Faits divers - Deux ans de prison avec sursis probatoire requis contre Mohamed Haouas

Par Jérôme Prévôt
  • Le joueur de Montpellier et du XV de France a comparu vendredi devant le Tribunal Correctionnel de Montpellier. Une audience sur des faits de violence vieux de neuf ans.
    Le joueur de Montpellier et du XV de France a comparu vendredi devant le Tribunal Correctionnel de Montpellier. Une audience sur des faits de violence vieux de neuf ans. Icon Sport
Publié le Mis à jour
Partager :

Le joueur de Montpellier et du XV de France a comparu vendredi devant le Tribunal Correctionnel de Montpellier. Une audience sur des faits de violence vieux de neuf ans. 24 mois de prison avec sursis probatoire ont été requis contre lui. À l’audience, il a évoqué son évolution et son parcours rédempteur.

Des pelouses à la justice ordinaire. Mohamed Haouas comparaissait vendredi devant le Tribunal Correctionnel de Montpellier, pour violences aggravées et dégradations : un moment poignant, impressionnant, choquant par moments. Il témoignait aussi d’une forme d’imperfection de la justice des hommes. Mohamed Haouas et quatre autres personnes étaient jugés pour des faits qui remontent à plus de neuf ans (un cinquième prévenu ne s’est pas présenté à l’audience). Le premier janvier 2014 au matin, il fut mêlé à une rixe dans une boulangerie de Montpellier. Une éruption de violence dont il aurait été le meneur (c'est ce que pense la partie civile).

Neuf ans, c’est un délai très long pour une telle affaire. Dans ce laps de temps, Mohamed Haouas, 19 ans au moment des faits, a vu de l’eau passer sous les ponts. Il est devenu depuis joueur international de rugby et père de famille. Il évolue a priori dans un univers beaucoup plus apaisé qu’à l’époque des faits jugés par le tribunal. Est-il encore la même personne ? Ce débat est au cœur de l’idée même de justice depuis la nuit des temps. On a beaucoup parlé de cette question à travers la verve et l’éloquence des avocats, Marc Gallix, conseil du joueur du XV de France, et son neveu Paul, conseil d’un autre prévenu qui ont pointé du doigt les lenteurs de la justice, tout en reconnaissant qu’elle les a aussi aidés à donner une autre image de leur client.

Une rixe absurde

Mohamed Haouas a été invité comme ses amis d’alors à se tenir debout devant les cinq magistrats pour évoquer ce moment forcément absurde, un moment de folie entre des destins qui se sont croisés ce jour-là. On sait qu’une dizaine de jeunes hommes qui sortaient d’une boîte de nuit ont vécu une altercation avec un homme, Laurent Mathan, client de la boulangerie. Que s’est-il passé ? Monsieur Mathan est sorti précipitamment pour aller au secours de sa fille qui l’attendait dehors et qui l’avait appelé au secours.

À partir de là, comme souvent les versions divergent. "J’ai reçu un coup de poing", a expliqué le pilier du MHR. La présidente Anne-Flore Bondidier évoque des témoignages accusant Mohamed Haouas d’avoir au préalable importuné physiquement et verbalement la fille de M. Mathan avec des gestes brusques et des paroles vulgaires. Mohamed Haouas conteste ces faits : "Je ne fais jamais ce genre de gestes. Je ne suis pas un sauvage." Le nœud de l’affaire est là. Que s’est-il passé ? Laurent Mathan est-il allé s’interposer entre sa fille et son agresseur comme le prétend la partie civile ? A-t-il tiré un ou plusieurs coups de feu ? Mohamed Haouas s’est estimé victime d’un coup de poing donné sans discernement à la première personne qui se trouvait là. Il s’est dit ensuite effrayé par une arme brandie et utilisée par M. Mathan (tirs en l’air).

Une barre de fer

Tout s’est enchaîné à partir de là, une bagarre avec onze hommes qui pénètrent dans le magasin particulièrement énervés. Les coups sont violents, l’homme seul se cache au fond de l’établissement. Les autres le cherchent. À l’audience, on projette des vidéos et l’on voit en effet, Mohamed Haouas très virulent muni d’une barre de fer (le mât d’un parasol en fait) frapper un présentoir. Il y aura trois phases dans cette rixe affreuse, déclenchée sur un instant d’une futilité consternante quand on y repense. Les détails ont été passés au peigne fin. Mohamed Haouas a reproché à Monsieur Mathan d’être sorti sans chercher à discuter. Il a fait aussi remarquer qu’il n’était pas présent à l’audience. Il a prétendu avoir été violent pour désarmer son prétendu agresseur. Il a aussi affirmé que celui-ci avait une arme de poing, chose contestée par Laurent Mathan qui n’a parlé que d’une bombe lacrymogène et d’un talkie-walkie.

