Le France - Nouvelle-Zélande dont on rêve tous en secret

Par Rugbyrama
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  • Des Bleus à la belle étoile Des Bleus à la belle étoile
    Des Bleus à la belle étoile
Publié le Mis à jour
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Auteur du livre "Les Bleus à la belle étoile", Antonio Pereira avait imaginé un choc face aux Blacks dans son ouvrage. Pour un scénario tel qu'il le décrit, le XV de France signe des deux mains.

Extrait du livre : "Des Bleus à la belle étoile" d'Antonio Pereira

21 heures. Millennium Stadium.

Le stade est plein, tout acquis à la cause tricolore. Les drapeaux et les voix se dressent alors d’un seul hymne à la première note de la Marseillaise. Une ola de bleu-blanc-rouge envahit le Millennium portant un chant éclatant qui fait le tour du stade sans interruption.

Pendant ce temps, l’incroyable, le jamais-vu se produit. Le champ des caméras se resserre sur les joueurs qui adoptent une disposition improbable et provocatrice évoquant le haka à venir de leurs adversaires. Sortis de leurs rang, en quatre lignes, jambes fléchies, regards menaçants, poings en l’air, les 23 Bleus chantent la Marseillaise dans une chorégraphie inédite, défiant tout protocole et politiquement correct. Le public adore, les commentateurs télé sont gênés.

"La Marseillaise… C’est notre haka à nous !

- Imprégnez votre esprit de combattant dans chaque mot que vous chantez !"

Ces mots, Titi les leur a répétés dans le vestiaire, il y a quelques minutes. Mais aussi dans la semaine, ce qui a donné l’idée à Mama, Pascal et quelques autres de le prendre au mot.

Le regard noir, à se fondre dans les maillots de leurs adversaires, perplexes, les Bleus chantent à tue-tête avec des gestes rythmés, tantôt les poings brandis au ciel, tantôt les mains frappant la poitrine, non sans rappeler ceux du haka maori.

"Contre nous de la tyrannie", la phrase claque sur leurs torses quand leurs pieds tapent sur le sol dans un bruit de chaînes qu’ils sont seuls à entendre.

"L’étendard sanglant est levé", les yeux au ciel, répétant avec force, des images de sang qui a coulé dans leurs mains après avoir entendu mugir ces féroces bêtes sauvages.

"Aux armes, citoyens ! Formez vos bataillons !" résonne en eux, prêts à en découdre, deux par deux, quatre par quatre, pour sauver leurs peaux et la patrie.

"Qu’un sang impur abreuve nos sillons ! Aaargh !"

Le cri de Pascal Papé, langue pendante et le pouce glissant sous la gorge, a de quoi terrifier, tout comme le regard impassible de Titi qui toise ses adversaires avant de leur sauter à la gorge. Le public exulte, hurle, l’excitation qui monte en tribunes est à son comble. Difficile pour le duo Galthié-Lartot d’enchaîner. Les caméras continuent de cadrer le XV de France, réuni en un cercle soudé où Titi harangue ses troupes, comme dans les montagnes.

"Ce combat, c’est notre Révolution, les gars !"

Traduisez : dans quatre-vingt minutes la tête du roi du monde de l’Ovalie doit tomber.

Et c’est, les têtes hautes, les torses bombés, dans un alignement parfait que les Bleus accueillent la première réplique des Néo-zélandais, visiblement perturbés par cette attaque surprise durant l’hymne français.

Le haka des All Blacks face aux Bleus - 2013
Le haka des All Blacks face aux Bleus - 2013

(…)

Les Bleus défendent, avec vigueur, les All Blacks ne passent pas mais enquillent les points au pied par Colin Slade. 15-0 à la mi-temps. C’est une boucherie selon les médias britanniques, choqués, qui se remémorent en direct les années sombres du rugby tricolore du début de XXe siècle. C’est embêtant pour les observateurs français qui voient le XV de France mal embarqué dans cette seconde période à quatorze contre quinze champions du monde.

"Pas de faute, pas de faute ! Combien de fois je vous l’ai dit ?"

