Jeu de Toulousains

Par Rugbyrama
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Pierre Villepreux a participé la semaine dernière sur un débat autour du jeu toulousain en compagnie notamment de Guy Novès. Notre chroniqueur revient sur cet échange et il en profite aussi pour revenir sur les grands principes qui guident les Rouge et Noir depuis des très nombreuses années.

Débat à Toulouse conduit par Jacques Verdier sur la spécificité du jeu toulousain. Pour y répondre Guy Noves et moi-même. Répondre à cette question de manière exhaustive prendrait beaucoup de temps. Mais au delà de la pertinence du jeu questions réponses, il était important de resituer dans le temps l’ensemble des phénomènes que le jeu a développé au fil du temps et bien sur surtout dans les périodes les plus significatives qui ont conduit le club à des résultats marquants. La manière, le style pour parvenir à ces résultats ont toujours autant compté que les résultats. Une manière de jouer et de concevoir le jeu qui a touché joueurs, entraîneurs et qui a imprégné tout un environnement dans un processus identitaire,

Personnellement, c’est cet esprit que j’ai ressenti quand je suis arrivé comme joueur au stade toulousain. Comme entraîneur, que ce soit avec Robert Bru puis jean Claude Skrela, le résultat n’avait de sens que par le comment gagner et dans ce cadre , le choix du jeu à la main s’imposait.

Le jeu toulousain c’est la recherche de la maîtrise, jamais terminée, de la relation " contradictoire mais unitaire " qui engage dans le jeu de mouvement attaquants utilisateurs et défenseurs. Les formes de jeu réalisées ne se conçoivent que dans la logique de l’opposition que le jeu génère.

Jeu offensif et défensif se conjuguent dans une même dynamique, c’est ce choix qui a fait au fil du temps une de ses forces et continue me semble t-il, de l’être.

En partant de là, il s’agissait bien dans notre esprit d’intégrer, la liberté des joueurs à un système de jeu qui a des exigences collectives. Ces deux notions ne sont, du moins en ce qui me concerne, ne sont pas contradictoires.

Dans ce cadre ,il s’agissait donc, pour jouer le jeu toulousain, de porter l’accent :

sur la connaissance des principes de développement tactiques judicieux que le joueur rencontre dans les actions de jeu , tant en attaque qu’en défense :

- d’abord prioritairement dans le plein jeu (les phases de mouvement),

- mais aussi dans les phases de fixation

- enfin dans les phases statiques.

Cet ordre n’est pas neutre et reste encore plus d’actualité dans le jeu actuel compte tenu des compétences demandées aux joueurs quelque soit leur poste.

Sur le développement des capacités de tous à "suppléer" ( déjà), c'est-à-dire de savoir jouer provisoirement dans n’importe quel rôle exigé par le jeu, en acceptant en fonction du contexte situationnel de prendre à tous moment l’initiative qui s’impose, quel que soit le type d’action et la forme de jeu dans lequel le joueur se trouve impliqué.

Pour qu’il en soit ainsi deux facteurs me semblaient significatifs pour être performant :

la volonté pour l’attaque :

- de produire, un volume de jeu à la main suffisant, à partir des balles disponibles quelle qu’en soit l’origine et appréciées comme " jouables " afin de développer des mouvement complexes efficaces. Je parle de ceux qui utilisent une avancée suffisante et indispensable pour créer un déséquilibre défensif exploitable en utilisant d’abord le jeu à la main et autant que faire se peut, sans le secours de regroupements ou du jeu au pied.

la volonté pour la défense :

- d’enrayer efficacement les mouvements collectifs adverses y compris les plus complexes

- de récupérer la balle en transformant si possible immédiatement le jeu défensif en jeu offensif .

Le joueur toulousain, c’est celui qui est capable dans le " plein jeu, en plein mouvement ", de percevoir, de comprendre, les évolutions des partenaires et adversaires dans toute la complexité du rapport d’opposition existant. Il en déduira, pour défendre comme pour attaquer, les choix des actions successives et leur devenir et se déplacera en conséquence.

C’est développer avec les joueurs un consensus où chacun accepte d’avoir l’audace de le faire, de le refaire et de ne pas y renoncer dès que les premiers obstacles se présentent.

