La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Suite de la chronique d'Henry Broncan avec comme fil conducteur le trophée des clubs champions d'Europe de rugby à 7 disputé par les champions de France Espoir du SUA en Russie... Mais aussi l'affaire Bastareaud, qu'il a découvert à son retour des contrées de l'Est.

Samedi 27 juin

Le premier match est prévu à 11h 20, heure locale - deux heures d'avance sur nous -. Malgré la largeur des avenues, le car a du mal à se forcer le passage dans la densité d'une circulation hétéroclite où de gros 4x4, de splendides Mercedes et même des Ferrari - pas celle du club de Foulayronnes – croisent d'antiques Lada pétaradantes. Direction le stade Luzhniki, gracieux, niché dans un écrin de verdure et cerné par un important service de sécurité. Patte blanche à présenter partout jusqu'au vestiaire imposant, impeccable, construit lors des Jeux de Moscou et qui sera gardé toute la journée par un vigile. Les quelques réminiscences de mon passé d'enseignant en géographie m'avaient prévenu : si Moscou évoque, pour nous, la terrible retraite de Napoléon et la Bérézina, l'été continental est particulièrement chaud et cela ne manque pas d'inquiéter les visages pâles de Jonathan et de Romain, assurés du premier coup de soleil de l'été.

Organisation minutieuse : feuille de match à fournir une demi-heure avant chaque match, les numéros de passeport faisant foi de licences, timing - hier au soir, lors de la réunion des managers, un accent plus que grave a été mis sur le respect impératif des horaires - parfait, stricte musique militaire, alertes danseuses du groupe "Dynamite". Parmi les sifflets, un Cadurcien très sympathique, plein de jeunesse, instituteur à Gourdon, qui réussira parfaitement son tournoi puisqu'il se retrouvera arbitre de la finale.

A 11h20, premier match contre les "Bloumarines" de Moldavie. Score trompeur en notre faveur 45-7 ; les Moldaves nous accrochent longuement dans le sillage d'un bon ouvreur et surtout d'un centre excellent dont j'aurais bien aimé qu'il fût encore Espoir. A 13h20, les petits Russes du Dynamo pourtant explosés par Krasny Yar (Krasnioarsk) au tour précédent (43-0) nous créent beaucoup de difficultés et c'est une transformation de De Cottignies qui nous donne un léger avantage 7-5. C'est au cours de cette rencontre que nous perdons Alexi Bales, un de nos meilleurs éléments, déchirure d'un mollet !

A 15h20, honte à nous : alors que le Brain Trust de notre rugby a pris place sous le chapiteau des partenaires officiels, les Polonais du AZC-AVF nous battent 21 -10 et ce, devant M. Lapasset, Président de l'IRB, M. Baqué Président de la FIRA, et M. Camou, Président de la FFR ! Nos pruneaux en deviennent tout verts de vilénie ! Il est donc impératif de battre les Pros de Krasny Yar si nous ne voulons pas être livrés à la vindicte fédérale. Cette éventualité nous sert de source de motivation d'autant que le Président Camou en personne, nous fait l'honneur de s'installer dans le carré des entraîneurs, auprès de l'irascible Bourdheil, tout attendri par la présence de son illustre voisin. Effet magique : Fund devient Heymans, Lamsirine Barcella et Carabignac fait enfin oublier Dupuy ! Victoire 14 -10, coup de froid sur les Sibériens, amertume de Ducoulomb d'autant qu'un essai de leur numéro 8 – un Chabal blond – qui me paraissait parfaitement valable est refusé par l'arbitre italien, ce qui vaudra à ce dernier d'être écarté de la finale par le superviseur russe... pour le plus grand bonheur de notre referee français ! La présence de Pierre Camou aurait-elle influencé le sifflet transalpin ?

Retour en chansons sur l'Astrus. Oubliée la déconvenue polonaise ; nos Espoirs vont pouvoir faire le siège des plus belles jambes de Moscou et nous, les vieux, nous lancer à l'assaut des escabeaux de bar. L'heure du premier, et capital pour la qualification, match de demain (11h40) nous rassure : on peut donc programmer un réveil tardif, ce qui sous-entend un coucher tardif, c'est-à-dire, aux aurores d'autant plus facile que l'aube se dévoile bien plus tôt que dans le Lot-et-Garonne.

Dimanche 28 juin

Nos visages pâles, à l'exception des coups de soleil consentis par les susdits, gagnent le car sans enthousiasme débordant. Question du meneur de jeu : "Mais l'équipe qu'on rencontre, ce ne sont pas les noirs d'hier ?" Réponse positive et grimace de l'intéressé. Krasnodar, ce sont des Pros du rugby à 7 avec un 9 créateur et deux "bombes" à l'aile. Pourtant, Jonathan les contre d'entrée et marque entre les poteaux mais Sofiane manque le drop de la transformation ce qui provoque mon réveil. Feu de paille que notre entame : les vestiges nocturnes, le vertige solaire et surtout la valeur de l'adversaire donnent le tournis à la maison bleue qui se fissure de part en part : 27 -15 et Plate pour le SUA. Aurions-nous gagné avec Pierre Camou sur le banc ? La question mérite t-elle d'être posée ?

