La chronique de P. Villepreux

Par Rugbyrama
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Cette semaine, Pierre Villepreux revient sur les statistiques et leur utilisation dans le rugby d'aujourd'hui.

La place accordée aux statistiques par les entraîneurs semble de plus en plus grande. La prochaine coupe du monde va accroître le phénomène et ces statistiques agrémentent de plus en plus les chroniques et deviennent un support majeur pour les commentaires TV. L'utilisation qui en est faite appelle quelques remarques. On peut accepter qu'il y ait deux modes d'analyse du jeu :

Une forme d'analyse très "British" consiste à prendre ne compte le nombre de balles disponibles dans les divers secteurs du jeu ; entre autres conquête - coup d'envoi et renvoi - pénalités et leurs causes - ruck and maul- turn over - le nombre de passes dans les diverses actions développées - le nombre de coups de pied - en défense le nombre de plaquages etc&hellip

A l'inverse de cette option que je qualifierais de plutôt analytique, une autre conception, plus globale pour ne dire systémique, consiste à accorder une valeur plus qualitative au "comment" sont utilisées les balles disponibles quelle que soit leur provenance.

Il s'agit de prendre en compte les formes et composantes du jeu de mouvement et la justesse des choix tactiques en plein jeu, en liaison directe avec l'efficacité constatée dans les mouvements collectifs et enchaînements développés.

Par exemple, le nombre de mauls ou de rucks joués par une équipe ne fait nullement apparaître la qualité du jeu produit avant et après leur réalisation. On constate une plus ou moins grande maîtrise dans ce secteur précis du jeu, mais le seul nombre ne rend pas compte de la pertinence de l'utilisation du ballon dans le contexte de jeu momentané. On délaisse dans l'analyse ce qui s'est passé avant, et après, pour ne voir que le pendant.

Les chiffres ne renseignent que sur la seule capacité à conserver le ballon, ce qui est bien sûr insuffisant. S'en tenir au nombre de réussites ou échecs peut amener à réaliser à l'entraînement un travail sur la seule organisation technique de cette phase en délaissant les composantes dynamiques du jeu qui font justement sa richesse et vers laquelle il conviendrait d'orienter la réflexion des joueurs.

Autre exemple, choisir d'analyser le nombre de balles rendues au contact à l'adversaire (ce que traduit le nombre de turnover en faveur de l'adversaire) peut inciter à faire travailler le seul aspect technique dans l'affrontement un contre un (position à l'impact, protection et libération de la balle). On néglige le sens global des situations de jeu qui ont conduit à cette carence, et on oublie les options et choix tactiques logiques qui auraient pu être choisis avant d'être confronté à la situation d'affrontement.

Il est plutôt inquiétant de voir dans les écoles de rugby de très jeunes joueurs tenter de s'approprier contre des sacs de placages à la fois la technique utile et l'organisation du soutien successif. On s'attaque au résultat pas aux causes. Ce n'est pas par hasard si les bons joueurs trouvent des solutions qui permettent de ne pas être confronté à ces situations qui finissent généralement au sol.

Dans le même ordre d'idées, les statistiques peuvent en effet faire apparaître un grand nombre de passes. Leur nombre n'est pas pour autant significatif d'efficience quand elles sont effectuées devant une défense nullement perturbée. Un jeu de passe bien compris dans le cadre d'un jeu de mouvement efficace se traduit par de l'avancée, celle-ci est indispensable pour créer sur la défense un déséquilibre immédiatement exploitable.

Ceci pour dire qu'il convient d'évaluer avec beaucoup de discernement le sens des analyses chiffrées. Elles peuvent conduire à ne travailler que des bouts de rugby qui ne seront pas pour les joueurs significatifs et à même d'être logiquement replacés avec efficience dans la mouvance et les aléas du jeu.

Les statistiques chiffrées ont leur importance mais leur donner une trop grande priorité risque de faire oublier de prendre en compte, dans le cadre du rapport de force, le sens et le pourquoi des actions de jeu concernant le mouvement des joueurs et du ballon

L'analyse qualitative est prioritaire, l'utilisation des statistiques ne prend son sens qu'en complémentarité.

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