FFR - Après sa démission de la présidence de la FFR, quel bilan pour Bernard Laporte ?

Par Jérôme Prevot
  • Bernard Laporte n'a pas un bilan totalement négatif en dépit d'erreurs manifestes.
    Bernard Laporte n'a pas un bilan totalement négatif en dépit d'erreurs manifestes. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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La démission de Bernard Laporte nous a conduits à nous retourner sur les sept années de sa présidence, avec de vrais succès, aussi bien sur le plan international que vis-à-vis du monde amateur. Ils furent ternis par la petite musique des affaires.

Bernard Laporte sera donc resté sept ans à la tête de la FFR. Il l’aura quittée dans une atmosphère de crise liée à sa condamnation pénale en première instance. Quel bilan peut-on tirer de ses années de pouvoir ?

Sur le plan sportif, elles ont été marquées par une série de succès et notamment ceux du XV de France. Les Bleus de Fabien Galthié ont réussi un brillant Grand Chelem en 2022 et sont actuellement sur une série record de treize victoires. Laporte a aussi connu les titres de champions du monde des moins de 20 ans en 2018 et 2019. C’est le genre de vitrine précieuse pour un patron de fédération.

[\ud83d\udd34INFO MIDOL] Un président par intérim devrait être nommé et de nouvelles élections, uniquement pour le poste de président, devraient avoir lieu dans les prochaines semaines.

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— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) January 27, 2023

En ce qui concerne le XV de France, les récents succès sont venus légitimer le licenciement de Guy Novès, fin 2017, qui avait provoqué une levée de boucliers et une salve de critiques sur le moment. Le recrutement de Fabien Galthié (au début comme assistant de Jacques Brunel) restera au crédit du président gaillacois.

L'obtention de la Coupe du monde 2023

L’autre face lumineuse de son mandat, c’est bien sûr l’obtention de la Coupe du monde 2023, arrachée de haute lutte à Londres en novembre 2017 alors que les pronostics ne lui étaient pas spécialement favorables. World Rugby et son président Bill Beaumont avaient laissé entrevoir des préférences pour le dossier sud-africain, ils avaient même produit une recommandation dans ce sens (l’Irlande était aussi candidate).

Mais le dossier français s’était imposé au second tour en jouant sur les aspects marketing et financiers. On avait alors présenté ce vote comme un chef-d’œuvre diplomatique de Laporte et de son équipe renforcée par un artisan de poids, Claude Atcher. Le "jeune" président avait su convaincre au premier tour l’Ecosse (3), l’Italie, le Japon, la Géorgie, la Roumanie plus quatre confédérations : l’Afrique (2), l’Amérique du Sud, l’Europe, l’Asie et l’Océanie .

Au deuxième tour, la candidature française avait su capter les suffrages de l'Angleterre, du Canada, des Etats-Unis et de l'Amérique du Nord. Les spécialistes des arcanes du rugby mondial apprécieront la performance.

Reste évidemment, le bilan vis-à-vis du rugby amateur, celui qui vote pour les élections fédérales. Laporte avait été élu sur la promesse d’abandonner le projet de Grand Stade que défendait son prédécesseur Pierre Camou, ceci au nom de la dépense énorme que cela aurait représenté. Il a tenu cette promesse même si elle s’est avérée assez onéreuse puisque trois communes de la région parisienne concernées par le projet ont attaqué la FFR en justice. Il fallut provisionner un dédommagement (2,5 millions d’euros), ainsi que les indemnités de licenciement du staff de Guy Novès. On se souvient qu’en 2018, la FFR avait reconnu un déficit de 7,5 millions d’euros. La Coupe du monde des moins de 20 ans avait aussi coûté très cher (1,2 M d’euros). La FFR s’était proposée in extremis pour pallier la défection de l’Argentine.

L’homme qui sait parler au rugby de base

Depuis, la FFR a annoncé des exercices positifs en 2019, 2020, mais pas en 2021.

L’équipe Laporte a justifié ces pertes évidemment par l’épidémie de COVID 19 et le plan de relance décidé pour contrer ses effets chiffré à 35 millions d’euros. Il est sûr que la question du COVID et l’arrêt des compétitions auront marqué les années Laporte, même si en bon bateleur charismatique, il sut rebondir sur ce coup du sort avec un plan d’aides massives et d’exonérations et de baisse des contraintes (coûts des licences, des mutations, des indemnités kilométriques). On se souvient aussi que Bernard Laporte avait aussi "défrayé la chronique" en offrant un abonnement à Canal + et un téléviseur aux clubs amateurs pour les aider à surmonter les effets de la concurrence des matchs de l’Elite. En 2022, la FFR a d’ailleurs affiché un résultat positif à hauteur de 6 millions d’euros. La manne du fonds d’investissement CVC y est pour beaucoup, évidemment. Mais les marchands du temple ont désormais une influence sur le Tournoi des 6 Nations, le trésor du rugby européen. L’avenir dira si BL a bien fait de contribuer à introduire ce "simili loup" dans la bergerie (ou pas). L’"accueil" inédit dans l’histoire d’un sponsor sur le maillot national (Altrad) relève un peu du même pari. Il s’est avéré risqué pour Bernard Laporte.

Ses adversaires n’ont pas manqué de trouver des failles, ils ont leurs arguments, mais nous l’avons constaté le plus objectivement possible, Bernard Laporte depuis six ans a su parler aux clubs de la base, et quelque part, sa réélection en octobre 2020 le prouve, car les "affaires" étaient sorties et avaient fait leur chemin dans le bruit de fond médiatique. On rappelle aussi que c'est bien Laporte qui a imposé le vote électronique des clubs,  une revendication ancienne qui rompt avec les anciennes pratiques de captation de voix par les gros pardessus (les spécialistes de l'époque Ferrasse comprendront). 

Une mentalité de champion pour le meilleur et pour le pire

Reste évidemment, la face sombre du bilan laportien, cette petite musique affairiste née dès 2017 quand le JDD évoqua l’existence du fameux contrat qui liait BL à Mohed Altrad. L’accumulation des polémiques quant à la probité du patron de Marcoussis aura finalement mis en lumière un défaut qui colle aux basques de l'ancien demi de mêlée de Bègles, un vrai autodidacte, peu rompu aux règles de bases qui régissent la vie publique. Il n’a fait ni Sciences Po, ni l’ENA. Les procédures et les précautions relatives à l’éthique ne lui sont pas naturelles.

La première partie de son existence qui l’a vu investir dans l’immobilier, les casinos, les cafés ou les restaurants ne le prédisposait pas à maîtriser les exigences des fonctions officielles et représentatives. S’ajoute à ce défaut sa cuirasse, des handicaps psychologiques. Bernard Laporte, ancien joueur charismatique, ancien entraîneur de tout premier plan ne pouvait que développer une "mentalité de champion" au mauvais sens du terme. Une réalité souvent observée par les magistrats confrontés à ces anciens sportifs habitués à être adulés et qui pensent que finalement, rien de grave ne peut leur arriver et que leur notoriété les protégera de tout.

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