Le jeu toulousain, c’est de privilégier le jeu à la main qui ne se résume au choix d’une forme mais bien au choix de la forme qui est à même de répondre dans l’instant à l’action défensive. Il relève du porteur de balle de faire en toute liberté le choix de décider de la forme de l’action successive :

de courir en portant le ballon, de continuer le jeu en passant la balle dans la forme développée précédemment : ° soit latéralement hypothéquant momentanément l’avancer,

-soit à un joueur soutien engagée par une course rectiligne qui visera à favoriser l’avancer vers le but adverse, d’utiliser le jeu au pied.

L’importance de la passe dans ce jeu est indéniable mais son efficacité est liée au pourquoi et au quand il faut la faire. Le comment la faire prend alors tout son sens et non le contraire.

Le jeu toulousain c’est donc de faire entrer les joueurs dans une logique de comportements responsables qui n’ont de sens que par rapport à ce qu’est la base fondamentale du jeu, à savoir chercher à avancer en déjouant, contrariant, déséquilibrant, le dispositif défensif qu’oppose l’adversaire à sa progression vers leur but et donc quand c’est le cas de profiter de l’avantage pour développer le mouvement d’avancer et préserver le déséquilibre.

Autrement dit, ce que fait le porteur de balle n’a de sens que par rapport à la forme de l’obstacle défensif. La décision de ce porteur de balle n’a de chance d’être efficace que si tout en même temps , ses partenaires comprennent sa décision et adopte le soutien adéquat dans l’espace utile au moment utile et à la vitesse tout autant utile. La préservation du mouvement qui avance se fera dans la même forme ou dans une autre selon la réaction défensive. Chaque action pour les uns et les autres se réalisant en utilisant optimalement les capacités physiques et mentales qui sont les leurs dans l’instant de jeu.

Le joueur toulousain doit donc être capable de changer ce qu’il avait prévu. Les défenseurs ne sont pas des pions qui subissent. Le jeu défensif tente de reformer un barrage différent. C’est cette mouvance défensive qui va modifier la décision des utilisateurs du ballon , celle du porteur de balle et celle de ses partenaires réagissant en conséquence.

Précisons cependant qu’aujourd’hui, il convient de se pencher sur ce que doit être le jeu pénétrant et sur le comment le réaliser collectivement pour tenter d’amener la défense à se resserrer vers la zone du ballon afin que la relation logique qui unit jeu pénétrant et déployée et vice versa retrouve tout son sens, celui que ne peut pas lui donner le jeu individuel d’affrontement qui finit au sol et brise la dynamique collective.

Dans ce cadre de ce jeu adaptatif, le jeu à la main répétons le, car c’est capital, doit être une priorité et un état d’esprit commun à tous. La passe est prioritaire tant qu’elle permet l’avancée que celle-ci soit immédiate ou différée. L’alternance nécessaire, quand le rapport de force s’inverse et que le jeu à la main devient impossible, réside dans le choix entre, l’affrontement du dispositif défensif donnant lieu à un point de fixation ou jeu au pied. Il devient essentiel dans l’esprit de tous qu’il s’agit bien :

- d’avancer en préservant par le jeu de passe et les soutiens utiles à la dynamique collective.

- D’éviter, autant que faire se peut, les blocages et regroupements non imposés par l’adversaire qui doivent être considéré comme un demi échec.

Le jeu toulousain ce n’est pas la préférence du jeu offensif, mais bien la maîtrise conjointe et le plus efficacement possible du jeu offensif et défensif. Justement le jeu défensif qui vise la réorganisation constante et évolutive du barrage défensif et des couvertures utiles à des fins de récupérations du ballon est essentiel dans ce système Les situations de turn over ou de contre attaque et le changement de statut qu’elles occasionnent pour les défenseurs devenus soudainement attaquants et vice versa sont des contextes particulièrement favorables, quand on saisit immédiatement l’opportunité d’aller jouer sur la faiblesse momentanée de ceux qui ont perdu ou mal rendu le ballon.

Le jeu toulousain n’appartient pas aux Toulousains. Il est le jeu de tous, à condition de ne pas se tromper sur le " comment de la formation et du travail à faire " pour faire à la fois émerger le jeu et les joueurs capables de le mettre en œuvre. La transformation, visible, de joueurs non issus de cette culture, en est la meilleure illustration.

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