La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre chroniqueur, Pierre Villepreux, nous propose aujourd'hui un premier bilan après les trois premières journées du Tournoi.

Il n'est pas facile dans une compétition comme les 6 nations d'apprécier en les comparant les diverses productions des équipes. La valeur d'un collectif s'évalue d'abord certes de manière objective par rapport aux résultats. Mais entre le jugement incontournable que ses résultats forcement nous impose et l'évaluation qualitative des différentes prestations, on est bien obligé d'accepter qu'en plus des analyses stratégiques, tactiques, techniques, voire statistiques, l'évaluation très personnelle que l'on fait du jeu produit tient un rôle prépondérant. En effet, chacun à sa manière, on attend que la prestation dans le rapport de force présumé soit en adéquation avec les références de jeu et de style que chacun a dans sa tête.

En ce sens, cette 3e journée des 6 nations devenait déterminante pour classer les valeurs non seulement dans le cadre des résultats, mais aussi pour apprécier l'aspect qualitatif des diverses performances.

Dans ces trois matchs, au-delà des scores, la qualité du jeu produit a été bien différente. Certes le contexte de chaque match et les résultats précédents n'y sont pas étranger. Mais les bonnes équipes sont aussi celles capables de rester fidèles à leur style de jeu quel que soit l'adversaire. En ce sens, depuis les tests d'octobre, seule l'équipe d'Irlande propose une manière, un mode de jouer un rugby dynamique, rythmé cohérent ce que traduit à la fois les prestations individuelles et l'activité de l'ensemble des joueurs. Les 20 premières pénibles minutes du match contre la France n'ont pas perturbé leur jeu, puisque ils ont affronté les Anglais, sans calcul, avec la conviction que "leur Rugby" leur manière de le penser et le "jouer" viendrait à bout de leurs adversaires les plus détestés.

L'Irlande a un style, une identité, et le match réalisé est certainement un des plus accompli en terme d'engagement et de continuité. Même les mêlées et les touches ne semblaient pas être des arrêts de jeu mais s'intégraient dans le mouvement précédent tout en nous propulsant déjà dans le mouvement successif.

Les Anglais contrairement à ce que l'on a pu dire ont répondu présents dans les intentions mais formés à un jeu où l'organisation prend encore trop le pas sur l'adaptation, leur espace d'efficacité diminue quand l'adversaire propose un niveau de jeu plus élevé et mois prévisible.

La France gagne. Mais on doit reconnaître qu'il est encore difficile de décrypter le style français. Les trois matchs joués ont présenté des moments forts qui ont suffi pour faire la différence. Mais, d'un match à l'autre, on a vu les Tricolores proposer de longues périodes et séquences utilisant prioritairement la même forme de jeu délaissant du même coup l'alternance des formes qui sont la marque d'un jeu total maitrisé. Est-ce une force ? Est-ce une faiblesse ? Est-il possible d'arriver à un jeu identitaire jumelant toutes les formes et forces tactiques disponibles ? Cela doit être possible puisque dans une logique de jeu adaptatif, le choix d'une forme si elle produit l'effet escompté conditionne la suivante.

En choisissant l'option de repousser le mur Gallois, sans jamais réellement le traverser, la France a obtenu des pénalités mais est allé chercher une victoire que les Gallois leur ont toujours contestée. Ces derniers ont joué quelquefois avec brio et pas mal de certitudes. Chaque fois qu'ils eurent le ballon, ils surent provoquer les Bleus dans un jeu de passe en avançant qui devrait être une force française. Force qui existe potentiellement puisque ce jeu-là était bien présent en début de match contre l'Irlande, voire à un degré moindre l'Italie puis curieusement ces mouvements collectifs de jeu total se diluent sans que l'on soit en mesure d'analyser pourquoi..

Alterner avec pertinence et efficacité toutes les formes de jeu en relation avec les réponses défensives supposent de savoir accroitre pour tous la vitesse de lecture du jeu afin de pouvoir changer ce qui était prévu. Pour n'avoir pas su ou pu déséquilibrer la défense Galloise , il a fallu avoir recours à un jeu organisé qui n'a pas produit d'effet majeur puisque le jeu de passe quand il était utilisé se faisait devant la défense. Affronter celle-ci en multipliant les mauls dits "pénétrants" ne plaçait pas les lignes arrières dans les meilleures conditions pour sortir d'un jeu où l'organisation reprenait forcement ses droits.

Italie-Ecosse. Ce match s'est joué en 7 minutes et il est particulièrement affligeant de voir une équipe comme l'Ecosse concéder- du jamais vu à ce niveau de pratique- dans la foulée, trois contres indignes de cadets.

Jouer un coup de pied offensif qui vise à lober la défense pratiquement dans son propre en but est une aberration tactique. On sait que la réussite de ce type de coup de pied est conditionné à un positionnement défensif particulier qui mobilise pratiquement tous les joueurs dans la première ligne de défense, donc peu ou pas de défenseurs à même de couvrir derrière cette ligne. La montée rapide de Bergamasco accentuant l'incertitude de la situation, choisir cette option relevait non plus de la prise de risque mais d'un délire tactique Ce type de coup de pied conserve bien sur toute sa valeur dans un conteste spatiale et défensif différent Première erreur tactique suivie dans la foulée de deux autres amenant les deux interceptions italiennes relatives aux décisions conjuguées des différents porteurs de balles incapables de prendre en compte la défense inversée choisie par les Italiens

Deuxième erreur celle-ci stratégique concerne les pénalités non tentées en début de match qui aurait pu permettre aux Ecossais de se rassurer et de revenir au score.

Tant mieux pour les italiens qui n'avaient plus qu'a défendre, en confiant au pack le soin d'avancer profondément sur des mauls pénétrants, laisser le jeu au pied faire le reste et placer quelques banderilles offensives quand il était pertinent de le faire .

Le changement de stratégie coté Ecossais(multiplication à l'envie des picks and go) devenait après ce début de match catastrophe tout aussi caricatural que l'option "jeu à tout va" sans discernement du début du match.

Cette pauvreté stratégique et tactique place les Ecossais au dernier rang. Je ne sais pas comment en 6 mois ils pourront retrouver un jeu plus en adéquation avec leurs moyens du moment et leur culture. Leur système de formation ne les prédispose pas à se lancer dans un jeu qui demande que les joueurs soient formés à prendre des décisions dans le cadre d'un mode de jeu clairement identifié en termes de repères commun à tous.

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