Plus de sanctions en mêlée, moins d'arbitres vidéo et l'attaque favorisée : l'arbitrage va changer

  • Laurent Cardona
    Laurent Cardona
  • La mêlée bayonnaise face à Toulon
    La mêlée bayonnaise face à Toulon
  • Christine Hanizet ce vendredi soir à Oyonnax
    Christine Hanizet ce vendredi soir à Oyonnax
  • Toulouse - Montpellier
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Publié le Mis à jour
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TOP 14 - Les arbitres avaient décidé de se réunir à Luz-Saint-Sauveur dans les Hautes Pyrénées la semaine après la première journée de Top 14. Un choix qui a permis de faire un point sur l'application des nouvelles directives données par l'encadrement des arbitres avant le début de la saison. Mêlées, vidéo et hors jeu sur les rucks sont les trois secteurs dans lesquels ils ont reçu des directives.

Plus aucun joker en mêlée

D'abord, la mêlée. Les arbitres devront prendre une décision dès la première mêlée et regarder plus attentivement les introductions. Une demande de réactivité que les arbitres du championnat de France sont capables d'assumer car bien formé dans ce secteur selon le patron des arbitres Didier Mené : C'est compliqué la mêlée, mais c'est moins compliqué que la vidéo. À l'œil nu au plus près de l'action, il n'y a pas besoin de vidéo. Dès fois, les torts sont partagés, mais huit fois sur dix, c'est clair.

La mêlée, encore et toujours serait-on tentée de dire. C'est une guerre d'usure, cette affaire. On a des comportements qui ne sont pas bons et il faut les modifier, souffle Didier Mené. La mêlée, ce secteur de jeu où le match s'arrête longtemps. Trop longtemps, à force de voir les packs se reformer et tenter de sortir un ballon proprement. Le temps tourne, les gens s'ennuient. Pire, la mêlée ne permet même plus d'user l'adversaire puisque ce dernier, lorsqu'il subit, préfère tomber que reculer.

Didier Mené explique les directives pour cette saison : L'an dernier, on avait laissé un joker. Maintenant, c'est zéro joker. Quand les deux équipes se placent, l'arbitre peut arrêter et refaire faire la mêlée si elle n'est pas stable. Par contre, une fois que c'est introduit, on est parti. Ou ça sort, ou alors c'est pénalité ou coup de pied franc. On est passé de 40% de mêlée jouées, il y a deux ans à 50% la saison dernière grâce au premier tour de vis. Mon espoir est de passer à 60% de mêlée jouées.

À Luz-Saint-Sauveur, toutes les mêlées de la première journée ont été revues et pour Didier Mené, il reste des progrès à faire : Il y a eu quatre matches très bons et trois matches où ça a été catastrophique. Dans ces trois matches, on a eu 20% de mêlée jouées. On a reproché aux arbitres d'être trop souples, trop laxistes. Ils ont fait ce que j'ai dit, à savoir qu'ils ont réagi à la première mêlée. Par contre, quand on pénalise, première mêlée, deuxième mêlée, troisième mêlée, quatrième mêlée, au bout d'un moment les fenêtres s'ouvrent et c'est carton. Si on ne sort jamais les cartons, il y a des équipes qui se moquent d'être pénalisées pendant quatre-vingt minutes en mêlée. Il n'y a que le carton qui peut faire modifier le comportement.

La mêlée bayonnaise face à Toulon
La mêlée bayonnaise face à Toulon

Le patron des arbitres veut en finir avec cette sorte de complaisance d'autant plus que les clubs sont avertis et sont d'accord, ajoute-t-il. Ils nous ont dit de faire ça. On ne prend pas de décisions sans les consulter. Maintenant, si on ne le fait pas, on perd toute crédibilité. Le message cette semaine à Luz-Saint-Sauveur a donc été le suivant : Si vraiment on rentre dans un marasme tel qu'on l'a connu sur ces trois matches où au bout de vingt minutes, vous avez eu cinq mêlées et aucune debout, je veux que les arbitres réagissent avant la mi-temps. S’il y a des cartons à mettre, c'est avant la mi-temps. Sinon c'est cuit. S’il faut aller au carton rouge pour fautes répétées, on ira au carton rouge.

Dans ce secteur de la mêlée, les arbitres vont également être attentifs aux introductions. Ce n'est plus du tout arbitré, estime Didier Mené qui poursuit : Je ne veux plus qu'on laisse faire des choses caricaturales. La première journée, certains arbitres s'étaient assis dessus, mais c'est fini. On veut que la mêlée retrouve ses lettres de noblesses. L’introduction, c'est le début de l'équité en mêlée. Là, ça devenait caricatural.

Des arbitres vidéos plus compétents

Après avoir vu la mêlée, voici la vidéo. L'arbitrage vidéo va se professionnaliser un peu plus avec une élite de huit arbitres qui a été retenue après un concours. L'an dernier, ils étaient seize, les voici désormais au nombre de huit pour un nécessaire rehaussement des compétences. Pour permettre un roulement, ce sont les arbitres centraux qui désormais seront aussi emmenés à passer devant l'écran à l'occasion des rencontres de Top 14.

