Aouf charpenté pour la mêlée et La Rochelle

Par Rugbyrama
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TOP 14 - Belle histoire que celle de Léo Aouf. Le pilier gauche de la Rochelle, titulaire d'un CAP Charpente Ossature Bois, a d'abord brillé au ski avant de passer au rugby et de devenir pro au Stade Rochelais. Une histoire de patience, de travail bien fait et de passion pour la mêlée, reconnue par le club qui l'a prolongé de 3 ans en novembre.

"On arrive à prendre du plaisir en dehors de la lumière. On ne va pas faire ça pour la gloire. On est content de le faire, car c'est notre rôle. Il faut être conscient de ses qualités, de ce que l'on peut faire et de ce que l'on apporte à l'équipe, même si ce n'est pas forcément remarqué par l'extérieur. Nous les piliers, on a notre rôle dans l'équipe." L'humilité des piliers n'est jamais feinte et Léo Aouf, fait partie de cette famille qui œuvre dans l'ombre sans jamais véritablement briller. Léo, c'est d'abord une belle histoire qui va de Val Thorens, dans les Alpes au stade Marcel-Deflandre, en passant par Poitiers. Drôle de trajectoire, donc qui commence sur les pistes de ski de la station alpine et qui va l'amener à manier ses premiers ballons ovales. "J'habitais à Val Thorens. Je faisais du ski tous les ans de novembre à mai. J'avais le père d'un copain qui habitait à Ugines. Et donc l'été, on allait passer des week-ends ou des mercredis là-bas. Il s'avérait qu'il était éducateur de rugby. Et de fin août à octobre ou les mercredis, il nous amenait à Ugines et on faisait quelques entraînements. J'ai dû faire cela peut-être 3 mois. Et c'est là que j'ai découvert le rugby, je devais avoir 6 ans. Cela a été ma première approche du rugby. On faisait la petite heure de Val Thorens jusqu'à Ugines pour faire notre entraînement. Et on repartait." Léo Aouf n'a pas une famille "extrêmement sportive". Son père était plutôt bon balle au pied et a failli d'ailleurs rejoindre le bataillon de Joinville section football. Léo, lui a fait comme tous les gamins de la montagne, du ski donc, de la randonnée et du vélo. C'est à Poitiers que le rugby va s'imposer à lui.

Léo se retrouve à Poitiers à l'âge de 10 ans, mais ne renonce pas au ski, pour autant. Il poursuit pendant 2 ans sa passion d'enfance : "Durant les vacances scolaires, j'allais à Val Thorens, et il se trouve qu'il y avait un ski club à Poitiers, chose étonnante. Certains week-ends, il y avait des compétitions organisées pour les gens qui n'habitent pas dans les Alpes. Et donc, il y avait un calendrier qui était qualificatif pour les Championnats de France. Le week-end, je prenais l'avion à Poitiers, j'allais dans les Alpes pour faire les compétitions, pas tous les week-ends bien sûr, mais je recroisais mes copains de là-bas." Léo qui comptait bien rentrer en sport-étude ski, lâche finalement ces allers-retours infernaux et se met... au foot. Pas longtemps. "Comme dans ma classe, il y avait beaucoup de rugbymen, et que j'étais déjà un peu costaud, un peu rond surtout, on m'a dit : viens essayer" explique-t-il. "Mais c'était un sport qui m'avait toujours plu. Je l'avais déjà découvert. J'y suis allé sans rechigner et puis voilà. Je devais avoir 14 ans." Ses copains du Stade Poitevin Rugby n'imaginaient pas que leur Léo, allait devenir quelques années plus tard, rugbyman pro, surtout sous la tunique jaune et noire.

