La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert, Pierre Villepreux, revient sur la fin de match entre les Harlequins et le Stade français: la séquence de plus de quatre minutes.

On peut, après la victoire des Harlequins de Londres sur le Stade français acquise dans les dernières minutes de match après une séquence de conservation du ballon de plus de quatre minutes, être interpellé par la forme du jeu choisi produit.

La stratégie choisie par les Londoniens pour accéder à la victoire était certes liée au score du match (2 points de retard à la 78e minute), à la pluie, à la grosse domination de leurs avants tout au long du match mais surtout, dans cette fin de match, à l'obligation pour des Parisiens, pressés dans leur camp, de défendre plus la cible des poteaux que leur ligne de but. Il s'agissait donc de ne pas faire de fautes dans les multiples affrontements proposés. La longue séquence a donné lieu à 29 regroupements avec, en conclusion, un drop synonyme de victoire. En décidant d'avancer au plus près, sans passe, en utilisant en alternance mauls et pick and go ou un jeu à une passe jamais très loin de la zone de conservation, les Harlequins ont bien utilisé le contexte contraignant de la situation.

La fragilisation des Parisiens, forcés de ne pas enfreindre la règle, les a amené, non pas à ne pas s'impliquer et à faire face avec pugnacité, mais par peur de la sanction de rester dans la juste mesure des comportements utiles, ceux d'une équipe bien éduquée, respectueuse du règlement. En laissant à leurs adversaires plus de facilité pour conserver le ballon, ils se mettaient en situation de subir, via le drop, le programme prévu. Par deux fois, le collectif défensif du stade su contraindre l'ouvreur adverse à prendre une autre option. En forçant Evans, le 10 anglais, à choisir un jeu plus large, les Parisien évitèrent le drop - punition mais du même coup ils donnèrent, du fait d'une moindre pression dans les espaces latéraux, deux occasion d'essai, qu'Hernandez, soit dit en passant, a su par deux fois remarquablement éviter. La troisième tentative fut la bonne. Elle crucifia le Stade qui pourra toujours regretter dans ce match, même si son collectif a été globalement dominé par les "Quins" de ne pas avoir su percevoir certaines situations favorables qui pouvaient être facilement et efficacement exploitées à leur avantage. Ceci était, me semble-t-il possible au regard de la fraîcheur physique en fin de match des Stadistes qui ne m'a pas semblé inférieure à celle de leur adversaires.

A ce tournant du match, les formes d'actions choisies par les Harlequins étaient logiques au regard de la supériorité qu'ils avaient manifestée dans le "jeu d'avants" justement parce qu'on était à un tournant du match et que la temporisation recherchée pour placer leur buteur en situation de drop ou pour pousser les Parisiens à la faute et bénéficier d'une pénalité était nécessaire. De là à dire que ce rugby là me convient, il n'y a qu'un pas que je ne franchirai pas.

Cependant, comme la tendance c'est de copier ce qui réussit il ne faudrait pas que cette forme de jeu soit maintenant employée quand le contexte ne s'y prête pas. Elle doit être comprise comme une option possible ponctuellement utilisable parce qu'il s'agit bien en l'occurrence de gérer cette situation particulière et que toutes les forces collectives doivent être mises en oeuvre pour que l'action décisive de réussite puisse se réaliser.

Bien sûr, en adepte du jeu de mouvement, je pense aussi que les Harlequins avaient la place pour gagner le match avec d'autres options de jeu. Celles-ci auraient certes fait appel à une adaptabilité collective différente. Ce jeu implique des libérations de balle rapides dans les situations de rucks et vise à profiter ainsi du déséquilibre crée, traduit dans le rapport de force momentané par un avantage en nombre de joueurs en situation d'avancer, ou en un avantage positionnel grâce aux placements et déplacements des joueurs dans les zones de moindre pression défensive, voire les deux.

Ce jeu était il plus à risque et moins pertinent ? On ne le saura pas.

Pour amener un collectif à développer sans appréhension un jeu qui provoque des situations de déséquilibre et que celles-ci soient exploitées, il faut que la règle évolue. La rigueur arbitrale demandée dans les situations plaqueur- plaque et post placage (situations de ruck particulièrement) ne suffit pas en tout cas elle me parait insuffisante.

La règle qui au départ avait été proposé par l'IRB et qui n'a pas été retenue par les nations permettait à la défense de mieux "contester" la possession du ballon, donc sans rendre ces phases de conservation abusive du ballon plus à risque, incontournable pour développer par rapport au jeu un état d'esprit différent et forcement la mise ne place d'autres apprentissages porteurs d'enrichissement tactiques et techniques.

Dommage mais je ne doute pas que cette règle reviendra rapidement d'actualité.

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