Top 14 - Patrick Arlettaz : "Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la semaine que l’on a passée…"

Par Vincent Bissonnet
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Le succès précieux du jour, sa "der" à Aimé-Giral, le défi du maintien ou encore la force de ce groupe : comme à son habitude, le manager catalan Patrick Arlettaz s’est livré sans langue de bois après la victoire de l’Usap face au Stade toulousain, ce samedi.
 

Quel sentiment prédomine après ce précieux succès face à Toulouse : le bonheur, la fierté… ?

Le bonheur ? Non. Il ne sera présent que si l’on arrive à maintenir le club. On sait que la route est courte mais elle est difficile. Ce n’est pas du bonheur. Il y a de la fierté. Quand on rencontre ici, à Aimé-Giral, le plus grand club de France, dont on a bien senti qu’il venait pour gagner et qu’il avait les armes pour, quand il y a cette ambiance, quand on arrive à renverser le match avec beaucoup de souffrances et d’abnégation, il y a beaucoup de fierté. La fierté est dans les essais que l’on marque, dans la qualité de notre jeu, dans notre solidarité… Elle est dans ce groupe là. De La Fuente était absent au dernier moment à Brive et c’est celui qui l’avait remplacé, Eddie Sawailau, qui nous a fait gagner. Aujourd’hui, Sipa (Taumoepeau) et Ali (Crossdale) étaient blessés et c’est Dorian (Laborde) et George (Tilsley) qui sont arrivés au pied levé. Dorian a fait un match exceptionnel, vraiment, en ayant fait du physique jusqu’à hier. Comme quoi il y a des choses irationnelles...

Ca vous fait sourire...

C’est difficile l’irrationnel quand vous êtes coach mais il faut accepter que ça existe. Peut-être que c’est irrationnel que l’on ait battu Toulouse… On est très heureux, très fier. Le bonheur, c’est au-dessus. On espère avoir beaucoup de bonheur dans trois semaines.

L’Usap avai régulièrement manqué de maîtrise sur les fins de match ces derniers temps. Aujourd’hui, vous l’avez parfaitement géré. Comment l’analysez-vous ?

Peut-être que… Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la semaine que l’on a passée. Samedi dernier, c’était horrible. J’en ai connu des moments difficiles ici, j’ai connu de grandes joies, aussi. Samedi dernier, à Lyon, c’était sans doute le plus mauvais samedi des sept dernières années. Des déceptions, vous pouvez en avoir mais quand vous faites l’ascenseur émotionnel comme ça, c’est très dur... Il a fallu s’en remettre et pour gagner Toulouse en plus, pas un club de Quatrième Série. On combat parfois contre l’irrationnel quand on est coach. Pour rendre la chose rationnelle, on peut dire que la fin de match contre Lyon nous a servis face à Toulouse. Comme ça, ça fait une belle histoire à raconter. Et ça donne l’impression que l’on sert à quelque chose.

Votre tâche a été rendue plus complexe avec toute une série de forfaits et de contretemps...

Oui, Mathieu, Sipa, Ali, la fin de match contre Lyon, celle à Montpellier… Est-ce que l’on a cru que l’on avait fait du mal au bon Dieu ? Un peu, ouais. On se l’est dit. On a envoyé toutes les femmes des îliens à la messe. Ça marche, parfois. On a commencé par ça. Ça nous a coûté une fortune en cierge (sourire). Non, il fallait croire en nous. C’est une construction de longue haleine. On sait que ce groupe est capable de réaliser des choses merveilleuses, il fallait se le rappeler.

Un mot sur Tristan Tedder, décisif au pied. Il a répondu présent le jour J.

Collectivement, on a appris de la fin de match à Lyon. Lui aussi, individuellement, a appris de son dernier match. C’est un grand joueur. Et les grands joueurs sont ceux qui ne font pas deux mauvaises prestations d’affilée et qui sont capables d’apprendre de leurs erreurs. Il a le droit de faire des conneries. Quand on joue, on en fait, forcément. C’est un grand joueur, il apprend vite, il aime ce sport. Et il aime ce club. Je ne veux pas que l’on dise le contraire, ce n’est pas parce qu’il s’en va qu’il ne l’aime pas. A nous d’en profiter jusqu’à la fin de saison, c’est une chance de l’avoir.

Mamea Lemalu et Piula Fa’asalele ont été honorés à la fin de la partie. Cela veut-il dire qu’ils quitteront le club ?

