La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
Publié le
Partager :

Avant le quart de finale face à Cardiff, notre expert Pierre Villepreux analyse le jeu toulousain et les raisons du succès à Brive.

L'ample victoire du Stade Toulousain à Brive ne manque pas d'interpeller puisque elle a été réalisée avec un groupe mixte. Ceci tendrait à prouver que le jeu toulousain se conjugue avec la même efficacité quelle que soit la valeur présumée des joueurs composant le collectif. Ce jeu toulousain est la conséquence d'un fort ancrage culturel qui touche, même s'ils ne s'en rendent pas compte, tous les joueurs et pas seulement ceux issus de la formation stadiste. Etrangers comme joueurs arrivant d'autres clubs épousent et s'inscrivent adéquatement dans le temps et avec une relative facilité dans le jeu collectif.

Il ne s'agit pas en effet de croire que leur seul talent est suffisant. J'ai pu constater, dans d'autres clubs, que le rendement de joueurs tout aussi talentueux semble différent justement parce que leur potentiel est incomplètement exploité. Quand tout fonctionne comme ce fut le cas à Brive, alors le "bien joué" est essentiellement la conséquence de la pertinence des déplacements et replacements collectifs qu'à la valeur des individualités. La tendance en effet dans l'analyse du pourquoi d'une supériorité, c'est d'accorder aux hommes et à leur talent un pouvoir et une dimension émérite, malheureusement il ne suffit de leur faire changer de maillots pour avoir les mêmes effets.

La force des Rouges et Noirs, c'est l'utilisation sans réticence de formes d'actions dont ils ont la maîtrise mais elles ne sont pas figées, les faire évoluer voire les modifier, les varier de manière créatrices est indispensable pour pouvoir répondre à la situation présente et à son efficace continuité. Ces compétences traduites individuellement et collectivement dans la compétition se perfectionnent dans les entraînements où l'on aménage l'alternance de situations répétitives, dans des conditions semblables, et de moments de variation dans des conditions changeantes indispensable pour que le jeu de l'un (le porteur de balle) devienne à la vitesse du jeu et quel que soit la pression le jeu des autres (les partenaires proches ou lointains).

Le jeu de main toulousain a permis de détruire l'équilibre défensif des Brivistes et ont créé des situations porteuses d'une ou plusieurs solutions, faisant émerger la place prise par le porteur de balle, premier décideur de l'action à mener sur laquelle va se greffer à la fois le jeu collectif de ceux qui sont proches mais aussi celui du soutien déjà engagée dans le jeu successif. Dans les mouvements produits par les toulousains, tout ne fut pas parfait en terme de réalisation, mais les erreurs (mauvaises passes le plus souvent) n'altérèrent pas le jeu successif qui rebondit, grâce à la présence d'un soutien et toujours par le jeu de passe dans un espace différent de moindre pression défensive.

C'est cette plus grande capacité des Toulousains à donner, mieux que leurs adversaires, une réponse tactique et technique adaptée au jeu situationnel qui fait leur force et qui ne peut être contrarié que par une grande pression défensive. Brive n'a pas su la créer et regarda jouer les Toulousains, les laissèrent prendre le score. Obligé d'utiliser plus que de coutume les ballons à la main, il a manqué aux Brivistes, capables individuellement de créer des situations intéressantes, cette capacité à enchaîner le jeu rapidement; La distribution offensive était trop partielle pour assurer une continuité efficace. La perception et l'anticipation des déplacements rapides de la balle, et conjointement dans le même temps du déplacement des partenaires et adversaires dans l'espace proche de celle-ci et plus éloigné revêt une importance déterminante dans l'activité en jeu du joueur.

Il s'agit bien ici de parler d'une situation complexe, puisque globale, du mouvement lui même et des espaces de jeu où il conviendra pour tous les joueurs d'intégrer ce qui s'est passé avant, ce qui se passe dans l'instant et ce qui se passera après. C'est à force d'exercices pratiques dans le mouvement général et donc d'expériences situationnelles jamais complètement identiques (même si proches) que la perception du joueur s'affinera en faisant le tri entre les bons repères et indices et les mauvais, ces mouvements étrangers perturbateurs, ces mauvaises informations, qu'il faut ignorer, qui sont responsables des mauvaises décisions.

Pour en revenir au contexte score, il força l'adversaire à sortir de son jeu préférentiel (occupation du terrain avec le jeu au pied d'Andy Good). C'est toujours une aubaine pour Toulouse maître dans l'art d'exploiter les balles de récupération. Ce jeu, bonne défense récupération, exploitation rapide du ballon sur la faiblesse momentanée de la défense devrait être un atout important contre les Gallois de Cardiff, équipe joueuse donc quelquefois forcément à la faute, mais il faudra bien sur savoir faire cela et avoir d'autres compétences pour battre Cardiff au Millennium.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?