Le rugby réunit l'Irlande

Par Rugbyrama
Publié le
Partager :

Considéré naguère comme un sport protestant et britannique, le rugby s'est ouvert à l'Irlande catholique et nationaliste qui l'accueille désormais en son temple de Croke Park au Sud. Le ballon ovale est même cité en exemple au Nord, comme moteur de la réc

Pour la première fois depuis la naissance de l'Etat irlandais en 1922, God Save the Queen, l'hymne anglais, sera joué samedi devant les 82 000 spectateurs du stade de Croke Park, à Dublin, où flottera la Croix de Saint-Georges. Jusqu'ici exclusivement réservé aux sports gaëliques, hurling (sorte de hockey sur gazon qui se joue avec une crosse) et football irlandais, Croke Park, symbole de l'Irlande indépendante, a reçu sa première rencontre de rugby avec le France-Irlande du Tournoi des six nations il y a dix jours.

Samedi c'est l'ennemi historique qui sera accueilli "chaleureusement" par le XV irlandais lors d'un match où "l'Irlande prouvera qu'elle s'est réconciliée avec son passé" , estime l'ancien international irlandais Paul Wallace. "Croke Park est un stade magnifique et nombreux sont les joueurs de rugby qui suivent aussi le football gaëlique ou le hurling", explique l'avant Paul Wallace, sélectionné 45 fois en équipe nationale. Mais pour la Fédération des sports gaëliques (GAA), ouvrir Croke Park aux sports dits anglais et accepter qu'on y joue God Save the Queen n'a pas été une décision facile.

"Un petit pas"

En 1920, en pleine guerre d'indépendance, des soldats britanniques ouvraient le feu sur la foule du stade tuant 13 personnes: 12 spectateurs et le capitaine de l'équipe de Tipperary. La mémoire du conflit reste vive. "Le rugby avait la réputation d'un sport de "garnisons", joué par les soldats britannique en Irlande. On pensait qu'il était un sacrilège pour un sport anglais d'entrer sur la pelouse de Croke Park mais nous sommes entrés dans une ère nouvelle" , explique Paul Wallace. Malgré la frontière, le rugby est le seul sport à n'avoir qu'une équipe nationale pour toute l'île composée de catholiques et de protestants, de joueurs de la république d'Irlande et d'Irlande du Nord, région gouvernée par Londres.

Les autorités sportives irlandaises et britanniques ont beaucoup oeuvré pour que le rugby ne soit plus réservé à une élite privilégiée et protestante. Plusieurs anciens internationaux comme Trevor Ringland, deux fois couronné dans le Tournoi (alors des cinq nations) avec le XV irlandais en 1982 et 1985, ont fait de la réconciliation entre protestants et catholiques leur cause sacrée, grâce à l'association "un petit pas".

L'image de Mandela

"La presque totalité des municipalités nord-irlandaises soutient notre initiative intercommunautaire", assure Trevor Ringland. "Pendant le conflit, le rugby a su maintenir la relation entre Nord et Sud alors que d'autres tentaient d'anéantir ces liens, nous avons prouvé par le sport que si on travaille ensemble on peut abattre certaines des barrières au sein de notre société", estime l'ancien ailier d'Ulster. "A l'avenir, nous devons forger une identité irlandaise qui inclue sa part d'identité britannique", dit-il.

"Il y a quelques années, dans les lycées catholiques nord-irlandais, il était interdit de jouer au rugby, aujourd'hui toutes les portes sont ouvertes et cela permet au rugby irlandais de progresser", affirme le Nord-Irlandais Jeremy Davidson, ancien capitaine de Castres et deuxième ligne irlandais. Les clubs "se collent à l'image de Nelson Mandela revêtant le maillot des Springboks lors de la Coupe du monde en Afrique du Sud, pour inviter les noirs à jouer au rugby alors que ce maillot était autrefois considéré comme un insigne raciste", précise le politologue sud-africain Adrian Guelke, professeur à l'université de Queen's, à Belfast.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?