La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Même pendant les vacances, retrouvez "les pas perdus d'un coach", la chronique d'Henry Broncan, l'entraîneur du SU Agen.

Vendredi 21 décembre

Pour la première fois depuis mon départ, je revois le Moulias, devenu Stade Jacques Fouroux, et ce, à travers la petite lucarne qui ne m'a jamais parue aussi étrange. Pourtant la balade des caméras sur les tribunes populaires – je les ai toujours plus appréciées que les sièges en cuir de la bourgeoisie gersoise - multiplient les faces reconnues : je me surprends à me réjouir de retrouver autant de visages, chacun d'entre eux évoquant des souvenirs bien particuliers, beaucoup me rappelant des discussions d'après match, à ballons rompus, le long du grand bar du chapiteau des humbles. Ce FCAG s'appuie sur son pack solide en mêlée : le petit Barcella frappe aux hautes portes ; Idieder croque le Sud-Af et Sébastien, même s'il ne lance pas, compte bien parmi les cinq meilleurs talonneurs de France. Tapasu ne vieillit pas, Tchale-watchou cale le groupe, Stéphane et Antoine dominent l'alignement contrairement aux commentaires d'un soi-disant statisticien de studio. En n° 8, Alexandre est redevenu le grand de Mont-de-Marsan. C'est derrière que le bât blesse vite à cause des sorties rapides de Frédéric le buteur et de Nicolas le plaqueur. Duthil doit prendre une place inhabituelle à l'aile, et petit Pierre découvre le centre du haut niveau. Titi se retrouve ainsi arrière et il y excelle. Brice, toujours aussi vif, et Tidjini le costaud espéré. Benoît souffre à l'ouverture, poste qu'il n'occupe que pour les besoins de la cause. Je pense aux ouvreurs perdus par le club et... par moi : Beñat-Arrayet, l'actuel n° 1 de la D2, Tony Lagardère le n°1 de la saison passée, mais aussi Benjamin Dambielle, Yannick Lafforgue ou encore Luciano Orqueira, le bourreau de Dax ce week-end ! Meilleure entrée de la première ligne suppléante : Mololo, Nicolas et Grégory, plus performants que dans les Landes. Valdes est encore un peu court et Opeti perd trop de ballons au contact. J'apprécie la stratégie sur les mauls biarrots : comment le capitaine de l'équipe de France n'a t-il pas réussi à trouver la parade ? Ce B.O inquiet, sans buteur, sans 9, s'en sort grâce à Nicolas Brusque, impeccable dans son jeu au pied, et auteur d'un bel essai personnel. Le bonus défensif bravement acquis récompense la vaillance de mes anciens joueurs et la détermination de leur énorme capitaine, Raphaël Bastide. En continuant de s'appuyer sur ce pack bien organisé et en trouvant – au mercato ! – le réalisateur idoine, tout reste bien possible pour les rouges et blancs.

Le lendemain, Arnaud, présent au match de ses copains, me glissera : "Si tu voyais comme les installations sont chouettes !" Merci, ça s'appelle : "Remuer le couteau dans la plaie".

A 21 h, l'ASM et le Stade toulousain nous offrent un spectacle splendide, deux tons au-dessus de celui qui s'achève. Même si beaucoup d'étrangers opèrent dans les deux formations, on s'étonne de n'avoir pas connu, durant la Coupe du Monde, nos joueurs français sur le même tempo : la pression de l'événement mal maîtrisée ? Dans la nuit, j'ai rêvé de Michelin !

J'apprends que "Pépite " sera bayonnais : la guérison du genou plus l'air du pays ressusciteront l'un des meilleurs arrières de l'hexagone.

