Trinh-Duc le légitime

Il était au départ de l'aventure, habillé du numéro 10. François Trinh-Duc (24 ans), premier ouvreur lancé par Marc Lièvremont à sa prise de fonction : Tournoi 2008, face à l'Écosse. Trois ans après, Trinh-Duc est toujours dans le rôle de chef d'orchestre du XV de France à l'entrée de la dernière ligne droite qui doit conduire au Mondial en Nouvelle-Zélande et carrément favori pour le poste de numéro 10. François Trinh-Duc retrouve donc l'Écosse trois ans après. L'expérience en plus : 22 sélections sur les 31 tests dirigés par Marc Lièvremont. L'envie d'en découdre en prime : victime d'une déchirure à la cuisse droite, l'ouvreur de Montpellier avait raté la dernière tournée de novembre. Cette fois-ci, il a débarqué à Marcoussis avec une béquille à la cuisse, séquelle du dernier rendez-vous de Top 14 contre le Stade toulousain. Gênant mais pas rédhibitoire. Alors Marc Lièvremont ne s'est pas privé de titulariser Trinh-Duc pour le premier round contre l'Écosse.

Maître zen

Avant l'ouverture de ce Tournoi 2011 qui doit être celui de l'espoir, de la rédemption après un crash-test contre les Wallabies le 27 novembre, il y aurait lieu de s'angoisser, stresser. "Il y aura de l'électricité dans l'air", prophétisait Thierry Dusautoir en décembre. Trinh-Duc s'impose pourtant maître zen avant de descendre dans l'arène. "De l'électricité dans l'air ? C'est un peu exagéré. Moi je ressens surtout une bonne pression. Tout le monde a envie de retrouver l'équipe de France, d'imposer notre jeu, de ressentir le plaisir d'évoluer ensemble. Oui, on a hâte d'affronter l'Écosse, de renouer avec la victoire et le plaisir". Trinh-Duc, blessé, n'est pas un traumatisé direct de la déroute contre les Wallabies. Mais il ne se veut pas épargné. "J'étais devant ma télévision : l'équipe a subi les impacts puis pris l'eau... Je n'oublie pas que j'ai été engagé dans d'autres débâcles. Du fait d'être absent face à l'Australie, je vais juste dire que j'ai été chanceux..." D'autant qu'en son absence, Damien Traille – plan B au poste – ne s'est pas imposé incontournable.

L'attaque, univers naturel

François Trinh-Duc revient donc comme titulaire. Un Tournoi 2011 comme un tournant. Et peut être même son vrai départ sous le maillot du XV de France. Car pour la première fois, "FTD" débarque avec le statut du légitime. Un droit gagné sur le terrain à la faveur d'un début de saison tonitruant avec Montpellier, son club de toujours. Il concède la transformation. "Un jeu basé sur l'attaque, le déplacement. Un projet de jeu commun avec le XV de France : aller de l'avant". L'attaque, son univers naturel. Un concept parfait pour son épanouissement. De fait, François Trinh-Duc suscite pour la première fois chez les Bleus, l'espoir. Puisque la France du rugby le voit brillant en Top 14, elle y croit indéniablement. Lui, affiche la rage: "J'ai envie de montrer avec les Bleus ce que je suis capable de faire à Montpellier. Mais je sais que le combat sera plus dur, que les ballons sortiront plus lentement dans les rucks, que les défenses seront mieux organisées et laisseront moins de place au jeu de vitesse."

Évidemment son jeu au pied sera disséqué. Mais que l'on parle de gestion tactique, d'approche stratégique, de gestion dans le jeu à la main, il a progressé c'est indéniable. Il doit confirmer au niveau international. "Le début de saison de Montpellier joue en ma faveur. Pour une fois, tout le monde est content que je sois là". Mais Trinh-Duc n'est dupe de rien. "Quand je ne suis pas chez les Bleus, on dirait qu'il ne manque que moi", ironise t-il Cette fois, c'est l'heure d'éteindre la concurrence. Tout sauf ébranlé par la dernière sortie en Top 14 et la gifle encaissée à Toulouse, Trinh-Duc présente l'affaire autrement: "Je ne suis en concurrence qu'avec moi-même. A chaque sortie je dois passer un cap." Mature et légitime, trois ans après, Trinh-Duc a bien la stature du patron. En attendant confirmation.