Partiront, partiront pas ? C’est en stand-by. C’est un peu particulier. S’ils étaient amenés à partir, on pourra dire qu’ils auront marqué cette histoire. Ils sont en fin de contrat, il n’y a encore rien de signé. J’ai toujours espoir qu’ils repartent pour une pige.

Si l’Usap a battu Toulouse, un club de Pro D2 peut bien nous battre

Parmi les partants, il y a vous. Les émotions ont-elles monté ?

Pfff… Bien sûr… C’est mon club, depuis toujours. Je venais avec mon grand-père quand j’avais 3 ans, je vous casse les c… avec ça fréquemment. J’ai joué à 17 ans ici pour la plus grande fierté de mon grand-père. On m’a autorisé de prendre la responsabilité du sportif pendant sept ans. Ici, c’est énormissime. J’en suis très fier, bien sûr. Je ne vis pas avec les regrets, je ne suis pas nostalgique mais aujourd’hui j’ai dû batailler pour être dans le match, tout le long. J’ai fait des efforts que je n’ai pas besoin de faire d’ordinaire. J’avais envie que mes enfants soient fiers de moi, que ma femme soit fière de moi, que mon grand-père soit fier de moi de là où il est… Je n’ai jamais voulu la notoriété mais que les gens que j’aime soient fiers de moi, ça j’y tiens.

Les "merci" que vous avez reçus aujourd’hui ont de la valeur, non ?

C’est moi qui devrais dire merci. Je me suis régalé. C’était moi le privilégié. J’ai kiffé. C’est fabuleux ce que j’ai vécu. C’est merveilleux d’aimer un club à ce point et d’en avoir la responsabilité. Et de sentir que les joueurs vous suivent, c’est extraordinaire. C’est un cadeau merveilleux. C’est moi qui dis merci à tout le monde. Et la meilleure des manières de le faire, c’est de laisser ce club en Top 14. Je ne sais pas si on va le faire. Je sais très bien que tout peut arriver, sur un match. Si l’Usap a battu Toulouse, un club de Pro D2 peut bien nous battre. Ça paraît même plus facile. Je sais bien tout ça. On en a très envie. J’en ai très envie pour les joueurs, pour le staff, pour Zaza (Marty), pour Franck (Azéma) aussi… C’est surprenant dans ce milieu mais c’est la vérité.

Quand on se souvient que vous aviez été à deux doigts de partir en janvier...

Je n’y pense pas du tout, sincèrement. Je n’ai pas d’aigreur, d’amertume ou de revanche. On m’a proposé une nouvelle organisation avec laquelle je n’étais pas d’accord. J’ai dit : "Je m’en vais sans faire d’histoire...". Les joueurs en ont décidé autrement. Sans eux, on ne fait rien. Quand ce sont tous les joueurs qui décident, il vaut mieux les écouter. Je ne sais pas ce qui se passera à la fin mais les joueurs ont déjà eu raison, vu ce qui s’est passé depuis janvier. Ce n’était pas eux qui avaient tort. Je ne sais pas qui avait eu cette idée… Enfin, j’ai ma petite idée des personnes qui l’avaient soufflée à l’oreille du président mais ils avaient tort. J’espère qu’ils le savent. Je n’ai pas besoin qu’ils le disent à tout le monde mais quand je les croise, je vois dans leurs yeux qu’ils le savent. Ça, c’est un petit plaisir de revanche. Tout le monde est content, au final : car même ceux qui ont soufflé la fausse bonne idée veulent le mieux pour ce club.

 

Un dernier mot sur Brad Shields, encore énorme ce samedi et qui s’en va à regrets...

Brad (Shields), ça a été un coup de foudre. Même pour lui. Il y a des joueurs comme ça qui sont nés au bout du monde et qui ont tout pour être catalan. Il s’est retrouvé ici, il a adoré l’ambiance, il a compris ce que les gens attendaient de lui. Il était fait pour ça, c’était déjà son jeu. Les gens sont tombés amoureux de lui. Pour des raisons familiales, il doit partir mais c’est un déchirement. J’aimerais qu’il revienne rapidement. C’est un grand monsieur. Et c’est le genre de mecs dont vous êtes jaloux de suite : il est bon, il est intelligent, il est beau gosse et il a du charisme. Vous en tombez amoureux. Et votre femme aussi. Ça m’arrange qu’il parte en un sens (sourire).

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