Bernard Laporte est désespéré dans les vestiaires. Personne ne l’écoute. Pas même Titi dont le regard croise ceux de ses trois-quarts qui reçoivent cinq sur cinq. Sans un mot, tous se lèvent et repartent au combat.

Aucune fatigue, aucune douleur, ils ont vu pire. Il faut marquer, ils marqueront.

Pour la première fois, on peut lire de la peur chez les All Blacks avant de revenir sur le terrain. Ces Bleus-là sont fous, possédés même. Ils sont prêts à mourir pour gagner, comme à tuer.

Dès la dixième minute, le XV de France est métamorphosé. Yannick Nyanga arrache le ballon dans un ruck, à cinq mètres de sa ligne d’en-but, dans un temps fort néo-zélandais, et le donne aussitôt à son capitaine qui feinte la passe et s’engouffre dans l’intervalle. Titi accélère sur dix mètres et va s’emplâtrer sur Aaron Smith après avoir passé les bras et livré le ballon à Fred Michalak qui par un premier raffut se débarrasse de Liam Messam puis par un crochet dévastateur de deux avants un peu court, s’ouvrant le chemin du camp adverse avant de passer à hauteur à Mathieu Bastareaud qui défonce tout ce qui se trouve devant lui. Bloqué à l’entrée des 22 mètres néo-zélandais, il libère sa balle pour Morgan Parra qui redistribue à Louis Picamoles qui refait du Bastareaud, en aussi efficace. Parra poursuit dans l’autre sens avec Guirado, Ben Arous puis Flanquart qui se proposent tour à tour au jeu du "Picamolo-Bast’and-go", usant la défense des All Blacks après quinze temps de jeu. Quand le ballon ressort par Parra qui fait jouer ses trois-quarts avec Brice Dulin en relanceur puis Yoann Huget dans la croisée. Déboule alors sans prévenir Wesley Fofana, mystifiant trois défenseurs, résistant à une cuiller et deux plaquages avant de se jeter dans l’en-but comme s’il était coursé par une horde de sangliers.

Wesley Fofana - France-Canada - 1 octobre 2015
Wesley Fofana - France-Canada - 1 octobre 2015

Un essai d’anthologie ! Cinq minutes, vingt temps de jeu, plus de cent mètres parcourus. Et Fred Michalak transforme. Les champions du monde sont cuits. Ils souffrent, obligeant leur coach à opérer des changements dans leur pack d’avants.

Une aubaine. Les entrées simultanées du Belge et de Winnie font du mal à la mêlée adverse qui subit mais n’est jamais pénalisée par Monsieur Barnes. Qu’à cela ne tienne, l’entrée de Dimitri Szarzewski donne le coup fatal. Une touche dans le camp des All Blacks et un ballon porté magnifiquement exécuté sur plus de trente mètres offre le deuxième essai au talonneur du Racing. Fred Michalak ne tremble pas. En coin, la transformation passe. 15-14.

Il reste dix minutes. Un point sépare les Bleus d’un nouvel exploit. Mais les mêlées ont beau tourner, reculer et s’effondrer, le sifflet de monsieur Barnes ne bronche pas. Il faudra passer par autre chose. Il reste une minute. Parra et ses avants préparent le drop parfait pour Michalak. Quand il surgit, l’ouvreur toulonnais voit monter sur lui toute la défense néo-zélandaise, tels les fous furieux italiens prêts à lui retomber dessus, il feinte le tir et passe à Wesley Fofana qui déboule une nouvelle fois. Tchik-tchak, cadrage débordement, avant d’offrir sur un plateau l’essai de la gagne à Sofiane Guitoune, son premier en Bleu. Le stade et les joueurs exultent. Ils l’ont fait. C’est juste incroyable. C’est juste… Wouaw !!

Au Café des sports, on reste bouche bée. Personne n’a de mots pour décrire ce qu’ils viennent de vivre. La France est en demi-finale après une nouvelle déconvenue des All Blacks à Cardiff, comme en 2007.

"Des Bleus à la Belle Etoile", d’Antonio Pereira. Editions Salto (2015)

Des Bleus à la belle étoile
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