Coq sauce aigre douce

Par Rugbyrama
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Notre chroniqueur Rodolphe Rolland revient sur la défaite des Bleus face à l'Australie et, plus globalement, sur les problèmes du rugby français où l'équipe de France n'est pas la priorité.

Ce n"est pas encore cette fois-ci, qu"on aura la peau du wallaby ! Coriace la carne ! Courbe l"échine mais ne rompt pas ! Le marsupial attend patiemment son heure, le dos rond sous les assauts du coq impétueux. Puis la bête, l"orage passé, sans lustre mais avec une rogue efficacité, passe le coq à la casserole à notre grand courroux.

La première année Lièvremont s'achève par une défaite de plus contre l'Australie mais sans l'excuse antipodique des seconds couteaux. Bien que le bilan comptable n'incite guère à l'allégresse – cinq victoires en dix matchs (ou cinq défaites diront les plus chagrins) – on a toutefois entrevu du mieux, comme une sorte d'embryon d'équipe pouvant augurer de jours meilleurs. Attention, ceci n'est pour lors que pure spéculation, pas de quoi pavoiser, ni chanter prématurément le cocorico de la renaissance tricolore sur l'air des lampions, loin s'en faut. Néanmoins, une mêlée retrouvée, un Chabal qui s'impose en leader incontestable du paquet d'avants, un pack relevant plus qu'honorablement le défi physique imposé, sont là, il me semble, des motifs évidents de satisfaction.

Pour le reste, maladresses, mauvais choix, faillite du buteur, difficulté à prendre en défaut la cuirasse ananas bien organisée, sont rédhibitoires à tel niveau et invite tout ce beau monde à revoir la copie pour envisager un jour tutoyer le gratin et caresser l'espoir de se hisser parmi l'élite. Pas de doute, y'a du pain sur la planche ! Le trio de sélectionneurs va devoir mettre la main à la pâte, avec comme souci le soin de l'exactitude qui est selon Brillat Savarin et sa "physiologie du goût" la plus indispensable de toutes les qualités du cuisinier. Or, ces petits réglages, ces dernières retouches à faire délicatement, avec minutie, ces attitudes à rectifier dans le détail, bien qu'accessoires en apparence, demandent du temps et de la disponibilité. Le triumvirat a-t-il et l'un et l'autre, rien n'est moins sûr !

Embauché pour éteindre le feu post coupe du monde, Lièvremont, parfaite antithèse de son prédécesseur, n'en est pas moins homme de caractère. Pas question pour lui de porter seul la toque, et si responsabilité il y a, le bonhomme assume les siennes mais n'hésite pas, en même temps, à circonscrire plus largement le champ des "culpabilités". Martelant à l'envi le laïus légitime du manque de moyens, Marc Lièvremont a mis en évidence le constat funeste qui lui pèse depuis fort longtemps : la priorité du rugby français n'est pas l'équipe de France ! Dans le concert des nations dominantes, sans évoquer l'exception argentine, la France est une fois encore à la traîne de l'hémisphère sud et de l'Angleterre, qui malgré les camouflets de l'automne a su évoluer favorablement en accordant à ses internationaux plus de temps pour se préparer.

Dans un sport passé professionnel depuis 1995, il est sidérant de constater l'amateurisme manifeste des instances rugbystiques en la matière : calendrier surréaliste, des moyens certes (Marcoussis) mais sous-exploités, certains clubs rechignant quant à la libération de leurs meilleurs joueurs et tout cela au détriment de la vitrine nationale de notre sport. Ainsi éclosent les aberrations du rugby français : trop de matchs disputés, tournées galvaudées, doublons Top14-tests d'automne et en point d'orgue la prochaine tournée d'été avec deux avions décalés au départ de Paris !

L'homme taiseux n'a pas l'intention de jeter l'éponge, quelque peu désabusé et voguant à vue sur cet océan de contradictions, il nous donne rendez-vous pour le futur Tournoi des 6 nations. D'ici là, la LNR et la FFR auront un nouveau président, charge à eux de regarder enfin vers l'avenir.

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