Coupe du monde de rugby 2023 – Pierre Villepreux analyse France – Italie : "Peut-être pas un match aussi facile qu’on pourrait le penser"

Par Paul Arnould
  • Pierre Villepreux, ici en 2007 au Stadio Olimpico de Rome lors du Tournoi des 6 Nations.
    Pierre Villepreux, ici en 2007 au Stadio Olimpico de Rome lors du Tournoi des 6 Nations. - Philippe Perusseau / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Il est connu, entre autres, pour son amour du jeu. Pierre Villepreux, ancien sélectionneur de l’équipe de France et de l’Italie, apporte son regard sur la rencontre de ce vendredi soir, qui sera décisive pour les deux équipes.
 

80 ans passés et toujours la même analyse pertinente, la même justesse dans la réflexion et un vocabulaire précis et utilisé à bon escient, Pierre Villepreux ne se refait pas. L’ancien arrière toulousain, intronisé il y a quelques années au mur des légendes de World Rugby pour sa carrière, aime toujours autant le rugby et se délecte de cette dixième édition de la Coupe Webb Ellis. Ce fidèle amoureux du jeu total apprécie tout particulièrement les prestations des "petites équipes". "J’ai pris beaucoup de plaisir à voir jouer les Portugais, les Uruguayens. Leur jeu libéré, moins construit pour ne pas dire moins programmé, m’a bien plu." C’est son regard sur le France – Italie de ce vendredi soir qui nous intéresse tout particulièrement. Ancien entraîneur de l’équipe de France, finaliste de l’édition 1999 aux côtés de son ami Jean-Claude Skrela, mais aussi de l’Italie, Pierre Villepreux s’attend à une réaction italienne après la débâcle face à la Nouvelle-Zélande. "Je pense que l’Italie va montrer son vrai visage. Connaissant les Italiens et leur mental, le fait d’encaisser autant de points contre les Blacks et le fait de jouer la France – parce que c’est toujours un match particulier – ils feront tout pour être mentalement prêts. Ça ne sera peut-être pas un match aussi facile qu’on pourrait le penser."

La défense, clé du match

Face aux Tout-noirs, les Transalpins ont pris une leçon, et le match a rapidement tourné à la correctionnelle. 96 points, 14 essais encaissés, les coéquipiers d’Ange Capuozzo n’ont pas existé, et doivent trouver la force nécessaire pour se relever et se qualifier. "En attaque, ils sont restés fidèles à leur jeu, du moins ils ont essayé même si ça s’est retourné contre eux, mais c’est surtout en défense qu’ils doivent faire un effort. Le rugby n’est pas un jeu d’attaque ou de défense, mais un jeu d’attaque ET de défense. Et cette notion, ils l’ont un peu oublié." En effet, avec 33 plaquages manqués sur 125 tentés, soit un pourcentage faible de 73,6 % de réussite, l’Italie s’est trouée, et devra réagir au risque de vivre une nouvelle soirée lyonnaise cauchemardesque. "En tant que sélectionneur, j’aurais insisté toute la semaine sur la défense collective. C’est dans cette réactivité défensive qu’ils sont vulnérables dès qu’ils perdent le ballon ou qu’ils le rendent mal au pied. La France, à l’instar des All Blacks, sait très bien exploiter cette faille."

Je ne pense pas les Italiens en mesure de gagner, mais ils sont capables de les gêner aux entournures

Quelle(s) solution(s) alors pour l’Italie face aux Bleus ? Utiliser davantage le jeu au pied (seulement 11 face aux Blacks) ? "C’est une possibilité, mais est-ce vraiment la solution pour eux ? Parce que le jeu au pied, c’est fournir le ballon aux autres. Le rugby est pour moi un jeu de possession. Les règles sont faites pour qu’une équipe garde le ballon. Ils devront surtout se montrer plus disciplinés (14 pénalités concédées)." Leurs difficultés à gérer les temps faibles et à encaisser beaucoup de points font d'eux des proies faciles. "En effet tout dépendra du scénario. S’ils craquent rapidement, il n’y aura pas photo. Autant ils peuvent être rigoureux et engagés dans leur rugby si le score se tient, autant ils lâchent rapidement quand ils commencent à prendre l’eau. Je ne pense pas les Italiens en mesure de gagner, mais ils sont capables de les gêner aux entournures."

L’équipe de France joue trop au pied

Impossible, enfin, de ne pas évoquer le XV de France avec celui qui fut surnommé « fantôme » par la presse britannique pour ses percées légendaires. Le jeu au pied est devenu l’arme fatale des Bleus et ça se voit dans cette Coupe du monde avec déjà 95 coups de pied effectués et une deuxième place derrière le XV de la Rose dans ce domaine. "Je trouve que l’équipe de France joue trop au pied, confie l’un des grands théoriciens du rugby. Les Français ont les moyens de davantage posséder le ballon. L’Irlande, elle, est fidèle à son rugby, à savoir garder la balle autant qu’on peut la garder, et d’avancer dans les intervalles. Y compris pour les avants, qui cherchent toujours l’intervalle et peut-être moins le pur défi sur l’homme." Un axe de progression pour Fabien Galthié et son staff même si la stratégie actuelle a montré son efficacité. Et amènera sous doute les Bleus en quart de finale, à moins que la pression d'une élimination historique ne les rattrape : "Non, je n’y crois pas. Il faut relativiser cela. Ce sont des joueurs habitués à vivre avec la pression du résultat, avec les critiques et les louanges."

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Les commentaires (5)
MerleBleu Il y a 7 mois Le 06/10/2023 à 19:36

Oui, Galthié fait trop jouer au pied et quand le coup n'est pas assez bien réalisé (ce qui arrive), la pression d'attaque revient en boomerang : cela nous sera fatal face à des équipes comme l'AFS, les Black et l'Irlande. Seul Jalibert peut nous sortir de cet écueil, s'il sort un peu du schéma de jeu du staff.

Espytrac Il y a 7 mois Le 06/10/2023 à 19:07

Pour marquer des essais il faut garder le ballon et pas le rendre sans cesse au pieds Villepreux a raison car il connait très bien le jeu.

Lynette Il y a 7 mois Le 06/10/2023 à 18:56

C'est le 1er arrière moderne du rugby, avec l'art de s'intercaler dans sa ligne de 3/4; de plus il a aussi modifié la façon de taper les pénalités en se décalant avec ses pas de côté. Respect à ce joueur légendaire, toujours pertinent dans ses analyses!