Avant les phases finales, grand défilé des drapeaux nationaux portés par les plus belles filles de Russie : la Tricolore retient l'attention de tous mes joueurs ; seule ma voisine pourrait faire mieux pour représenter la France !

Nous voilà donc dans la demi-finale de la Plate contre les Lithuaniens de Mienieki, de grands blonds écarlatisés par Phébus et peut-être par des excès de vodka. Sans convaincre, surtout grâce aux jambes de Jonathan, le plus précautionneux de nos garçons – copine omniprésente même à plus de 4000 Kms – nous l'emportons 19 – 0.

En finale, les Sibériens nous attendent toutes dents dehors, assoiffés de revanche, leur "Golgoth" de numéro 8 en figure de proue et nous... privés de l'arbitre italien. Scénario maintenant classique : essai d'entrée pour nous et face aux poteaux... transformation manquée. Puis, jambes lourdes, Yohan un peu seul au plaquage, avants à la ramasse et 25–10 au final. Même pas la force de crier.

Superbe finale du Grand Tournoi entre le VVA Podmoscovie et le Yug-Krasnodar. Notre arbitre français, pourtant pas le premier couché hier au soir, nous surprend par sa capacité à tenir le rythme. A la sirène, l'ouvreur du VVA fait la différence à notre grand dépit car nous aurions aimé les prolongations tant la rencontre était séduisante. Dans la foulée, un texto tombe du Gers : "Montréal champion de France !" Et Panjas ?

Sur le terrain, remise des prix très solennelle après les discours du Ministre des Sports, du Tourisme et de la... Police, du Chef du Département de la Culture Physique et des Sports de la ville de Moscou et de Vyacheslav Kopiev, Président de l'Union Rugby de Russie. Difficile de tout suivre. A l'hôtel, banquet regroupant tous les participants et une multitude de plats sur nos tables : le bortch comme soupe, les pirozhty comme entrées accompagnés de blinis, le boeuf Strogonov comme plat de résistance, salades diverses et une flopée de desserts – glaces, beignets, chaussons etc... Trois nouveaux discours agrémentés d'un toast obligatoire – tout le monde debout verre en main – à la vodka cul-sec, en l'honneur de la future intégration du rugby à 7 aux Jeux Olympiques.

Lundi 25 juin

Retour sans problème par Munich et arrivée en fin d'après-midi sur Toulouse où nous attendons pendant plus d'une heure nos bagages, avant qu'un initié nous apprenne que nous nous trompons de salle de réception et que, la Russie n'étant pas de l'Union Européenne (!), il faut se rendre à l'autre bout de l'aéroport, dans un autre endroit, où nos valises ont attrapé le tournis en jouant au manège sur le déambulateur.

Dans la voiture, Nelly, si chère conductrice, nous relate l'histoire Bastareaud, dont nous ignorons totalement les rebondissements. Sud-Radio et Pascale, accompagnée par ses amis journalistes de Midi Olympique, prennent le relais de notre amie. Des auditeurs s'insurgent d'autant plus qu'ils sont dans l'ignorance. Les leçons de morale pleuvent. La faute à qui ? Surtout que les Anciens ne nous ressortent pas leur éternel couplet : "Que de leur temps, c'était pas comme ça, que les jeunes de maintenant, etc..." Peu de tournées ont eu des comportements exemplaires et il y a eu bien pire dans le passé. Attention aussi aux attaques contre les médias : ce ne sont pas eux qui ont inventés la fausse agression néo-zélandaise. Educateurs, entraîneurs, dirigeants, supporters, nous avons tous notre part de responsabilité dans cette histoire. Actuellement, en "fabriquant" des joueurs de qualité, certes, mais en surprotégeant nos "ouailles", n'oublions-nous pas d'en faire des hommes, c'est-à-dire des gens responsables, capables d'assumer leurs actes et ce, y compris sur le terrain ? En croyant bien faire, nous étouffons ces enfants happés trop jeunes par la gloire et l'argent. Mathieu qui, jusqu'ici, a fait à peu près tout ce qu'il voulait sur un stade, va je l'espère ressortir plus fort de cette épreuve, la première de l'existence d'un enfant prodige. "Ce qui ne tue pas, me rend plus fort." L'autre soir, Arte nous présentait un reportage sur les enfants soldats, engagés par Hitler pour défendre le Reich dans les moments de la guerre. Plusieurs survivants étaient interrogés : autrement cruel que l'affaire Bastareaud !

Samedi 4 juillet

A la demande de Paul Chollet, le maire d'Agen à l'humanisme reconnu, et de Vivi Salesse, mon nouveau Président – celui de l'Association SUALG, avec l'aide d'Eric, éducateur rompu au plus difficile – n'a-t-il pas fait pratiquer le rugby à des aveugles ? – et de Norredine, habitué aux plus durs des Cités et des Camps, sur le terrain d'Honneur d'Armandie, nous initions à notre sport, une vingtaine de trisomiques de 15 à 20 ans, des enfants à l'enthousiasme communicatif, toujours positifs malgré le handicap, heureux de courir derrière un ballon, heureux de vivre tout simplement. Eric me glisse : "Tu aurais dû faire venir quelques Espoirs pour participer à la séance". La prochaine fois, j'inviterai Mathieu Bastareaud, je suis sûr qu'il viendra enfin…à Agen !

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