Top 14 - Cheikh Tiberghien (Bayonne) : "Le football commençait à me peser"

  • Cheikh Tiberghien rêvait d'être footballeur professionnel mais s'est finalement rétracté sur le rugby.
    Cheikh Tiberghien rêvait d'être footballeur professionnel mais s'est finalement rétracté sur le rugby. Icon Sport - Icon Sport
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Avant de devenir un joueur de rugby professionnel, Cheikh Tiberghien a longtemps rêvé d’embrasser une carrière de footballeur. C’est en 2015, lassé par la pression du ballon rond, qu’il a débuté le rugby à l’Aviron bayonnais, avant de partir à Clermont, quatre ans plus tard. Aujourd’hui revenu au Pays basque, l’ancien international U20 évoque le choix qu’il a fait cet été en rentrant à la maison, se projette sur les retrouvailles avec ses copains clermontois samedi au Michelin (17h) et parle de la trajectoire fulgurante qu’il a connue plus jeune.

Après quatre saisons à Clermont, pourquoi avez-vous décidé de revenir à Bayonne, cet été ?

C’était un choix très compliqué, un problème de riche. J’étais en contact avec Lyon, où j’avais visité les infrastructures. D’autres clubs s’étaient manifestés, mais j’hésitais entre Lyon et Bayonne. J’ai pesé le pour et le contre et j’ai suivi mon cœur, mon instinct. Je me suis dit que c’était une belle opportunité de revenir ici.

Est-ce uniquement le choix du cœur ?

Non. J’ai 23 ans, je ne suis pas à 35 ans, en fin de carrière, avec l’opportunité de venir finir ma carrière. J’ai encore faim de jouer, de gagner, donc je suis aussi venu ici parce que le club répondait à mes ambitions rugbystiques. Il a fait peau neuve, n’ambitionne pas les mêmes choses qu’il y a quatre ans, a fait un certain recrutement. L’engouement et le rugby sont mieux. C’est un choix à la fois du cœur et sportif.

En 2019, au moment de votre départ, Philippe Tayeb disait que c’était prématuré de partir à 18 ans. Alors ?

Il aurait pu avoir raison comme tort, c’était à un instant T. Aujourd’hui, je ne trouve pas que c’était prématuré, vu comment s’est passée mon aventure à Clermont, mais ça aurait pu se dérouler autrement. J’ai fait entre 60 et 70 matchs avec les professionnels. Je suis content de mon parcours là-bas. Un peu moins de la façon dont ça s’est terminé, mais c’est la vie d’un rugbyman. Je ne regrette pas du tout mon choix et si c’était à refaire, peut-être que je le referais, vu que ça s’est bien passé là-bas, et qu’aujourd’hui je suis là… Le film est sympa.

L'Aviron bayonnais s'impose face au Stade français et réussit sa rentrée !

Le film du match : https://t.co/qr34Uthre0 pic.twitter.com/dwRI13RCEs

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) October 29, 2023

Que gardez-vous des quatre ans passés en Auvergne ?

J’ai débuté le rugby tard, à 15 ans, et ici tout est allé très vite. Je commence en 2015, en 2019 je pars à Clermont, et en quatre ans, je rentre au Pôle espoirs, je fais l’équipe de France à VII, puis les U18, U19. À Bayonne, c’était le commencement du rugby et l’entrée dans le haut niveau. À Clermont, j’ai mis les deux pieds dans le monde professionnel. On m’a fait confiance et j’ai beaucoup appris là-bas. Entre le moment où j’ai quitté Bayonne, en 2019, et maintenant, je ne suis plus le même homme, ni le même joueur. J’en profite, d’ailleurs, pour remercier les différents staffs que j’ai eus là-bas : Franck Azéma, Xavier Sadourny, à qui je dois beaucoup, comme de nombreux jeunes et le reste. Jono Gibbes m’a fait énormément confiance lorsqu’il est arrivé. C’était vraiment une belle expérience, et à Clermont, j’ai progressé en tant qu’homme et joueur.