Top 14 - Léo Aouf (La Rochelle) marque un essai contre Pau
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CAP Charpente et académie au Stade Rochelais

Le destin se joue parfois à peu de choses. Mais celui de Léo Aouf, ne pouvait que le conduire à La Rochelle. Pour le jeune pilier, le lycée, ce n'était pas vraiment ce qu'il aimait. "J'avais de bonnes notes au collège, sans difficultés, mais sans trop travailler non plus, précise -t-il. Mais cela ne m'intéressait pas, je voulais découvrir quelque chose et faire du concret. Je suis donc parti en apprentissage." Et son CFA est à La Rochelle. "J'ai fait un CAP charpente ossature bois chez les Compagnons du devoir. Je n'ai pas fait le compagnonnage avec le Tour de France." Un apprentissage qui tourne à l'apprentissage de la vie et forge un sacré caractère à l'adolescent au beau gabarit, qui continue le rugby à Poitiers, le week-end. "J'avais mes cours ici et j'avais mon entreprise à Poitiers. J'ai connu le monde du travail et je pense que cela m'a fait beaucoup de bien. J'ai découvert un peu la vie. J'avais 14 ans, je sortais du collège. À 14 ans, on rentre dans la vie active. C'est top, on grandit beaucoup plus vite. On connaît toutes les contraintes, les heures, travailler sous la pluie, le froid, la neige." Léo a d'ailleurs continué ses études avec un Bac Pro, un BTS. Une application que l'on retrouve d'ailleurs sur le terrain, balle en main, ou plutôt au combat. Le pilier poitevin qui avait fait les sélections régionales, s'entraîne alors avec les joueurs de La Rochelle qu'il côtoyait en sélection. L'année d'après, il abandonne son projet de continuer les études, le travail et le rugby. "Je me suis vite rendu compte que l'alternance et le rugby, même en n'étant pas au centre de formation, mais à l'Académie, ce n'était pas possible. Avoir un contrat de travail en entreprise, avec les entraînements de rugby, ce n'était pas jouable. Mais je suis content de mon parcours."

"J'ai grandi avec le club"

C'est ainsi que débute le parcours rochelais de Léo Aouf, un petit gars aux idées bien arrêtées et surtout déterminé à réussir dans ce club qui est désormais le sien. "Je n'avais pas une grande expérience du rugby avant. J'ai dû faire 2 ans et demi de rugby à Poitiers. Je suis arrivé en 2014, j'avais 17 ans, c'est l'année où le club remonte en Top 14. J'ai un peu grandi avec le club. Quand je suis arrivé, il n'y avait pas la tribune Jackson à Deflandre et il y avait encore la tribune SMAM. Le terrain d'entraînement était encore derrière, il n'y avait pas l'APIVIA. J'ai vu un peu les étapes, alors, oui aujourd'hui, je me sens Rochelais." Le centre de formation va devenir sa maison. Le gaillard (1,82 m, 119 kg) se retrouve international moins de 20 ans, progresse sans faire de bruit, au point que toujours espoir, il fait ses premiers pas en Top 14 à Clermont en mars 2018. Patrice Collazo, un autre gaucher, l'envoie alors ferrailler au Michelin durant 15 minutes en remplacement de Dany Priso. Premier élément de la charpente. Sa progression, déjà ralentie par une blessure aux croisés, va être stoppée net : "La première année où je commence à jouer en pro, je me refais les croisés. Du coup, début de saison d'après, je ne joue pas, je reviens en novembre avec les Espoirs. Je refais un match en janvier avec les pros et après, il y a le confinement. Alors, oui, je grappille, je prends tout ce que j'ai à prendre. J'ai encore beaucoup de choses à travailler." Le staff rochelais lui fait confiance malgré ses blessures, puisqu'il signe son premier contrat pro en décembre 2019.

