Carnet noir - Mort de Guy Camberabero : l'adieu à toute une époque
Guy Camberabero nous a quittés à l’âge de 87 ans. Il fut l’un des phares du rugby des années 60 souvent associé à son frère Lilian. Cet ouvreur poids plume a apporté son premier Grand Chelem à la France et le Bouclier de Brennus à son club de La Voulte.
Guy Camberabero vient de nous quitter comme un message d’adieu de plus aux années 60. Il est parti huit ans après Lilian son frère, dont il recueillait les passes majestueuses. Les deux frères ne furent associés qu’à neuf reprises sous le maillot du XV de France en quatre ans mais ça suffit à les faire entrer dans la légende.
Guy Camberabero était né dans les Landes à Saubion et avait appris le rugby à Tyrosse. Son histoire dit quelque chose de fort du rugby de l’époque, il avait dix-huit ans quand il fut recruté, avec son frangin, par un club situé très loin vers l’Est, à La Voulte sur les bords du Rhône. Le club local était adossé à une usine de produits chimiques Rhône Poulenc dont le patron, Jean Pallix était fou de rugby. Le médecin du La Voulte Sportif, en vacances dans les Landes, avait repéré les deux lutins. En 1953, Guy avait gagné le concours du jeune joueur avec 398 points, cette distinction individuelle représentait vraiment quelque chose à l’époque (Philippe Sella fut l’un de ses lointains successeurs en 1978). Son talent avait quelque chose d’éclatant pour les critères des années 50, où l’on privilégiait la précision des gestes au contact.
Les deux « Cambé » et leur père prirent la direction de l’Ardèche pour une vie meilleure dans l’industrie. À leur arrivée, La Voulte était en deuxième division, ils firent monter le club dès 1956 (défaite en demie face à Saint-Girons, la seule de la saison) . Ils enchaînèrent avec le challenge de l’Espérance puis carrément le bouclier de Brennus beaucoup plus tard.
17 points contre l'Australie : total extraordinaire
Guy fut le premier de la famille à jouer pour le XV de France c’était à l’autre bout du monde à l’été 1961, à Christchurch en remplacement de Pierre Alabaladéjo. Il attendit novembre 1964 pour jouer avec son frère sous le maillot bleu pour une victoire face à la Roumanie 9 à 6. Les deux Cambérbéro ne furent associés qu’à neuf reprises sous le maillot bleu mais les sélections n’avaient de l’époque pas la même valeur que celles d’aujourd’hui. Elles pesaient beaucoup plus lourd car il y avait moins de tests et pas de remplacement. Guy s’est donc contenté de 14 sélections qui l’ont fait entrer dans la légende. Son nom est associé à deux exploits majeurs : la victoire de février 1967 face à l’Australie : 20 à 14, tous les points issus de la famille Cambérabéro, dont 17 pour Guy, record pour un Français sur un seul match. Mais il ferait mieux peu après contre de faibles Italiens, avec 27 points, de la franche science-fiction (victoire 60 à 3).
Sur le moment, le total paraissait faramineux. Le second exploit, ce fut bien sûr le Grand Chelem 1968 aussi magnifique que rocambolesque, Guy fait mieux que surnager dans le bourbier de Cardiff pour le match décisif. Il inscrit une pénalité, une transformation et un drop (Lilian a marqué un essai). La France s’impose 14 à 9, les maillots maculés de boue entrent dans l’Histire et la troisième mi-temps s’éternise. En 1970, Guy boucle son parcours à 34 ans en brandissant le Bouclier de Brennus avec La Voulte, minuscule bourgade. Victoire 3-0 contre Clermont, sur un essai de Renaud Vialar. Paradoxalement, Guy ne marque pas le moindre point, et met un drop sur le poteau. Il s’est contenté d’un rôle de meneur de jeu efficace sur une pelouse de Toulouse qui n’avait pas été tondue et qui gênait ses frappes.
Un artisan hors pairs
Guy Cambérabéro a laissé une trace indélébile dans le rugby français . Aussi parce que Didier son fils fut aussi un brillant international. Mais il faut être conscient qu’il ne faisait pas toujours l’unanimité. Les fanatiques du french flair et de l’attaque à outrance faisaient la moue sur son style, tourné d’abord vers l’efficacité. On l’opposait aux grands attaquants du Sud Ouest venus de Mont-de-Marsan ou de Lourdes. Les sélectionneurs rétorquaient que Guy et son frère avaient le pouvoir de faire gagner et non seulement briller, le XV de France. Toute une époque. À côté des artistes flamboyants, Guy Cambérabéro faisait figue d’artisan-ébéniste amoureux du travail bien fait et des gestes polis par des heures d’entraînements. Il fut surnommé « Tom Pouce » par les Sud-Africains car il ressemblait un lutin sorti d’un conte de Perrault ou de Grimm avec son mètre 69 pour 63 kilos environ. Mais c’était un poids lourd.
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