était proche de la ligne, je savais qu’il fallait être à ses côtés car quelque chose d’important allait se produire. Pour la première fois de sa vie, il m’a fait une passe (ironique). La victoire, c’est le résultat que l’on souhaitait.

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RCS : Contre l’Espagne, lors du dernier 6 Nations B, il y avait aussi eu un deux contre un. Je n’avais pas fait la passe et je m'étais blessé, ma saison a été terminée. Je me suis fait une rupture du tendon, j’ai été blessé quatre mois. C’était le karma… Cela m’a permis d’apprendre.

Malgré les résultats historiques, le rugby reste grandement amateur au Portugal. Pensez-vous que les jeunes rugbymen portugais rêvent de vous ressembler ou ils se voient plutôt dentistes, comme le capitaine d’Os Lobos, Tomás Appleton ?

RCS : Il y a de tout ! Malheureusement, il n’y a pas encore beaucoup de jeunes avec la volonté d’être professionnel. Mais je pense que ça va un peu changer avec nos bons résultats lors de la Coupe du monde. Il y a encore beaucoup de travail pour que les meilleurs jeunes viennent en France pour être pro, car c’est comme cela que le rugby portugais va progresser.

RM : Cela peut-être difficile pour eux de venir en France, dans un nouveau pays, avec une nouvelle langue. Les jeunes pensent à tout ça. Ils veulent être professionnels, mais ils hésitent à partir. Le Mondial leur a donné une autre image et les motivera peut-être ! Nous, après le Trophée U20, on s’est rendu compte qu’on était peut-être bon dans ce sport, qu’on aimait beaucoup le rugby. Depuis mes 19 ans, je savais que pour évoluer, je devais partir du Portugal. Je sentais que je commençais à stagner.

RCS : Au même moment, j’ai aussi eu envie d’avoir une expérience comme joueur pro. Je suis donc parti en 2020 en Uruguay, au Peñarol, avec Jerónimo (NDLR, Portela, l’ouvreur des Portugais). Comme l’expérience s’est terminée plus tôt que prévu avec le Covid-19, j’ai voulu en avoir une autre. Donc, en 2021, j’ai demandé à Patrice Lagisquet qu’il m’aide à aller en France et je suis parti au Stade français. Mais je voulais continuer à étudier en plus de cette expérience rugbystique. Mais quand j’ai vu que le rugby, ça marchait, j’ai foncé !

RM : C’est toujours important de faire des études. Un jour, le rugby s’arrête, donc il faut avoir quelque chose à côté. Je suis en train de finir mes études en gestion. Il me reste un ou deux semestres et, ici, à Toulouse, j'ai de la chance car il y a des partenariats avec l’université de Lisbonne.

RCS : Je reçois des messages de jeunes Portugais qui me demandent des conseils, qui veulent venir en France la saison prochaine et qui veulent savoir comment faire pour y arriver. J’essaye de donner les meilleurs conseils possibles, mais je suis encore jeune, même si je commence à avoir un peu d’expérience. Je pense que ce n’est pas facile d’être pro en France pour eux, mais que c’est possible. Avec Rodrigo, Simão Bento et les autres Portugais, on montre que c’est possible d'être professionnels en France !

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