Dintrans : "Quelque chose d'immense"

Par Rugbyrama
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Ce 14 juillet marque les 30 ans de la première victoire française en terres néo-zélandaises. En 1979, les Bleus signaient l'un des plus grands exploits du rugby hexagonal à Auckland. L'ancien talonneur, Philippe Dintrans, qui fêtait alors ses premières sélections, revient sur ce glorieux épisode.

Vous étiez titulaire lors de l'exploit de l'équipe de France à Auckland le 14 juillet 1979. Quel souvenir conservez-vous de cette première victoire (24-19) en Nouvelle-Zélande ?

Philippe Dintrans : C'est très loin dans le temps mais si près dans les mémoires. Je me rappelle d'un grand moment, avec beaucoup d'émotion. Mais finalement, je me souviens plus de l'avant-match et de l'après-match que de la rencontre en elle-même. Le match a été d'une telle intensité physique. Ça "décanillait" de partout ! Nous avons dû faire d'énormes efforts pour l'emporter.

Ou aviez-vous puisé l'énergie nécessaire pour réaliser cet exploit ?

P. D. : Nous avions perdu contre ces mêmes Blacks la semaine précédente. Nous étions écoeurés à l'idée de mal finir cette tournée. Nous voulions ramener la peau des Néo-Zélandais, comme des chevaliers partis en conquête. Nous voulions absolument prendre notre revanche après le premier test et avions à coeur de jouer ce dernier match. Nous avons subi la colère de Jean-Pierre Rives, notre capitaine, et des autres cadres de l'équipe. Je me rappelle notamment d'un footing de décrassage musclé. Nous étions réputés bons en mêlée et nous avions été bousculés dans ce secteur. Quand on est talonneur, ce n'est jamais agréable. Il y avait une véritable ferveur, une rage de vaincre. Une sorte de colère intérieure qui a ensuite rejailli sur le terrain.

Est-ce justement cette colère, selon vous, qui vous avait permis de gagner ?

P. D. : Il y avait d'une part le talent du groupe, composé de nombreux jeunes joueurs et d'autre part, cette immense motivation. Nous avions la capacité d'encaisser les défaites et de vite relever la tête. Le mental a été primordial dans cet exploit. C'est là que je me suis rendu compte à quel point ce facteur est important au plus haut niveau.

Quand vous repensez à ce match, quelle image vous revient en tête ?

P. D. : Je me rappelle qu'à la fin, je regardais systématiquement la pendule. J'avais l'impression qu'elle n'avançait plus. On en avait marre de défendre et les Blacks continuaient à avancer. Et il y a cette ultime action où Frédéric Costes récupère le ballon et dégage en touche. Il a tapé si fort dans le ballon qu'il aurait pu atterrir en Australie (rires). J'ai de suite regardé l'arbitre en espérant qu'il siffle la fin. Il fallait qu'il siffle car s'il y avait eu une touche de plus, je ne suis pas sûr que nous aurions tenu. Quand il a sifflé, c'était la personne la plus proche de moi, je lui ai sauté dessus et je l'ai embrassé. C'est la première et la dernière fois que j'ai embrassé un arbitre. Même lui avait les larmes aux yeux et savait qu'il s'était passé quelque chose d'immense.

Qu'aviez-vous ressenti à la fin du match ?

P. D. : Ce fût un moment intense. Tous les ingrédients étaient réunis. Il y avait le côté historique du 14 juillet, nous avions inscrit des essais magnifiques… Tout le monde vibrait. L'émotion était énorme dans les yeux de tous les Français mais aussi des Néo-Zélandais.

Pour vous, c'était encore plus spécial puisque cette tournée en Nouvelle-Zélande marquait vos premiers pas en équipe de France…

P. D. : C'est vrai. C'était pour moi le début d'une belle aventure avec les Bleus. Il y a eu ensuite cinquante autres souvenirs. Et je ne pouvais pas commencer de meilleure manière.

Pensez-vous que cette victoire avait permis de décomplexer les joueurs français et finalement marqué un tournant de l'histoire des Bleus ?

P. D. : Peut-être, oui. On restera à jamais les premiers à avoir réalisé cet exploit. C'est comme quand tu franchis une montagne : si tu es le second à le faire, ce n'est pas pareil. C'est un des plus grands souvenirs de ma carrière. Il garde une saveur toute particulière. On restera à jamais les premiers. A chaque fois que je regarde un match des Bleus en Nouvelle-Zélande, j'y repense. En plus, je suis très sensible à l'histoire des All Blacks. Même s'ils n'ont été champions du monde qu'une seule fois, ils pratiquent le meilleur rugby de la planète. J'ai foulé leur terre plusieurs fois et l'accueil est formidable. C'est la terre du rugby.

Personnellement, que vous a apporté cet épisode ?

P. D. : A titre individuel, on tire beaucoup d'enseignements après avoir joué un tel match au niveau de l'intensité physique. Comme je l'ai dit, j'ai compris que quand le mental était là, tout devenait possible. Ce match en est la preuve. Au niveau technique ou tactique, j'avais aussi beaucoup appris. Les All Blacks avaient par exemple totalement changé leur tactique en touche en plein match. J'avais rarement vu ça et cela a failli faire tourner les choses.

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