Abonnés

Entretien. Blair Kinghorn (Toulouse) : "J’ai sauté à pieds joints dans cette nouvelle aventure"

  • Blair Kinghorn, arrière du Stade toulousain.
    Blair Kinghorn, arrière du Stade toulousain.
Publié le
Partager :

Arrivé dans la ville rose en décembre, l’international écossais Blair Kinghorn (27 ans, 53 sélections) a rapidement trouvé ses marques dans la ligne d’attaque toulousaine. Pour nous, il évoque aujourd’hui le "jeu de mains, jeu de Toulousains" qui lui plaît tant, revient sur son expérience au club de foot de Heart of Midlothian, parle des Power Rangers, d’une série Netflix, de Thomas Ramos et même de Richard Cockerill…

Pourquoi avez-vous choisi de vous engager à Toulouse, il y a six mois ?

Ce ne fut pas la décision la plus difficile de ma carrière, pour être honnête… L’histoire de ce club, son palmarès et ses joueurs font du Stade toulousain la meilleure équipe d’Europe, et possiblement du monde. J’aurais été stupide de dire non…

On dit de Toulouse que son style de jeu est atypique. Quelle impression vous fait-il ?

(Il éclate de rire et répond en français) Jeu de mains, jeu de Toulousains ! C’est la première chose que m’a apprise mon professeur de français quand je suis arrivé ici. Plus sérieusement, c’est un style de jeu qui ne ressemble en effet à aucun autre ; un rugby très différent de celui que je pratiquais jusque-là à Édimbourg, où les structures étaient bien plus figées. Il y a, à Toulouse, beaucoup de jeu en passes courtes, des passes dans le plaquage, souvent trois soutiens au porteur de balles… Quand on joue tous sur le même tempo, j’y prends un plaisir incroyable.

Où en est votre maîtrise du français ?

Hum… Je comprends ce que disent les collègues sur le terrain mais quand Ugo (Mola, N.D.L.R.) parle vite dans les vestiaires, je suis un peu perdu…

Quelle est votre expression favorite, en Français ?

"Ce n’est pas grave, les gars !"

Vous avez connu une intégration pour le moins rapide, à Toulouse…

(Il coupe) J’ai posé mes valises à Toulouse un lundi et cinq jours plus tard, on affrontait Cardiff à Ernest-Wallon. Je n’ai pas eu le temps de réfléchir, en fait. J’ai sauté à pieds joints dans cette nouvelle aventure.

Plus généralement, quelle opinion avez-vous du Top 14 ?

On y joue déjà beaucoup plus de matchs qu’en URC (la nouvelle version de la Ligue celte). Et les rencontres, si elles sont parfois plus lentes qu’en Écosse, sont en revanche bien plus physiques.

Qu’en est-il de l’atmosphère au stade, à présent ?

Ce qui m’a le plus étonné, à mon arrivée à Toulouse, c’est la traversée de la foule en arrivant au stade. Ça, c’est puissant ! […] J’avais déjà connu ce genre d’émotions dans ma carrière mais je pensais que c’était propre à l’univers du rugby international : quand on arrive en bus, à Murrayfield et pour les grands matchs de l’Écosse, des centaines de fans entourent le véhicule, chantent l’hymne (Flowers of Scotland), suivent de près les joueurs de cornemuse… Mais tout ça n’existe pas dans les clubs, au Royaume Uni.

Évoquons à présent la demi-finale de Champions Cup, face aux Harlequins. Que pouvez-vous nous dire au sujet de cette équipe anglaise ?

Nous avons affronté les Quins en phase de poule (17-49) et avions ce jour-là réalisé un grand match. Mais cette équipe est vraiment surprenante, imprévisible. Les Harlequins mettent le feu au terrain et peuvent marquer de partout : marquer quarante points en quart-de-finale (face à Bordeaux-Bègles) montre à quel point cette équipe est dangereuse, balle en mains.

Leur meneur de jeu, Marcus Smith, est un joueur à part…

Quand Marcus Smith est dans un grand jour, les Harlequins gagnent en général leurs matchs. Il faudra donc avoir un œil sur lui et le maintenir au calme.

Avez-vous déjà disputé, en club, de grands matchs comme celui qui se dessine ce week-end ?

Non, jamais. Le plus gros match que j’ai joué avec Édimbourg, c’était un huitième de finale de Champions Cup face au Racing, il y a trois ans. Et je n’en garde pas un souvenir impérissable (56-3)…

Comment vivez-vous la concurrence avec Thomas Ramos, au fond du terrain toulousain ?

La concurrence a toujours du bon. J’y ai d’ailleurs beaucoup réfléchi, au moment où Toulouse m’a contacté. Je me suis posé la question : "Vais-je vraiment jouer si tant de bons joueurs évoluent aux deux postes où je me sens le plus à l’aise ?"

Et qu’avez-vous répondu ?

Je me suis dit : "Si tu veux devenir le meilleur, tu dois entrer en compétition avec les meilleurs. Fonce !" C’est ce que m’ont d’ailleurs répété tous mes coéquipiers d’Édimbourg, lorsque je leur ai annoncé la nouvelle.