Le premier acte de violence fut donc exercé contre Mohamed Haouas. C'est un fait établi. Le pilier international était-il pour autant en légitime défense ? Le représentant du parquet a dit non : "Il n’y avait rien de proportionnel dans les actes de ces jeunes hommes, on a assisté à un déferlement de haine. On a vu une meute de loups se jeter sur un individu."

"Le rugby est un sport où on veut faire mal"

On a parlé de rugby dans cette audience évidemment, le destin de Mohamed Haouas n’était pas ignoré de la magistrate et de l’accusateur public. Les deux cartons rouges contre l’Ecosse ont été soulignés, ils ont été analysés comme une difficulté à gérer ses émotions par le joueur. Mohamed Haouas a expliqué que : "Le rugby est un sport de combat collectif. Les adversaires provoquent,  taquinent. C’est un sport où on veut faire mal." Marc Gallix, son avocat, a pris la parole pour relativiser ces propos et expliquer combien le rugby actuel est devenu un sport "d’une férocité et d’une vitesse extrême. Mon client joue pilier droit, le poste le plus difficile. Si son parcours sportif n’était pas exemplaire. Il ne serait pas en équipe de France." Avec ses mots choisis et percutants, il a fait revivre les deux moments fatidiques en expliquant en quoi il les avait trouvés sévères (en 2020, les Ecossais avaient su le faire disjoncter.). Puis le joueur a aussi détaillé la réalité de son cheminement rédempteur : "J'ai toujours la banane à l'entraînement. Je suis ouvert.  Je suis  musulman, mais mon fils va dans une école privée catholique.  On me surnomme "Momo" ou même "Maurice" et je prends ça avec le sourire."

Paradoxalement, les "adversaires" judiciaires de Mohamed Haouas ont rendu hommage à son parcours. "Oui, il y a dix ans, si j’avais traité de cette affaire, j’aurais parié que M. Haouas aurait vécu un parcours judiciaire plus lourd en s’installant dans la délinquance. Oui son parcours nous donne de l’espoir. Il s’en est sorti grâce au sport, même si le temps écoulé ne dissout pas les responsabilités", a expliqué le représentant du parquet, M. Despotovic. Plus surprenant, l’avocat des parties civiles Maitre Le Targat a aussi rendu hommage à la carrière du joueur du MHR tout en lui reprochant d’avoir inventé une fable pour atténuer sa responsabilité (la question de l’arme de M. Mathan). "Mais quand on joue au rugby qu’on a l’esprit rugbyman, on a fait une bêtise, on prend un coup de poing et ensuite on passe à autre chose." Monsieur Despotovic a ensuite prononcé ses réquisitions : 24 mois de prison avec sursis probatoire pour Mohamed Haouas, sur 36 mois.

Marc Gallix a demandé la clémence de son client compte tenu de son évolution. "Neuf ans, c’est un délai très long. Pour les magistrats, le seul intérêt d’un dossier traité si longtemps après les faits, c’est de mesurer l’évolution de Monsieur Haouas. Je connais bien ce jeune homme, j’ai de l’affection pour lui, je l’ai ramené plusieurs fois chez lui de l’entraînement quand il était jeune. Ne parlons pas de ces fameux cartons rouges, au niveau international on se fait titiller. En Top 14, il n'a pris qu’un un carton rouge en quatre ans, en France, il est moins provoqué. Comprenez que Mohamed Haouas a beaucoup travaillé. Il n’a pas été sauvé par le rugby, mais il a fait en sorte de s’élever dans la vie grâce au rugby, par son labeur. Il change de club, pour mettre toutes les affaires qu’il a vécues à Montpellier derrière lui. Je vous assure que Monsieur Haouas est un colosse sensible, si j’ai besoin de lui pour un service, à n’importe quelle heure, je sais qu’il sera toujours là, pour moi et pour mon fils avec qui il a joué."

Puis Mohamed Haouas a pris la parole, une dernière fois. "Je tiens à m’excuser auprès de la famille Mathan et auprès des gens de la boulangerie, j’espère ne plus remettre les pieds ici dans ce tribunal , je pense que depuis dix ans, j’ai évolué dans ma vie." Le jugement a été mis en délibéré au 30 juin.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?