On s'est rendu compte avec le protocole vidéo tel qu'il est que le profil d'arbitre vidéo tel qu'on le connaissait ne nous satisfaisait plus, explique Didier Mené. C'était bien souvent des anciens arbitres plus ou moins impliqués dans les affaires du jeu. Ça, c'était valable quand on demandait à quelqu'un : 'est ce qu'il y a eu toucher dans l'en-but ou non'. À partir du moment où on demande de voir les passes en avant, s'il y a eu au début de l'action une obstruction ou un passage à vide, que l'on voit toutes les complexités de la vidéo, ce n'est plus le même profil que l'on recherche. Le profil que l'on recherche maintenant est celui des arbitres centraux.

Christine Hanizet ce vendredi soir à Oyonnax
Christine Hanizet ce vendredi soir à Oyonnax

En revanche, pas de message du patron des arbitres pour faire moins souvent appel à la vidéo. Là encore il s'explique : Ça, je ne le ferai jamais. À titre personnel, comme spectateur, je dirais oui, il y a trop d'appels à la vidéo. On est tous agacé y compris nous, anciens arbitres, quand on regarde un match : "pourquoi il ne prend pas sa responsabilité et puis c'est tout". Mais comme patron des arbitres je dirais non, parce que si j'étais encore arbitre, je ferais pareil. On met un outil à disposition et si on se trompe sans l'avoir utilisé, c'est une faute professionnelle. Personne ne veut prendre le risque et je les comprends. Ceci étant dit, en France, il n'y a pas plus d'appels vidéo que dans les autres compétitions. On a les statistiques. De mémoire, on est en moyenne à 2,7 par match.

Rucks : plus dur avec la défense, plus indulgent avec l'attaque

Après la mêlée et la vidéo, la nouvelle philosophie arbitrale dans les rucks. Le ruck sera sans doute le plus compliqué des secteurs à faire évoluer, mais les arbitres ont promis de se pencher sérieusement sur le problème. Didier Mené parle de philosophie d'arbitrage. Il s'agit désormais non pas d'avantager l'attaque, mais plutôt de ne pas la désavantager.

La conduite d'un match, c'est toujours difficile mais c'est là le charme de l'arbitrage, dit le patron des arbitres. Il y a un tri qui est fait et certaines fautes peuvent être occultées. Il y a des fautes bénignes et d'autres qui ne le sont pas. Comme cela est très subjectif, c'est encore plus difficile de rendre la chose cohérente entre tous les arbitres. Et pourtant, il y a une cohérence indispensable à avoir au sein du corps arbitral. En France en particulier, nous sommes plus indulgents avec la défense qu'avec l'attaque. Mais il y a des droits et des devoirs pour tous les deux. Désormais, ça ira dans le sens pour favoriser les intentions de jeu. Nous étions trop durs avec ceux qui avaient le ballon.

Toulouse - Montpellier
Toulouse - Montpellier

Dans ce sens, l'attention sera portée dans les rucks et autour des rucks. L'œil de l'arbitre sera désormais un peu plus fixé sur la défense. Le plaqueur ne devra ainsi plus gêner la circulation du ballon. Que cela soit intentionnel ou pas. Le plaqueur n'est pas idiot pour rester dans le camp adverse, juge Didier Mené. Il reste perpendiculaire au ruck et bouge les bras pour montrer qu'il fait l'effort de sortir. Mais il encombre les pattes du neuf. Tout ça ralenti le jeu. C'est travaillé à l'entraînement et les joueurs savent que les arbitres trient. Ils prennent des risques et si on ne dit rien, ils ont raison. Quand il y a deux, trois, quatre plaquages de ce genre, il y a chaque fois une influence minime qui se retrouve plus tard, quand au dixième ruck, il y a un gratteur qui peut intervenir parce que le jeu a été ralenti constamment. Et lui, on le récompense dès la première tentative. Il n'y a pas d'équilibre dans ce tri.

Autour des rucks, maintenant, le patron des arbitres veut également plus de rigueur sur les hors-jeu, là encore un tri qui jusque-là était favorable à la défense, ça doit changer. La nouvelle philosophie de l'arbitrage sera d'être plus dur avec les plaqueurs qui ralentissent le mouvement et parallèlement donner plus de chance à l'attaque de s'inscrire dans la continuité en attendant le résultat du balayage du ruck. Didier Mené pense que cette philosophie différente ne sera pas facile à mettre en place et qu'elle demandera un peu de temps, mais l'arbitrage doit aller dans ce sens.

Didier Mené de conclure devant l'assemble des arbitres : Tout cela induit des formes de jeu et contribue à la pauvreté du jeu. Les arbitres sont aussi là pour aider à donner de l'ampleur au jeu. Ce n'est pas sa mission première, mais ça fait partie des missions de l'arbitre. Il faut un regard plus dur sur la défense que sur l'attaque. On a perdu un an. Il faut matraquer. Est-ce-que c'est clair ? On repart sur des bases philosophiques un peu différentes et quand vous arbitrez, vous devez avoir cet œil orienté différemment.

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