La Revol-ution Camou

Par Rugbyrama
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Notre chroniqueur Rodolphe Rolland revient cette semaine sur l'élection annoncée de Pierre Camou à la présidence de la Fédération française.

"Ceux qui lancent les révolutions sont toujours les cocus de l'Histoire". L'oeil goguenard, un rien provocateur, Daniel Cohn-Bendit jeta la formule primesautière à la cantonade comme on jetait à l'époque les pavés sur les ombres cuirassées durant le Paintball d'avant-garde de Mai 68. Cette garden-party printanière que l'on nommait abusivement révolution ne dérogeait pas à la règle qui exige d'un tel désordre qu'il se manifeste d'abord par un barouf assourdissant. On connait la suite : un retraité quinteux à particule, perclus de naphtaline et de vieille France, excédé par tant de tapage, porta plainte et hop, on somma le pauvre Cohn d'aller occuper d'autres chambres de Bonn chez ses cousins germains. "Dans cet univers plein de bruit et de fureur, c'est le bruit des uns qui provoque la fureur des autres", écrivait Antoine Blondin; allez-donc expliquer ça au trop plein de jeunesse !

Pas de fureur aucune du côté de l'élection de Pierre Camou à la présidence de la Fédération Française de rugby ; encore moins de bruit, l'événement de ce samedi 20 décembre sera passé quasiment inaperçu. Silence radio ! Dans la plus pure tradition népotique du rugby français et de ses fameux pardessus, Bernard Lapasset aura poussé son "champion" sur la dernière marche comme l'avait fait auparavant Albert Ferrasse avec ce même Lapasset, devenu depuis président de l'IRB. A la différence que cette fois, Pierre Camou, unique candidat à la succession, semble avoir fait l'unanimité derrière sa candidature. Elu donc avec la totalité des suffrages, celui qui se définit comme un "soixante-huitard attardé" aura la lourde tâche de dépoussiérer les modes de fonctionnement de la FFR, cet appareil obsolète, en vue des enjeux économico-sportifs de demain. "Aujourd'hui, nous nous trouvons avec des structures de décision vieilles de vingt-cinq ans, quand le rugby comptait deux fois moins de licenciés et était avant tout implanté et suivi dans le sud", remarquait ce sexagénaire placide, un peu "force tranquille" à la tonton.

Pourtant s'il se pose en rénovateur, l'homme, qui proclame à l'envi ne pas être un clone de son prédécesseur, désire s'inscrire dans la continuité, assurant pendant sa charge une évolution sans rupture d'avec le passé. Pas de grands bouleversements en perspective, mais des ajustements. Pour cela, Camou semble, et c'est peut être là l'unique révolution, avancer de concert avec Pierre-Yves Revol, le nouveau patron de la Ligue Nationale de rugby. Envoyés ad patres les discordes Lapasset-Blanco à l'ego hypertrophié, fi des échanges interminables par presse interposée, l'heure est à l'union sacrée face à la crise, à l'invraisemblable lune de miel entre deux caciques que tout ou presque aurait pu opposer hier encore.

La première mesure de notre duo sera d'accorder trois stages de trois jours pour trente joueurs pendant la saison internationale, accord de principe né sous la menace, il est vrai, de l'article 9 de l'IRB, relooké par Bernard Lapasset et qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier prochain. Peut-on en conclure qu'il s'agit présentement d'un mariage arrangé, ou encore d'un mariage de raison ? Trop tôt encore pour tirer des conclusions. Le couple Camou-Revol traversera certainement l'épreuve du temps que connaissent les ménages, des périodes idylliques entrecoupées de tiraillements passionnels qui, s'ils raffermissent parfois les liens peuvent tout autant les distendre à jamais ; quant aux révolutions et aux "cocus de l'Histoire", Pierre Camou, célibataire endurci, peut ma foi dormir sur ses deux oreilles.

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