Depuis, Léo a changé de statut. Seize fois sur la feuille de match en 2021, le joueur, calme de nature, veut casser l'image un peu lisse qu'il dégage, de l'espoir qui monte. "J'ai encore cette étiquette de jeune joueur, issu du club." Alors, oui, c'est presque un pur produit du centre de formation. Oui, il est pote avec cette belle génération, dont Thomas Berjon, mais, le principal pour lui "c'est de prendre du plaisir sur le terrain." Léo Aouf travaille donc pour concurrencer les autres piliers gauches du club, même s'il ne peut s'empêcher d'avoir des mots gentils pour les deux autres gauchers. "La différence avec ceux qui sont à mon poste aujourd'hui, c'est que j'ai moins d'expérience que les autres gauchers. Reda (Wardi) a une belle expérience de la Pro D2 et s'en est très bien servi en arrivant ici. Et on voit que ça paye. Et Dany (Priso) qui est international, est beaucoup plus expérimenté. C'est bien parce que cela me pousse aussi. On se donne des conseils. Il y a une bonne entente entre nous. Après, c'est sur le terrain qu'il faut progresser." Et en face, à l'entraînement, il se retrouve avec le meilleur pilier droit actuel Uini Atonio. Pas mal pour travailler les poussées, les angles et les appuis. Alors trop gentil, Léo Aouf ? Pas obligatoirement, mais l'intéressé sait qu'il doit progresser dans ce domaine. Il l'avoue lui-même : "Je prends vachement sur moi, avec du recul et sur le terrain, il faudrait que j'ai plus d'agressivité. C'est ce que l'on me reprochait au début où on ne se sent pas forcément légitime quand on commence en pro. Il faut se créer sa place."

Plongeon révélateur ?

Léo serait-il trop réservé ? Peut-être, mais quelques indices présagent plutôt d'une personne en contrôle, appliqué, mais qui peut aussi se lâcher sans prévenir. La preuve, on la retrouve en vidéo pour son unique essai en Top 14 à Pau en 2020, avec un plongeon digne d'un ailier. L'anecdote le fait sourire : "Je ne saurai pas expliquer. Ça a vrillé raconte-t-il avec gourmandise. Cela a extériorisé toute la joie que j'avais. En le revoyant, je comprends pourquoi Greg Alldritt gueule un peu après ! Car vraiment, je peux me faire mal. J'ai dû avoir un shoot d'adrénaline au moment où je me rends compte que je vais marquer et que Pierre Aguillon me dit de la garder. Je ne saurai jamais vraiment l'expliquer parce que c'est un truc que même à l'entraînement, je n'avais jamais fait. C'est tellement rare qu'en tant que pilier, on se retrouve dans cette situation. On essaye d'être au soutien. Mais qu'on se retrouve avec le ballon, à 15 m de la ligne entre les poteaux, je n'y avais même jamais pensé. En tout cas, cela sera un beau souvenir pour mon premier essai en pro. Cela restera gravé. J'espère qu'il y en aura d'autres."

#TOP14 #EssaiDuJour - J7
Quel essai du @staderochelais ! @BriceDulin montre ses qualités de relanceur et le pilier @leo_aouf s'envole pour la conclusion ! ?

Les juges sont unanimes : ?/? pic.twitter.com/lKRVqBCkYs

— TOP 14 Rugby (@top14rugby) November 5, 2020

Léo Aouf n'a été que 2 fois titulaire cette année pour 7 apparitions en Top 14 et 2 en Champions Cup. Cela n'est certainement pas assez pour Léo. Durant ce temps là, il a pourtant garder le sourire. L'absence sur blessure de Reda Wardi, lui donne l'occasion d'engranger du temps de jeu. Mais pour mettre une autre poutre sur la charpente, lui, qui prend "ce qui a à prendre avec grand plaisir", va retourner au travail. Comme son équipe qui navigue entre le très bon et des moments d'égarements coupables. "C'est à nous de trouver des petits réglages. Je pense que c'est du manque de concentration de notre part, qui fait qu'un coup, c'est bien, un coup, on passe à travers. Il ne faut pas s'alarmer, mais il faut se réveiller." Léo, lui, l'est à coup sûr. La prolongation jusqu'en 2024 de son contrat, montre bien combien le staff actuel compte sur lui. Il ne lui reste plus, en bon charpentier, qu'à construire sa carrière.

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