Le staff toulousain réfléchissait depuis un moment à vous faire évoluer à l’aile et l’a fait contre le Racing 92, le week-end dernier en Top 14. Cette opportunité vous convient-elle ?

J’ai très souvent joué à l’aile, avec l’équipe nationale écossaise. Je dois compter quinze ou vingt sélections à ce poste, avec le XV du Chardon. C’est une position dans laquelle je me sens très à l’aise. Et puis, la façon de jouer de Toulouse offre beaucoup de liberté et d’opportunités aux ailiers : on n’est pas scotché à la ligne de touche en attendant que le ballon arrive. Là encore, le schéma est très différent de ce qu’on connaît au Royaume-Uni.

Avec l’équipe d’Écosse, il vous est aussi arrivé d’occuper le poste de numéro 10. Ne fut-ce pas difficile, quand on connaît l’importance qu’a Finn Russell dans le dispositif de Gregor Townsend ?

J’ai aimé jouer ouvreur avec Édimbourg. Mais au niveau international, remplacer Finn (Russell) était en revanche une énorme responsabilité. Je me mettais alors beaucoup de pression parce qu’il est, dans les faits, un des meilleurs ouvreurs de la planète. En fait, je suis bien plus à l’aise à l’arrière ou à l’aile.

Vous avez démarré votre carrière internationale en 2018, à l’occasion d’un match contre l’Angleterre. Comment l’aviez-vous vécu ?

J’ai dit à ce sujet, dans une précédente interview, que je m’étais littéralement "chié dessus" ce jour-là ! (rires) Je m’en souviens très bien. J’étais sur le banc et j’ai donc passé soixante-cinq minutes à réfléchir à ce qui allait se produire à mon entrée en jeu. C’était terrible. J’ai fait et refait le match quinze fois dans ma tête, imaginé tous les scénarios possibles et imaginables. Et puis, quand Gregor (Townsend) m’a demandé de me changer, toutes mes angoisses se sont soudainement évaporées. On a d’ailleurs gagné, ce jour-là (25-13). Je n’aurais pu rêver plus beaux débuts.

Vous comptez cinquante-trois sélections avec l’équipe d’Écosse mais à vos débuts à Édimbourg, votre coach de l’époque, Richard Cockerill, disait que vous n’aviez pas le niveau pour survivre au rugby international. Lui avez-vous donné tort ?

Franchement ? Richard avait raison, quand il a dit ça. J’avais alors des fulgurances dans le jeu mais aussi beaucoup de lacunes, notamment en défense, où je coûtais beaucoup trop d’essais. Il faut être bon partout, pour jouer au niveau international.

À quoi aspiriez-vous, quand vous étiez plus jeune ?

Je ne sais pas si je me voyais vraiment en sportif professionnel. Je rêvais plutôt de devenir un Power Ranger (adolescents dotés de superpouvoirs). Ma grand-mère m’avait d’ailleurs fabriqué le costume du Power Ranger jaune. J’en étais fou.

Vous semblez avoir une relation fusionnelle avec votre grand-mère…

Oui, c’est ma plus grande fan ! En Écosse, elle était abonnée au club et passait ses matchs le long de la ligne de touche, à m’encourager. J’espère qu’elle viendra prochainement à Toulouse. Elle adore ça.

De 6 à 14 ans, vous avez joué au football pour le club de Tynecastle. Quel poste occupiez-vous ?

J’étais défenseur central parce que j’étais le plus grand mec de l’équipe (il mesure aujourd’hui 1, 95 m). Je me débrouillais pas mal, au foot. Je ne sais pas si j’aurais pu devenir un joueur professionnel mais à 13 ans, j’ai bel et bien intégré les Heart of Midlothian, l’un des clubs les plus prestigieux du pays.

Comment avez-vous vécu l’expérience ?

Pas super bien, en réalité… C’était un monde différent. À Tynecastle, on jouait pour le fun. Avec Heart of Midlothian, tout le monde était si sérieux… Les mecs avaient 13 ans mais se comportaient déjà comme des professionnels… J’ai rapidement compris que ce n’était pas pour moi. J’étais trop jeune pour subir autant de pression. […] Aujourd’hui, je ne regarde quasiment plus de matchs de football. Choisir le rugby à l’adolescence fut l’une des meilleures décisions que j’ai prises.

Votre père aime pourtant beaucoup le football…

Oui, c’est vrai. Il était d’ailleurs mon coach, à Tynecastle. Il voulait que je montre mon meilleur visage et était très exigeant, avec moi. Quand je l’énervais, je le voyais compter sur ses doigts jusqu’à dix pour tenter de se calmer et ne pas me sortir immédiatement du terrain ! (rires)

Votre passé de footballeur vous a-t-il servi, dans l’exercice des tirs au but ?

Probablement, oui. J’ai toujours buté, en fait. C’est un exercice qui me plaît.

Dans la série Netflix consacrée au Tournoi des 6 Nations 2023, l’exercice semble pourtant vous mettre dans un état de stress incroyable…

Non, c’est faux ! Cette année-là, les caméras de Netflix m’ont suivi pendant des heures. On a fait des dizaines d’interviews et la seule chose dont les gens se souviennent, ce sont ces trois minutes où je parle de la pression inhérente aux tirs au but ! (rires)

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?