La chronique de P.Villepreux

La France a gagné le match historique, celui qui a vu le rugby entrer dans un stade qui se refusait au rugby mais qui, en l"acceptant, a banni tous les sectarismes. Pour cette raison, non sportive évidemment, la morale aurait voulu que les Irlandais soient les vainqueurs de cet affrontement. Il en a été autrement, le sport a donc repris ses droits et c"est tant mieux.

Cette petite digression passée, je ne souhaite pas refaire le match mais plus simplement revenir sur les 20 premières minutes de celui-ci, justement dans cette période où le jeu français en terme de jeu total s'est le mieux exprimé. Les difficultés rencontrées par la défense Irlandaise pour stopper les déferlantes françaises auraient pu se transformer en déroute si les différents porteurs de balle et conjointement le soutien le plus proche avaient su avant le placage, assurer par le jeu de passes la vie du ballon (ce qui me semblait tout à fait possible, au moins en trois occasions).

L'avancée continuelle des uns et des autres le permettait, car il s'agit bien alors dans ces temps forts, dans un affrontement favorable, d'avoir une lecture juste des formes prises par la défense et de savoir y répondre de manière adaptée. Se posent alors les problèmes de savoir pour le joueur comment utiliser ses ressources tactiques, d'abord, techniques et énergétiques ensuite. Ces ressources sont, me semble-t-il, à la disposition des joueurs français, mais ils les mettent en oeuvre ou trop tôt ou trop tard, en tout cas pas dans le bon timing.

Des raisons touchant la peur de ne pas réussir, le manque de confiance dans ses moyens, voire le contexte de ce match peuvent toujours être invoquées. Je préfère mettre en avant la formation du joueur celle vécue dans la continuité depuis le plus jeune âge jusqu'au haut niveau. Quand on parle d'adaptation, il ne s'agit pas de celle très spontanée que l'on surprend logiquement chez les débutants, mais bien de l'action logique, que le joueur de haut niveau doit pouvoir consciemment réaliser au bon moment, en plein mouvement, et à la vitesse de l'action.

Former les joueurs à réagir à ce qui n'est pas prévu demande du temps et demande de mettre en place des situations les plus proches possibles de la réalité afin de solliciter la réactivité des joueurs. Ce qui veut dire qu'il ne s'agit pas de lui apporter des solutions qu'il est a même d'appréhender théoriquement, mais bien de lui donner les moyens de vivre des situations dans l'action, dans les entrainements. Des situations qui le confrontent à jumeler le jeu tactiquement juste avec la réalisation technique adéquate, en sachant aussi accepter les erreurs comme outils de progression.

Les mouvements collectifs développés par les Français dans cette dynamique de formation auraient peu être mérité une meilleure conclusion, ce qui aurait aussi redimensionné certainement l'exploit de Vincent Clerc. Le match, curieusement, y aurait perdu en émotion. Cet essai aurait été alors considéré comme anecdotique puisque non déterminant dans le résultat.

On se doit aussi de valoriser le retournement de situation provoqué par les Irlandais. Les Français semblèrent tout d'un coup fatigués. Les verts, moins malléables en défense, menaient le bal comme on avait pu le leur voir faire lors des matchs précédents. Mais il était dit que c'était bien cette carence défensive constatée en début de match qui allait provoquer leur perte dans la dernière minute de jeu. En manquant le plaquage qu'il ne fallait surtout pas manquer, les verts ont "raté", sans démérité réellement, ce moment d'histoire, attendu par tout un peuple.

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