La chronique de Villepreux

Par Rugbyrama
Publié le Mis à jour
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Notre expert Pierre Villepreux revient cette semaine sur les notions de pouvoir et de stratégie, notamment dans les relations Nord-Sud.

La qualification en demi-finale de la France et de l'Angleterre dépasse le seul cadre de l'événement Coupe du monde. La vieille Europe n'est pas morte et les résultats lui assure un pouvoir et légitime la relation politique avec les nations du Sud, non pas dans un face à face toujours difficile à gérer, mais bien dans une relation acceptée de puissance réciproque. Il est bien que ce soit le jeu et les résultats qu'il génère qui développent cette dynamique qui ne peut profiter qu'au rugby. Les bons résultats forcément pourraient placer les nations les ayant obtenues en position de force donc de pouvoir décisionnel. Depuis 1987, pour les demi-finales des cinq dernières Coupes du monde, l'équilibre Nord- Sud a été respecté sauf en 95 où 3 nations de l'hémisphère Sud était présentes.

En revanche, on ne peut pas en dire autant du titre de champion qui est régulièrement revenu aux nations du Sud exception faite de l'Angleterre en 2003. Ces titres consacrent aussi, il faut bien l'avouer, une certaine suprématie. En 2007, seule l'Afrique du Sud va devoir "batailler" contre deux nations européennes et contre l'Argentine qui représentera pour la première fois les "Amériques ". Cette réussite des Pumas est capitale pour déclencher dans ce continent une dynamique de développement optimale mais aussi pour valider la vision mondiale que défend l'IRB.

Derrière ce petit préambule, la notion de pouvoir peut aussi s'appliquer au jeu. Il s'agit bien en effet pour gagner d'imposer sa maîtrise stratégique et tactique en utilisant sa puissance physique en terme de vitesse et force mais encore sa solidité mentale sans laquelle aucun exploit n'est possible. Il faut ajouter à ces trois facteurs pour asseoir son pouvoir une part moins contrôlable, qui, dans les matchs "serrés" touche les aléas du jeu (le bon rebond, la faute décisive de l'adversaire, l'erreur arbitrale, les conditions atmosphériques, etc...).

La stratégie-tactique reste la dimension prioritaire qui contribue à imposer ou non son jeu. La stratégie vise à réduire les incertitudes, la bonne rassure, la mauvaise génère le doute. C'est pour cela qu'en cours de match, il convient bien d'évaluer si les effets recherchés par la stratégie sont en accord avec ceux obtenus.

De ce côté-là, et sans entrer dans une analyse exhaustive du match France - NZ, on remarquera la place importante de la stratégie sur le résultat final et comment celle-ci à modifier en cours de match tous les autres facteurs (tactique et mental). Je ne dirais pas physique car paradoxalement personne n'a parlé dans ce match d'une quelconque supériorité physique. Celle qu'on accordait aux All Blacks, pour expliquer nos mauvais résultats, ce qui, logiquement amenait à occulter leur force tactique.

Dans ce quart de finale, le jeu français et sa stratégie "gagne terrain" mise en place en première mi-temps a montré ses limites (13-0 milieu de mi-temps) mais a aussi curieusement et surtout mis en évidence celles de ses adversaires. Comment, en effet, expliquer que les Néo-Zélandais aient choisi de répondre au jeu au pied français d'occupation par du jeu au pied alors que les contre attaques étaient une de leur priorité tactique dans les matchs précédents ? Avec 13 points d'avance, plutôt rassurant, il convenait d'intensifier le jeu de mouvement et de se tranquilliser sur les vertus de leur jeu prioritaire et d'entretenir la crainte que ce jeu pouvait inspirer aux Tricolores.

En se fourvoyant en seconde période dans un mauvais jeu, atypique fait de "pick and go" et d'affrontements trop individuels (ils marquèrent certes un essai), ils autorisèrent, en défense les Français a être bien "bien dans leurs pompes", en attaque, de sortir de la stratégie originelle et ainsi de s'emparer du pouvoir tactique. Il suffit pour cela de deux séquences menées avec justesse et avec talent, "avec flair" comme disent les Anglais. Prouesse de Michalak qui en sortant du trou a su ralentir pour ne dire arrêter sa course, attendre le soutien de Jauzion, particulièrement habile pour temporiser. Au dernier moment, il infléchît sa course et prît toute la défense à rebrousse poil. Du jeu très "frenchies" un peu quand même toulousain. Jeu d'intelligence par la justesse des décisions des uns et des autres. On en redemande le plus souvent possible. En tout cas c'est ce type de jeu qui a permis de gagner, sans pouvoir pour autant affirmer que le choix d'une autre stratégie en première mi-temps aurait modifié la donne.

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