Mené : "Les contestations sont en recrudescence : dans 10 ans, on est au foot..."

  • Didier Méné a été limogé
    Didier Méné a été limogé
  • L'arbitre Alexandre Ruiz
    L'arbitre Alexandre Ruiz
  • Thierry Dusautoir (Toulouse) avec l'arbitre Mathieu Raynal - août 2016
    Thierry Dusautoir (Toulouse) avec l'arbitre Mathieu Raynal - août 2016
Publié le Mis à jour
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TOP 14 - D'un point de vue personnel, le patron des arbitres, Didier Mené, estime que "l'état d'esprit du rugby se dégrade" et donne "dix ans" avant de se retrouver l'égal du football. Il trouve aussi l'arbitrage moderne "très factuel" et "en manque de recul".

Lors de votre stage à Luz-Saint-Sauveur, on a été témoin de scènes où les arbitres donnaient l'impression de se faire des nœuds à la tête pour prendre des décisions. Le corps arbitral n'a-t-il pas tendance à se compliquer les choses ?

Didier MENE : De manière générale et de mon point de vue, dans l'arbitrage moderne on veut tout rendre factuel. Tout est télévisé, décortiqué, analysé, et ça implique un arbitrage très factuel qui du coup perd de sa qualité d'analyse globale. Malheureusement, nous sommes dans cette spirale. Si on ne le fait pas, on nous reproche de ne pas être assez précis. Mais du coup on est très précis. Moi je fais plutôt le reproche à mes troupes de ce manque de recul et d'analyse. On leur a demandé d'être tellement précis qu'ils en perdent leurs capacités d'analyse globale. Les clubs ne le font pas. Je préférerais que les clubs le fassent, s'en rapprochent, plutôt que d'aller pinailler sur du décorticage. Le vrai arbitrage c'est ça et ça, on l'a perdu de vue. C'est avoir cette analyse globale du rapport de force, de ce tri qui est plus ou moins subtil pour accompagner les intentions de jeu. Ça, personne n'en parle. Là, on ne parle que de décortiquer avec un microscope, voilà ce que l'on fait.

On ne parle que de décortiquer avec un microscope, voilà ce que l'on fait

Dans ce décorticage, il y a bien évidemment la vidéo qui peut intervenir sur tout le terrain. Ne faudrait-il pas revenir à une vidéo pour seulement les 5 mètres et l'en-but ?

D.M : J'en ai envie mais la France ne peut pas le faire tout seul. Nous, ce protocole ne nous convient pas, il est trop étendu. On nous a demandés à nous Français ce que l'on en pensait. On a dit qu'il ne nous convenait pas. À ce jour, ce protocole n'est pas pérennisé et il se peut que World Rugby revienne en arrière. Nous, on le souhaite. Si on prend l'exemple de Clermont-Racing, avec le protocole à cinq mètres, aucune polémique. Les deux essais auraient été accordés et puis terminé !

L'arbitre Alexandre Ruiz
L'arbitre Alexandre Ruiz

Vous parlez d'un cas qui a fait beaucoup parler. Que pensez-vous de tous ces commentaires sur les arbitres ?

D.M : Les contestations sont en recrudescence. Je l'ai déjà dit par ailleurs : dans dix ans, on est au foot. Je parle de l'état d'esprit général, du respect, des valeurs, vous l'appelez comme vous voulez. Les arbitres sont traités... (silence). Ça vient de l'encadrement au sens large. Ça vient des présidents qui ne sont plus ceux d’antan. Ils débarquent dans un club et au bout de trois mois ils expliquent à un entraîneur comment il faut entraîner. Au bout de six mois, ils parlent d'arbitrage. Les entraîneurs sont sous pression et ils ne tiennent pas la pression parce que c'est leur gagne-pain, qui j'imagine est plus lucratif que d'autres. Vous avez des mecs qui sont sanctionnés parce qu'ils dérapent, ils récidivent et ça ne les gêne pas plus que ça d'être dans les tribunes. On est dans un système, je ne sais pas comment on va s'en tirer. L'an dernier, comme par hasard dans la recrudescence de ce mouvement, deux arbitres internationaux ont été insultés, menacés, se sont vus balancer à la tronche un protège-dents. Ça tombe sur deux arbitres internationaux, ce n'est pas n'importe qui. Ça en dit long du malaise. Tout le monde ressent ce malaise.

Je me rends compte que les sanctions prises ne sont pas si efficaces que ça. Il faut peut-être réfléchir à d'autres sanctions

Inquiet ?

D.M : Je ne sais pas ce qu'il faut faire. Moi je suis démuni. Je me rends compte que les sanctions prises ne sont pas si efficaces que ça. Il faut peut-être réfléchir à d'autres sanctions. Ce qui me gêne le plus, c'est que j'ai l'impression que ça ne gêne que nous. Les clubs ont leur guéguerre entre eux. D'ailleurs, on voit aussi que les relations entre les clubs se dégradent considérablement. Il y a une dégradation générale. Nous finalement, ce n'est pas qu'ils ne nous aiment pas, et à la limite c'est peut-être nous qu'ils respectent le plus. Mais tout est décalé vers le bas.

Thierry Dusautoir (Toulouse) avec l'arbitre Mathieu Raynal - août 2016
Thierry Dusautoir (Toulouse) avec l'arbitre Mathieu Raynal - août 2016
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