Chose plutôt rare à Clermont, vous avez vu passer trois managers en quatre ans. À quel point est-ce enrichissant pour un jeune joueur ?

J’ai connu plusieurs façons de faire. Franck était là depuis des années, il est français. Jono est néo-zélandais, a une approche différente dans son management. Et au final, ça a très bien marché avec les deux. Tout ça prouve qu’il ne faut pas s’arrêter aux façons de faire. La façon de faire de Christophe Urios n’a pas marché avec moi. Elle marche avec certains, c’est le monde professionnel. Le fait d’avoir connu trois managers permet de se forger, tu apprends à t’adapter à plusieurs personnalités.

Éprouvez-vous des regrets par rapport à la fin de votre aventure à l’ASM ?

Il y a des regrets, parce que ce n’est pas ce qui était prévu. Avec Jono, j’avais signé trois ans, jusqu’en 2025. Il s’est fait virer, je pars du principe que comme j’avais signé un contrat, je voulais le finir. Il me restait deux ans en Auvergne. Je regrette que cela se soit mal terminé dans le sens rugbystique. Entre hommes (avec Christophe Urios, NDLR), il n’y a pas eu de problèmes ou de disputes. On ne s’entendait pas forcément, mais c’était sur le côté sportif. Après, c’est le sport, c’est arrivé avant moi, ça m’est arrivé et ça arrivera à d’autres. Aujourd’hui, je suis content d’être à Bayonne.

Cheikh Tiberghien a quitté précipitamment l'ASM.
Cheikh Tiberghien a quitté précipitamment l'ASM. Icon Sport - Icon Sport

Vous pourrez retrouver le Michelin ce week-end. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je suis content et pressé, j’espère jouer. C’est toujours bien de revoir et jouer contre des potes. On connaît l’ambiance du Michelin, ça ne fait pas longtemps que je l’ai quitté. Après, une fois que le coup d’envoi sera donné, ça reste un match. Que ce soit à Clermont ou ailleurs, je suis bayonnais et on doit battre l’adversaire. Je reverrai les potes à la fin.

Avec Camille Lopez, Bastien Pourailly, puis plus récemment Nick Abendanon et Arthur Iturria, Bayonne a pris l'accent clermontois…

Camille et Bastien ont été les premiers à signer. Lorsqu’ils sont partis, j’étais loin de m’imaginer que j’allais être à Bayonne aujourd’hui. Ce sont des bons joueurs et je n’ai pas été surpris de ce que Camille a amené à l’Aviron l’an dernier. J’étais d’ailleurs content pour le club, car tout en étant à Clermont, j’avais toujours mon cœur de Bayonnais. Ensuite, Arthur a signé à l’Aviron (novembre 2022, NDLR), j’étais toujours loin de m’imaginer venir ici. Quand j’ai signé, Arthur m’a mis des pièces en me disant que j’allais le suivre jusqu’à la fin de sa carrière. J’étais content de retrouver Camille, “Poupou”.

Vous êtes un joueur polyvalent, à quel poste le staff vous voit-il aujourd’hui ?

Il faut demander à Gérard Fraser ! Pour lui, je suis un arrière et un second centre, mais je ne sais pas avec quel poste en numéro un. Je les aime bien les deux, je m’y entraîne, j’y prends des repères. Ensuite, je peux aussi dépanner à l’aile, mais c’est du second plan.

La polyvalence de Cheikh Tiberghien a plu à Grégory Patat.
La polyvalence de Cheikh Tiberghien a plu à Grégory Patat. Icon Sport

Quels avantages tirez-vous de cette polyvalence et ne risque-t-elle pas de vous enfermer avec l’étiquette du remplaçant idéal ?

À part à la charnière, quand on joue, une fois que le premier temps est lancé, ça reste du rugby. Les ailiers ne restent plus sur leur aile, l’arrière est libre, le centre vient aider le dix… Quand je suis au centre, ça m’aide à savoir où l’arrière va être et quand je joue en quinze, c’est pareil. Cette polyvalence m’aide à m’adapter. Un coach qui hésite entre deux joueurs va peut-être privilégier le polyvalent. Ensuite, comme vous dites, l'inconvénient, c’est qu’on peut devenir le bon remplaçant, mais je pars du principe que si je fais des bons entraînements et des bons matchs, logiquement, je suis titulaire. À partir de là, je pense que les coachs sont justes. Si je suis moins bon, ils me mettent remplaçant et si je ne suis pas bon, je ne joue pas.

