La chronique de P. Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert Pierre Villepreux revient sur la rencontre entre la France et l'Australie, perdue par les Bleus samedi dernier (13-18). Il fait, par la même, le bilan de la tournée d'automne du XV de France.

Durant ces trois matchs, le jeu des Tricolores s'est constamment amélioré. Pour ce dernier match, on ne peut pas leur reprocher grand-chose, si ce n'est la défaite. Elle pouvait être évitée. Je me garderai bien d'évoquer la non-réussite de David Skrela pour l'expliquer. On a été capable de rivaliser dans tous les domaines et la générosité dans tous les secteurs n'a pas fait défaut. Nous étions à la hauteur de nos adversaires mais il manquait comme dans les autres matchs, cette volonté de défier "l'Australien" en prenant enfin le jeu à son compte.

Cette volonté de créer a été insuffisante et est révélatrice d'une peur cachée qui bloque les initiatives. Face aux exigences du jeu moderne, cette frousse limite considérablement la progression tant individuelle que collective. Quand on a bien voulu provoquer les Australiens balle en main (je pense notamment en fin de première période), le projet de jeu français recherché par les entraîneurs prenait forme et se traduisait avec efficacité dans un jeu en avançant qui s'est avéré logiquement plutôt déstabilisant pour la défense australienne.

Ceci ne veut pas dire qu'il faut tomber dans l'excès et l'impertinence de tout jouer à la main mais d'alterner les deux formes à bon escient.

Ce trop de jeu au pied a révélé ce refus d'entreprendre. Le nombre de ballons rendus à l'adversaire en choisissant cette forme de jeu a été impressionnant. Ne pas s'être rendu compte de l'inefficacité des up and under est fâcheux car le résultat final, compte tenu de la capacité à rivaliser physiquement avec les Wallabies tient à l'abus de cette option tactique.

L'entraînement en rugby comme dans tous les sports collectif est une conjoncture qui permet le développement et le perfectionnement des qualités physiques, techniques, tactiques et humaines des joueurs avec comme objectifs de les utiliser de façon optimale dans la compétition. Ces qualités doivent leur permettre de lancer un défi à eux-mêmes et au jeu, synchronisation incontournable pour obtenir des résultats optimaux qui seront aussi la conséquence de l'effort maximum consenti et du plaisir pris dans l'action.

Une fois passé le temps expérimental de préparation d'une compétition, le collectif le jour J va être à la merci d'autres circonstances et facteurs qui leur permettra de mettre en &oeliguvre réellement leurs capacités.

La période de 5 semaines accordée au XV de France et le rythme des matchs pouvait servir à corriger d'un match à l'autre les déficiences, à expérimenter les possibilités de tous ordres que celles-ci soient collectives ou individuelles, indispensables pour créer et stabiliser des comportements et des attitudes créatrices qui devront se révéler dans le moment de compétition et quand le contexte le permet.

Il s'agit bien quand on entraîne, de créer un climat qui génère le jour de la compétition un effort, un engagement, une générosité qui se démarque radicalement de la peur et de l'application de consignes et schémas de jeu préétablis forcément réducteurs et contraignants.

Ce développement mental d'attitudes individuelles et collectives s'inscrit dans la pratique "d'entraînement en liberté" . Ces attitudes n'ont de chances de devenir permanentes et réinjectés sans appréhension dans la compétition que si on les vit pleinement en les réalisant souvent.

Ce projet du travail d'entraînement s'inscrit dans les exigences de la compétition à venir et doit, à terme, transformer les attitudes et comportements anciens en attitudes intelligemment adaptées aux circonstances relativement au rapport d'opposition rencontré. En fait, l'entraînement durant ces quatre dernières semaines aurait du permettre aux joueurs de répondre au fil des matchs avec une liberté sans cesse croissante aux problèmes et opportunités rencontrés sur le terrain.

Il s'agit bien, de construire pour tous, dans les entraînements aussi cette attitude mentale réinvestissable dans la compétition, qui donnera la confiance indispensable pour ne pas refuser les situations que le jeu propose mais qui permettra bien de les affronter sans crainte en utilisant tout son potentiel, c'est-à-dire en faisant émerger ce qu'il y a de mieux en chacun.

Entraîner, ce n'est pas justifier une méthode ni un travail, ni stéréotyper des gestes, ni se contenter de la disparition d'erreurs, c'est avant tout poursuivre conjointement l'action de formation, mental et technico –tactique, jamais achevée du joueur dans le cadre d'un projet de jeu ambitieux mais réaliste dans lequel il deviendra de plus en plus responsable.

Il revient aux joueurs maintenant et pour le prochain Tournoi d'assumer leur responsabilité puisque, disent-ils, "ils n'avaient pas de consignes en ce sens". Face à l'éventail des possibilités offertes qui se présentent dans le jeu actuel, il faut faire le choix d'un jeu résolument plus volumineux, ambitieux et créatif. On attend d'eux qu'ils arrêtent de dire qu'ils vont le faire mais bien qu'ils osent le faire. Pas si impossible que cela compte tenu de leur talent, mais aussi du fait de leur capacité à le réaliser lors des entraînements mais ce travail, pour le moment, ne se manifeste que trop rarement en match.

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