La frustration de Clermont

Thomond Park est protégé. Par une force obscure anti-française ou alors par le fighting spirit irlandais. Après Montauban, c'est Clermont qui en a fait l'expérience. L'antre du Munster a encore joué le rôle du 16e homme pour la formation irlandaise à moins que ce ne soit l'arbitre de la rencontre. Comment, en effet, ne pas évoquer la décision de Monsieur White qui, dès la 20e minute, sort un carton rouge pour Jamie Cudmore mais seulement un jaune pour Paul O'Connell? Les deux hommes semblaient tout aussi fautifs. "J'ai eu l'impression que la décision était déséquilibrée" , avouait même Vern Cotter qui attendait de revoir les images pour avoir un regard "objectif".

Quoi on en dise, cette décision a incontestablement modifié le cours de la rencontre. Dans un sens comme dans l'autre. A 15 contre 15, Clermont aurait sans doute pu revenir couronné de succès de Limerick mais les Munstermen n'auraient peut-être pas "pensé que le match était terminé", comme l'ajoute l'entraîneur de l'ASM. Sans cette expulsion, qui dit que les Auvergnats auraient fait preuve de tant de courage et de détermination? "On a montré qu'on était solidaires et capables de faire de belles choses en dehors de Marcel-Michelin, reconnait Julien Malzieu. Mais on est frustrés car on repart d'ici avec rien du tout".

O'Connell: "Clermont a du coeur"

Et c'est bien là l'implacable constat de cette rencontre. Après avoir tenu tête en infériorité numérique aux champions d'Europe, les Clermontois ont cédé, encaissant deux essais dans les trois dernières minutes. Deux essais qui les privent de l'exploit de l'année et d'un point de bonus qui n'aurait été, il faut le dire, qu'une maigre consolation. "Je ne pense pas que les joueurs aient été récompensés de leur bonne performance pendant 60 minutes avec un joueur de moins, explique Cotter. Je suis vraiment déçu pour eux. Nous avions juste besoin d'une possession supplémentaire, de conserver le ballon et nous aurions probablement pu repartir d'ici avec une victoire".

Clermont a eu l'occasion de tuer le match après que Julien Malzieu eût redonné l'avantage à son équipe. De retour dans les 22 mètres du Munster suite à une percée de Nalaga, les avants auvergnats ont échoué à quelques centimètres de la ligne tandis que Brock James manquait dans la foulée le drop du 11-16. C'était la 73e minute. "On aurait eu cinq points d'avance et je suis sûr que ça n'aurait pas été la même fin, confirme Pierre Mignoni. Le Munster aurait eu davantage de pression, on aurait défendu différemment. C'était pourtant le jour où on pouvait gagner, je le sentais, c'était énorme".

Cotter: "Voir l'aspect positif"

Même les joueurs du Munster, méconnaissables par moments ("On voyait qu'ils avaient les yeux hagards", dixit Laurent Emmanuelli), ont reconnu les vertus clermontoises. "J'ai beaucoup de respect pour cette équipe, lançait Paul O'Connell après la rencontre. Elle n'a pas seulement des joueurs fabuleux, elle a surtout du coeur. C'est le match le plus dur qu'on ait joué ici depuis des années". Du côté de l'entraîneur des Irlandais, Tony McGahan, c'est plutôt le soulagement qui dominait comme sentiment. "Je suis avant tout très heureux de ne plus avoir à affronter Clermont". Difficile de faire mieux comme compliment.

Malgré la défaite et la déception, les Asémistes ont consolidé les certitudes nées lors du match aller. Ils n'iront peut-être pas en quart de finale encore cette année mais valent mieux que leur 5e place en Top 14. Vern Cotter préfère d'ailleurs voir le verre à moitié plein. "Il faut voir l'aspect positif de ce match. Affronter des équipes comme le Munster aide à grandir. Je suis sûr que nous allons surmonter la déception, analyser ce match et voir ce que nous pouvons améliorer dans notre jeu". Les Auvergnats auront du mal à digérer cette défaite pendant quelques jours. Mais quand elle sera évacuée, ils en ressortiront plus forts.