Samedi 22 décembre :

Après l'entraînement du capitaine, l'équipe rejoint, pour la veillée d'armes, les locaux du Centre de Formation des Apprentis du Lot-et-Garonne. Petite surprise de quelques joueurs, en découvrant un établissement austère mais impeccable et fonctionnel. On est certainement loin du luxe des quatre étoiles ; faut faire les lits, et comme certains sont trop petits, il faut allonger des matelas sur le sol. Tout à l'heure, il faudra débarrasser la table pour aider Christian et son épouse, encore sollicités pour être à nos petits oignons. Salle de jeu pour adolescents – nous le sommes encore tous ! – et séance vidéo sur un magnifique écran ; il y a même Canal plus sport pour assister à la rencontre Montauban-Stade français : l'occasion de suivre un Raynaud en pleine jouvence, de rester coi devant la performance de Caballero et bien sûr de s'extasier devant la Prima Dona, même si elle connaît, elle aussi, quelques désagréments... Sapiac en délire, Galthié boudeur, Montanella enrobé... Nous apprenons qu'à partir de 21h, ici, toutes les portes sont closes et que nous sommes prisonniers jusqu'au retour , prévu demain matin, de Christian, transformé en gardien du paradis.

Dimanche 23 décembre :

Les exploits se sentent dès le petit matin de leur réalisation. Jalil m'a devancé au petit déjeuner et Guillaume est déjà parti pour le footing dominical dans des lieux qu'il connaît bien. Réveil musculaire sans ballon tombé, application dans les passes, visages marqués par l'enjeu : faudra que Toulon soit très fort cet après-midi.

Armandie a fait le plein. Dès notre arrivée, une heure et demie avant le coup d'envoi, les pesages sont en place, et les Samatanais sont là, derrière leur maire et conseiller général : m'ont-ils senti en danger ou tout simplement sont-ils venus pour le spectacle ? Je suis heureux d'aller à leur rencontre et un ami agenais me glisse : "On se croirait à Samatan !"

Rups s'échauffe dans la salle de musculation en compagnie d'Ace, le mentor désigné pour les exercices. Ce matin, le Fidjien m'a reproché la bruine alors que je lui avais promis le soleil mais Météo-Agen ne s'est pas trompé : l'éclaircie arrive, le SUA aussi et notre vedette ne manquera pas son rendez-vous. Au coup de sifflet final, un peu d'amertume : Pourquoi avoir attendu l'hiver pour jouer ainsi ? Un peu d'inquiétude aussi : serons-nous capables de rééditer la performance ?

Les caméras, les flashes et les stylos sont partis ; les chasseurs d'autographes poursuivent Tana et George qui regagnent le bus sur le départ. Dans le tunnel d'Armandie plongé dans le noir, nous allons enfin pouvoir nous parler autrement que par la presse et témoins interposés. Cet entretien comptera parmi les moments privilégiés de ma vie. Cet homme a quelque chose du Comte de Monte Christo.

Lundi 24 décembre :

J'ai eu besoin de revoir Nérac, le parc de la Garenne et la fontaine de Fleurette ; la bastide ronde de Fourcès aussi ! Pourtant le brouillard n'épargne ni le Lot-et-Garonne ni le Gers ! Cette nuit, c'est Noël : Un tout petit conte dont on m'a garanti l'authenticité bien qu'il me paraisse invraisemblable, mais si on ne croit plus aux rêves la plus belle nuit de l'année !

... "Un enfant des îles, il y a deux ans, avait marqué trois essais la veille de la Nativité. Il était si heureux qu'on l'avait découvert, au petit matin, jouant généreusement au Père Noël, en distribuant dans une rue d'Agen, des billets de 10 et 20 euros aux passants qui n'oubliaient pas.. de profiter de ses largesses. Pour mieux se rapprocher de son personnage, il s'était oint le visage de farine car pour lui, le Père Noël ne pouvait qu'être blanc. Pour rétablir l'ordre public, les forces de l'ordre étaient intervenues, créant le désordre. Devant la colère noire de l'acteur, prié d'interrompre sa représentation, il fallut vite appeler des renforts et même quelques camarades du pack en goguette matinale. L'îlien aurait versé quelques larmes d'incompréhension : décidément, les occidentaux étaient trop compliqués pour lui."

Mardi 25 décembre :

Le soleil et les flamants roses occupent Gruissan. Derrière la Tour Barberousse, le Canigou, tête blanche, découpe l'horizon. Dans le bar du village des pêcheurs, je ne vois pas le vieux marin de l'Albatros. Demain, peut-être ?

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