Brugnaut sauvé des eaux

Son nom fut le tout premier dévoilé par Marc Lièvremont mercredi lors de l'annonce du groupe des 22 pour l'Angleterre, mettant fin d'emblée au suspense. Une surprise, pourquoi le cacher. Julien Brugnaut avait coincé en Ecosse lors du match d'ouverture du Tournoi, avant de sombrer lors de sa rentrée face à l'Irlande. Anéanti par sa propre performance, il se voit donc offrir une nouvelle chance de convaincre. Le pilier dacquois a été reconduit pour le "Crunch", comme l'ensemble de la première ligne d'ailleurs. Le message est fort. Dans le secteur qui a le plus souffert le week-end dernier, le staff a choisi de ne rien toucher.

Si l'on s'en tient à sa double performance pour ses deux premières sélections, difficile de considérer que Brugnaut a rempli son contrat. Mais les entraîneurs du XV de France savaient aussi qu'en l'écartant, ils le condamnaient au moins à moyen terme et peut-être pour de bon. Un match comme celui vécu par le Landais face à l'Irlande est de ceux qui peuvent vous ruiner une carrière. En le maintenant, le staff lui permet de purger tout de suite ce sombre souvenir. "C'est comme un enfant qui tombe de vélo. Il faut l'encourager et le remettre tout de suite en selle, sans attendre ", explique Marc Lièvremont en guise de métaphore.

Retière: "Un problème mental collectif"

L'option du nouveau sélectionneur est courageuse, mais risquée. Courageuse, car il aurait été facile de stigmatiser Brugnaut (ou un autre) et de couper des têtes. Lièvremont et ses acolytes ont le mérite et l'audace d'aller au bout de leurs idées et de leurs choix. Elle est toutefois risquée, car un nouveau fiasco face au redoutable pack anglais dans dix jours lui sera forcément reproché personnellement. "On ne voulait pas lâcher ce groupe sur une mauvaise note et laisse des gens traumatisés et surtout, on croit en Julien. Il a du potentiel, ça va venir", assure l'ancien entraineur de l'US Dax.

Le cas de Julien Brugnaut n'a d'ailleurs semble-t-il pas fait l'objet d'un débat spécifique. Aux yeux du staff, il n'y a pas un mais des coupables. S'il avait fallu sanctionner, le Dacquois n'aura peut-être pas été le seul à payer la note. "Nous avons avant tout été victimes d'un problème mental contre l'Irlande, estime ainsi Didier Retière. Les joueurs ont pensé que c'était gagné à 26-6. Mais en conquête, il y a un investissement minimal à avoir. Sinon, on le paie. On a laissé les Irlandais appuyer là où ça fait mal. Et quand vous commencez à perdre pied en mêlée ou en touche, c'est très difficile de refaire surface."

"Les crédits ne sont pas illimités"

Si l'argument est recevable, restent les images. Elles ne plaident pas en faveur de Julien Brugnaut, notamment sur ce fameux essai de pénalité. Retière s'insurge: "On a encensé ce joueur depuis le début de la saison pour ses qualités en mêlée. D'un seul coup, il faudrait lui dire de rentrer chez lui?" Les patrons du XV de France veulent croire que les errements d'aujourd'hui forgeront la solidité de demain. "Bien sûr, reprend Didier Retière, nous pensons à gagner des matchs, et ça se passe plutôt bien pour l'instant. Mais l'objectif, c'est aussi de préparer l'avenir. Les joueurs que nous testons sur ce Tournoi doivent être façonnés pour l'avenir, car ce sont eux qui formeront l'équipe de France dans trois ou quatre ans ."

Sacré défi en tout cas que celui qui est proposé à Julien Brugnaut. A 26 ans, il bénéficie d'un joker que d'autres n'ont pas eu la chance d'avoir avant lui après un loupé aussi significatif. "Les crédits ne sont pas illimités", a toutefois prévenu Lièvremont, qui compte sur l'orgueil de ses hommes pour laver l'affront. "On espère qu'ils seront vexés d'avoir été bousculés de la sorte, avoue-t-il. On table sur ce facteur psychologique pour le match face à l'Angleterre." Que Brugnaut tienne tête à la première ligne anglaise et il y gagnera un formidable crédit, tout comme Marc Lièvremont, qui s'engage fortement en le maintenant dans le groupe. Un beau témoignage de confiance. Une sacrée pression aussi pour l'intéressé, prié de renvoyer l'ascenseur...