La chronique de P. Villepreux

Je voudrais rebondir sur l'article écrit par Marcel Rufo dans le dernier Midi Olympique.

Il y est fait état d'un stage en Croatie où j'avais invité Marcel à débattre sur le rugby au féminin.

Ses compétences en matière de Psychologie devaient apporter aux stagiaires un éclairage sur la spécificité de la psychologie féminine. Il sût le faire remarquablement surtout quand on sait que Marcel est issu de la culture rugbystique toulonnaise. Faire accepter que la femme plongée dans cette activité au départ faite de virilités, s'y engage avec ses propres ressources faites de féminité a permis un débat particulièrement constructif. L'avoir conquis sans avoir voulu le convaincre, me ravit et me permet d'apporter des éléments de réflexion sur l'évolution de la pratique féminine.

Il y a aujourd'hui dans le monde plus de 150 000 femmes et jeunes filles qui pratiquent le rugby. La spécificité de ce jeu (fait pour les hommes), les valeurs qu'il libère, ont capturé l'imagination féminine. Elles ont au départ oeuvré le plus souvent en dehors des systèmes institutionnels et des fédérations. Si maintenant on est entré dans une reconnaissance officielle, leur mérite n'en est que plus grand.

Le plan stratégique de développement de l'IRB et dans la foulée celui de la Fira montrent logiquement l'intérêt croissant des institutions. La compétition internationale majeure féminine (Coupe du monde à XV) va s'enrichir en 2009 d'une compétition mondiale à 7 avec en point de mire l'espérance d'une reconnaissance indispensable aux JO qui permettrait d'asseoir et de définitivement "classer" le rugby joué au féminin.

En Europe le rôle de la Fira et la politique sportive mise en place ont été déterminants. Les chiffres sont éloquents. La pratique féminine compétitive a été multipliée par 4 en 4 ans (12 pays en 2003 - 36 en 2007).

S'il s'agit bien de gérer cette croissance, il s'agit tout autant de savoir maintenant impliquer les femmes à tous les niveaux de la pratique en terme de responsabilités (Dirigeants, management, cadres techniques, arbitres, public potentiel etc), indispensable pour accéder à un développement optimal du rugby féminin dans le cadre de leur identité.

En ce sens une "spécificité féminine", une manière de vivre et jouer le rugby me parait essentielle pour évoluer non pas en marge du rugby masculin mais bien à ses côtés, en complémentarité pour donner à ce sport une visibilité encore plus importante, qui rejaillira forcément sur la pratique masculine. N'oublions pas que ces futures mères sauront développer dans leur environnement le partage de leur passion. Elles sauront mieux que tout éducateur dédramatiser la logique de combat et d'affrontement parce qu'elles auront aussi compris combien la richesse éducative de ce sport est liée justement à cette même logique et qu'il s'agira de l'utiliser avec pertinence.

Les diverses fédérations dans leur projet de développement à long terme ne peuvent négliger cette évolution, et doivent au contraire l'intégrer comme une ressource fondamentale dans leur plan de développement et non comme cela est encore trop souvent le cas comme un expédient.

Cette identité féminine doit se matérialiser aussi dans le jeu et dans son enseignement, cela ne veut pas dire de jouer différemment mais bien d'adapter le jeu à ce que l'on est, d'utiliser d'autres arguments, c'est bien cela que Marcel Rufo a parfaitement exprimé en Croatie. Ce qui veut aussi pour les femmes d'être capable de ne pas vouloir à tout prix s'approprier la culture masculine et d'accepter que certaines règles soient aménagées et que le matériel soit adapté (taille du ballon).

La balle est plus que jamais dans le camp des femmes, le moment me semble optimal pour faire évoluer cette pratique dans la juste direction.

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