De la Moldavie à Perpignan en passant par l’Italie et la Russie, le long voyage de Mahu

  • Top 14 - Andrei MAHU (USAP).
    Top 14 - Andrei MAHU (USAP).
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TOP 14 - Totalement inconnu à son arrivée en Catalogne l’été dernier, Andrei Mahu (30 ans) s’est affirmé comme un des cadres du pack catalan au fil de la saison. Le Moldave aux impressionnantes mensurations (2,05 m, 126 kilos) nous parle de son déroutant parcours, de ses ambitions et de la guerre qui sévit aux portes de son pays d’origine.

Sa découverte tardive du rugby

"Je n’ai commencé le rugby qu’à 19 ans. Je ne connaissais même pas ce sport avant qu’un professeur me propose de l’essayer à l’université. Je lui avais demandé : "Mais c’est quoi ça ?" Un an et demi après mes débuts, je signais déjà mon premier contrat professionnel en Roumanie. J’ai commencé à Farul Constanta puis le champion en titre, Timisoara Saracens, m’a débauché. Après une saison, j’ai eu une opportunité aux Zebre en Italie. Je l’ai saisie mais c’était sûrement prématuré pour moi. J’avais peu d’années de pratique derrière moi. Et puis j'avais été recruté comme joker médical pendant le Tournoi. Après six ou sept matchs, quand les internationaux sont revenus, j’ai laissé ma place. La priorité était donnée aux joueurs éligibles avec la sélection italienne, c’est ainsi. J’ai alors rebondi en Russie. C’est difficile à envisager maintenant mais c’était la meilleure option, sportivement et financièrement. Le niveau est proche du Pro D2 à mon avis. J’ai joué pendant quatre ans en Sibérie, à Krasny Yar, ce qui m’a permis de disputer la Coupe d’Europe."

Un parcours à rebondissements

"Disons que j’ai le parcours classique des Moldaves. Vous commencez en Roumanie, après c’est la Russie où les salaires sont meilleurs et, ensuite, si ça sourit, vous avez une opportunité en Europe occidentale. Je n’ai pas eu de chance car quand les London Irish m’avaient contacté la première fois, en 2018, je n’avais pas pu partir en Angleterre. Ma femme allait donner naissance à notre enfant, ce n'était pas envisageable de déménager aussi loin de la maison à ce moment-là. J’ai pris cette décision pour le bien de ma famille. Elle passe toujours avant, il n’y a pas de regrets à avoir. Puis il y a eu le Covid qui a encore tout repoussé. J’ai donc dû attendre 2020 pour arriver en Premiership. Ma carrière aurait pu décoller plus tôt, c’est sûr... "

La détection par les Irish

"Avec Krasny Yar, nous avions affronté à deux reprises les London Irish en Challenge Cup. Cette année-là, l’équipe avait réussi une bonne phase de poule avec notamment une victoire contre le Stade français. J’avais réalisé deux matchs convaincants face aux Irish. C’est ce qui m'a permis de me faire connaître auprès d'eux. C’est dur de franchir le cap quand vous évoluez dans ce genre de championnats. Les agents et les recruteurs ne s’intéressent pas trop à nous, si ce n’est aux internationaux russes et roumains. Moi, je jouais pour la Moldavie, j’étais moins exposé. J’ai eu cette chance. Peut-être qu’elle est arrivée un peu tard. Mais désormais, j’évolue au meilleur niveau et je regarde devant. C'est tout ce qui compte."

L’aventure anglaise

"La marche est conséquente entre la Russie et le Premiership, en termes de niveau. Ca n’a pas été simple de faire ses preuves. Aux Irish, en plus, j’étais en concurrence avec le deuxième ligne des Wallabies (Adam Coleman). Au moment où je commençais à enchaîner, je me suis blessé et j’ai été absent trois mois. Une fois remis sur pieds, les coachs ne m’ont plus fait confiance. Ca arrive, c’est comme ça... J’avais pourtant prouvé ma valeur. J’avais notamment été élu homme du match, une fois."

L’opportunité de l’Usap

"J’ai saisi l’occasion de venir en Top 14 l’été dernier et j’en étais heureux. Mon agent m’a dit que le club cherchait un joueur dans mon profil : 2,05 m et 126 kilos, c’est ce dont ils avaient besoin pour le pack. J’ai commencé surtout par jouer à l’extérieur. Je ne comprends d'ailleurs pas cette différence entre matchs à domicile et en déplacement, ça n'existe pas en Angleterre. Mais bon, je devais montrer que je méritais ma place. J’étais ok avec ça. Maintenant que j’ai passé le cap, j’essaye d’être le plus compétitif et de jouer le plus possible. Je me sens bien dans cette équipe."

Ses impressions sur le Top 14

"Le rugby est plus physique en France qu’en Angleterre, ce n’est pas pour me déplaire. J’adore ça, les contacts, le défi. En Premiership, le jeu était plus dynamique et comme je suis loin d’être le plus petit, ça ne m’arrangeait pas vraiment. Pour être honnête, le Top 14 me convient mieux. Je peux davantage faire jouer mes qualités et mon physique."

Son avenir

"Est-ce que je vais rester à la fin de cette saison ? Je n’en sais rien, encore. Ca ne me soucie pas de savoir si je vais rester ou non, tout ce que je veux, c’est de jouer chaque match à mon meilleur niveau. C’est mon unique motivation avec celle d'obtenir le maintien à l’arrivée, aussi. Nous n’en sommes pas loin. Il y a quatre ou cinq équipes qui bataillent pour se maintenir. Ce n’est pas comme la saison passée avec Agen qui n’avait pas gagné un match. De la 10e à la 14e place, personne ne lâche. C’est une sacrée bataille et ça le restera jusqu’à la dernière journée."

La situation de sa famille

"Ma famille était en France au début de l’année et est retournée en Moldavie il y a deux semaines. Je suis forcément inquiet pour eux avec la guerre qui vient d'éclater en Ukraine. C’est juste à côté et la Moldavie est un tout petit pays. Mon père et ma mère ont entendu des explosions depuis Chisinau où ils habitent. J’essaye d’être un maximum en contact avec eux et je vais tout faire pour les faire revenir en France dès que ce sera possible. Pour le moment, c’est compromis. L’espace aérien est fermé. Il paraît que les vols pourraient reprendre le 14 mars mais il n’y a rien de sûr. Ca pourrait être encore dangereux. J’attends de voir l’évolution de tout ça. La Moldavie est un pays en paix mais on ne peut pas dire que mes parents soient à 100 % en sécurité pour autant."

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