Ryan : "L’Irlande est bien plus organisée que l’Angleterre"

Rugbyrama : L’Irlande est impressionnante depuis le début du Tournoi. Qu’est-ce la rend si forte ?

Donnacha Ryan : Je crois qu’elle dispose avant tout d’un excellent staff, qui porte beaucoup d’attention aux bases de ce jeu. Et il y a aussi une bonne connexion entre ce staff et ceux des quatre provinces irlandaises. Les joueurs travaillent toute l’année des aptitudes spécifiques définies par Joe Schmidt. Ils savent donc exactement ce qu’ils ont à faire en dehors des périodes internationales. Et il y a aussi souvent des petits rassemblements où les joueurs peuvent nouer des relations sur et en dehors du terrain et perfectionner les combinaisons du plan de jeu. Il y a enfin un focus tout particulier sur l’aspect technique. L’Irlande ne pourrait pas rivaliser avec les meilleures nations comme l’Angleterre sans une excellente maîtrise des bases techniques. C’est aussi pour cela qu’elle concède si peu de turnovers quand elle attaque. Dans les rucks, c’est une des meilleures équipes du monde.

Comment expliquez-vous cette capacité à rendre aussi peu de ballons ?

D.C. : Chaque joueur à une tâche à accomplir. Le porteur de balle ne se focalise par forcément sur le fait de casser la ligne adverse mais sur son attitude au contact puis au sol afin d’éviter l’intervention rapide de la défense. Et il a très souvent un soutien à l’intérieur et un autre à l’extérieur qui arrivent très vite, ce qui rend très compliquée la tâche de l’adversaire pour récupérer le ballon. C’est d’ailleurs plus facile pour les arbitres. Et ils adorent arbitrer l’Irlande car ils n’ont pas vraiment à concentrer leur attention sur les fautes techniques. Au contraire, l’équipe en face se frustre de ne pas arriver à récupérer le ballon, commet des fautes et donne des possibilités de marquer ou se dégager. C’est une des clés de l’efficacité irlandaise sur la scène internationale.

On ne verra pratiquement jamais l’Irlande faire des offloads

Après avoir perdu lourdement contre l’Irlande (56-19), le capitaine italien Sergio Parisse déclarait que le XV du Trèfle était actuellement au-dessus de l’Angleterre. Est-ce également votre avis ?

D.C. : Je crois en effet que l’Irlande est bien plus organisée que l’Angleterre. Cela fait un moment maintenant que Joe Schmidt dispose d’une base solide de joueurs. La conquête est très bonne et la charnière Sexton – Murray contrôle parfaitement le jeu de l’équipe. Quand il y a des blessés, ceux qui les remplacent connaissent déjà tout de ce qu’ils doivent faire sur le terrain et font la même chose. Ils n’ont donc pas vraiment de stress sur ce qui va se passer. Notre petite faiblesse, avant, résidait dans le manque de consistance et d’homogénéité. Mais aujourd’hui, chacun sait vraiment ce qu’il doit faire. Certains diront que c’est rébarbatif ou ennuyeux, mais c’est très efficace. Il n’y a qu’à voir les dernières minutes contre la France, conclues par un fantastique drop de Johnny Sexton.

C’est l’anti-french flair…

D.C. : Après, c’est aussi très excitant de voir et de jouer dans une équipe qui utilise souvent les offloads, comme c’est le cas en Top 14. Pour ma part, je découvre. C’est parfois frustrant car on aimerait des fois conserver le momentum mais il est vrai que cette façon de jouer est agréable à voir et permet la continuité. On ne verra en revanche pratiquement jamais l’Irlande faire des offloads car c’est jugé trop risqué.

Pensez-vous que l’Irlande pourra s’imposer en Angleterre et remporter le Tournoi ?

D.C. : Je l’espère en tout cas. S’il y a un match que j’adorais jouer, c’était bien celui contre l’Angleterre. Je sais aussi qu’avant celui-ci, il y aura une partie très dure à mener contre le pays de Galles. Les Gallois sont déçus d’avoir perdu en Angleterre et leur sélectionneur Warren Gatland adore les matchs contre l’Irlande. Les joueurs ne devront donc pas déjà se projeter plus loin que cette rencontre face au pays de Galles. Si tout se passe bien, j’espère qu’ils joueront le Grand Chelem à Twickenham, le jour de la Saint Patrick et ce serait beau de voir l’Irlande gagner.