Butez-vous toujours ?

Oui, je m’entraîne un petit peu. J’avais lâché ça après mes deux opérations du genou. À Clermont, il y avait cinq ou six buteurs de grande classe devant moi. En revenant à Bayonne, “Ged” (Fraser, NDLR) m’a demandé de reprendre l'entraînement.

Dans votre évolution, tout a été très vite, puisqu’en quatre ans, vous êtes passé d’un joueur qui débute au rugby à l’équipe de France U20. Avez-vous retrouvé une sorte de normalité aujourd’hui ?

J’ai commencé le rugby chez les Cadets à Bayonne. J’étais avec des mecs qui jouaient depuis dix ans. Tout est allé très vite, mais je n’ai rien calculé. J’avais un parcours à haut niveau au football, qui n’a pas fonctionné sur le moment. Je voulais jouer au rugby car j’aimais ce sport et que mes potes étaient des rugbymen. Le football commençait à me peser. J’ai décidé d’arrêter pour tester le rugby, je savais que j’allais m’y amuser. Au football, tout commence très tôt. À 13 ou 14 ans, tu commences à rentrer dans des processus et ce n’est, limite, plus de l’amusement. Ce processus-là m’avait pesé à cet âge-là. Au rugby, je savais que je n’allais pas avoir ça. Tous mes potes y étaient, l’entraîneur, c’était le père d’un pote. Je voulais m’amuser avec eux et la suite est arrivée comme ça. Je n’ai jamais calculé ce qu’on pouvait dire sur moi, en bien ou en mal. J’étais sorti du football pour ne plus avoir ça. Je suis rentré au Pôle espoirs la deuxième année, l’équipe de France a suivi. Je n’ai pas bataillé, je prenais du plaisir et tout ça n’était qu’un plus, pas un objectif.

Dans quel club étiez-vous au football ?

Aux Genêts d’Anglet. J’ai aussi fait deux ans pendant lesquels j’allais à la Real Sociedad, dans le cadre d’un partenariat. Si à quinze ans, tu n’es pas dans un centre de formation, rien n'est impossible, mais c’est beaucoup plus dur de percer.

Rêviez-vous d’être footballeur professionnel ?

Lorsque j’étais jeune, oui ! À la Real Sociedad, alors que j’avais 14 ans, je n’ai pas signé de contrat. Ce n’était pas fini pour autant, c’était la première fois que je rentrais dans un processus professionnel, avec un centre de formation. J’avais encore le temps, mais j’en avais vraiment marre. Je me suis dit que j’allais arrêter d’évoluer dans ce “monde”, pour aller au rugby, où je n’allais plus avoir cette pression. En fait, à 14 ans, tu te retrouves avec une pression que tu n’as pas au rugby à cet âge.

Vous avez été international U20, plusieurs joueurs de votre génération ont porté le maillot de la grande équipe de France. La prochaine Coupe du monde aura lieu dans quatre ans, y pensez-vous ?

Trouvez-moi un joueur qui n’a pas envie de porter le maillot de son pays (sourire). C’est une ambition, mais pas une pensée de tous les jours. Il faut prendre étape après étape et d’abord s’imposer dans son club. Ensuite, le plus dur et le plus important, c’est d’être régulier. La prochaine Coupe du monde est en 2027, c’est court et long à la fois. Ça me laisse le temps de travailler et d’aller chercher l'objectif de l’équipe de France.

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Les commentaires (2)
Monget Il y a 6 mois Le 31/10/2023 à 12:08

Un discours sain d'un joueur qui semble avoir les pieds sur terre et la tête sur les épaules

motrick Il y a 6 mois Le 01/11/2023 à 09:37

C'est toujours mieux que le contraire... lol