Avec Jacques Brunel, trente ans d'entraînement vous contemplent

  • Jacques Brunel - Coach - Bordeaux
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  • Bernard Laporte
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  • Jacques Brunel - Bordeaux
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Publié le Mis à jour
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Le voilà de retour au chevet du XV de France. Dix ans après avoir été l'adjoint de Bernard Laporte, Jacques Brunel retrouve l'équipe nationale. Portrait d'un ancien arrière fandango aux manières de sphinx riche de trente ans d'expérience.

A 63 ans, il fait un retour inattendu au sommet du rugby tricolore avec sa moustache légendaire et son accent rocailleux si délicieux. Bien peu auraient parié en 2016 sur une telle éventualité quand Jacques Brunel quitta son poste de sélectionneur de l'Italie, une expérience sans doute intéressante à vivre de l'intérieur mais qui n'ajouta pas grand chose à son palmarès. L'effectif dont il disposait était vraiment trop limité. Mais il lui suffit de quelques mois pour rebondir à Bordeaux quand Laurent Marti l'appela comme entraîneur des avants de l'UBB en remplacement de Régis Sonnes. Ce n'était pas vraiment une promotion car ça voulait dire qu'il se retrouvait sous l'autorité d'un manageur nommé Raphaël Ibanez, de dix-neuf ans son cadet et surtout son ancien "élève" du temps ou il co-entraînait l'équipe de France. Mais son amour du rugby ne s'embrasse pas de ce genre de considérations. De toute façon, il s'est toujours laissé guider par les événements et les sollicitations qui sont venus à lui. C'est un signe, il aime à rappeler qu'il n'a jamais sollicité personne et qu'il n'a jamais eu d'agents pour faire sa promotion. Sa réputation dans le milieu a toujours plaidé pour lui.

Cette nomination de Jacques Brunel est aussi l'histoire d'un retour finalement inédit dans l'histoire des Bleus. Six ans durant (2001-2007), il fut l'adjoint de … Bernard Laporte quand celui-ci n'était que sélectionneur. C'est la première fois que le bras droit d'un sélectionneur se retrouve par la suite au poste suprême. Reconnaissons que pendant son septennat Jacques Brunel fut bien plus qu'un simple faire valoir, bien au contraire. Son apport tactico-technique fut très vite souligné notamment lors du Grand Chelem 2002 avec la tactique "des blocs", des cellules de joueurs pré-définies destinées à se placer à tel ou tel endroit du terrain sur les séquences longues, pour rationnaliser leurs déplacements. On le présentait alors comme un vrai penseur du jeu, là où Bernard Laporte faisait plus figure de meneur d'hommes et de "monstre médiatique".

Bernard Laporte
Bernard Laporte

Personne ne pourra enlever à Jacques Brunel le qualificatif de technicien. Une fonction polie au cours de 28 ans d'entraînement dans des conditions pas toujours optimales. La preuve irréfutable de son expertise est à notre sens son cousinage avec Steve Hansen. Comme le Néo-Zélandais, Jacques Brunel est un ancien arrière qui s'est souvent retrouvé à s'occuper, jusqu'à se spécialiser dans le jeu des avants. Oui, autrefois, Jacques Brunel, fut un arrière fandango sous les couleurs de Auch, Carcassonne ou Grenoble, joueur doué mais passez pour approcher les sélections nationales ou même les clubs phares de son temps. Mais à 34 ans en 1988, il prit en charge l'entraînement du FCA, le club phare de son département d'origine, le Gers, un club sérieux mais aux moyens limités à côtés des cadors de l'époque. Il n'était pas encore professionnel du rugby, il travaillait dans une mutuelle agricole et produisit même de l'Armagnac. Après avoir débuté sans staff avec deux entraînements hebdomadaires, il sut en faire une sorte de machine de guerre, capable de terminer à la première place nationale à l'issue de la première phase du championnat 2013-14.

Le contraire d'un expansif

C'était l 'époque où le Stade Toulousain mordait la poussière chaque année au stade du Moulias (futur Jacques Fouroux). Jacques Brunel y forgea sa réputation de "maximisateur" de talents, on ne l'appelait pas le "sorcier" comme on le fera pour son successeur Henri Broncan (décidément le Gers est une terre d'entraîneurs d'exception), sans doute pour une question d'image : celle de de Jacques Brunel fut toujours plus rationnelle, plus froide sans doute à cause de son attitude calme et souvent impassible, rarement influencée par les aléas des matchs. Quand Auch se révéla trop étroit pour lui, il fitune pause (la seule de sa carrière) puis mit le cap sur Colomiers à l'instigation de Michel Bendichou pour succéder à Jean-Claude Skréla... appelé par l'équipe de France. C'est à ce moment-là qu'il devint un professionnel du ballon ovale. Avec un effectif de qualité à sa disposition (Galthié, Sadourny....) il se retrouva quand même en finale de la Coupe d'Europe (sans les Anglais il est vrai) puis à Pau pour une victoire en Challenge Européen. Ses galons n'étaient plus contestés par personne, Beranrd Laporte sur le saisir à point pour lui faire vivre deux Grands Chelems (2002-2004) et deux demi-finales modniales (2003-2007) même si elles laissèrent un goût amer. Le temps était revenu pour lui de redevenir numéro 1, Paul Goze pensa à lui pour s'occuper de l'USAP, un club très populaire, mais qui courrait après un Bouclier de Brennus depuis... 1955. Jacques Brunel se retrouva plus que dans ses clubs précédents avec les moyens de ses ambitions et ne déçut personne puisqu'il devint champion en 2009, sans Daniel Carter son joueur vedette, blessé dès le mois de janvier. Une expérience extraordinaire mais éprouvante puisque son cœur en prit un coup : il dut arrêter la cigarette et se faire poser un ressort. Le prix à payer pour un destin finalement exceptionnel, même s'il fut vécu dans une certaine discrétion. Jacques Brunel n'est pas une grande gueule, un aboyeur professionnel, on le décrit plutôt comme un économe de la parole. Le contraire d'un expansif à la Laporte.

Jacques Brunel - Bordeaux
Jacques Brunel - Bordeaux

Un adepte du mot juste, de la consigne claire et synthétique quine ramène pas tout à sa position hiérarchique. Les premiers portraits le qualifient souvent de "pragmatique", dans le monde du rugby, ça décrit souvent les entraîneurs qui pratiquent un jeu restrictif. Dans le cas de Jacques Brunel, ça signifie surtout qu'il ne cherche pas à forcément tout révolutionner quand il débarque quelque part, mais à améliorer ce qui fonctionne déjà. Mais en Italie par exemple, il fit tout ce qu'il put pour élargir la palette d'une sélection que son prédécesseur Nick Mallett cherchait à recentrer sur son point fort historique (le jeu d'avants). 30 ans après ses débuts d'entraîneurs dans un monde amateur où les internationaux ne s'entraînaient que deux fois par semaine sans utiliser le moindre gadget numérique, Jacques Brunel hérite d'un XV de France à la dérive. Le défi qui l'attend est immense mais il travaillera avec un président qui l'a choisi, ça lui donnera un confort que son prédécesseur n'avait pas. C'est peut-être sont talent de se trouver ainsi si souvent au bon endroit au bon moment.

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