Festival Rugbimages : Colloque 14-18 : "Dans la mêlée des tranchées"

Par Rugbyrama
  • Francis Meignan
    Francis Meignan
  • Maurice Boyau
    Maurice Boyau
  • 14-18 Denis Gailhard
    14-18 Denis Gailhard
  • Maurice Boyau
    Maurice Boyau
  • 14-18 Ian Borthwick
    14-18 Ian Borthwick
Publié le Mis à jour
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Le mardi 20 mars, dans le cadre la 4e édition du Festival Rugbimages (19-29 mars), s’est tenu à Albi un colloque sur "le Rugby et la Grande Guerre de 1914-18". La présence de nombreux historiens spécialistes du sujet ont valu à cette manifestation d’obtenir le label de la Mission du Centenaire.

Après la matinée consacrée à la naissance et à l’implantation du rugby en France, dans le dernier quart du XIXe siècle jusqu’à la mobilisation générale d’août 1914 (1), l’après-midi nous a plongés dans "La mêlée des tranchées" , comme le titre du livre référence de Francis Meignan.

Mais, avant lui, c’est Alexandre Lafon, qui a "planté le décor" d’une guerre que tous pensaient éclair au début et qui s’est rapidement enlisée sur un front stable courant de la Mer du Nord aux Vosges. Cette sédentarisation des troupes a entraîné des temps d’attente très importants et l’Autorité a vite compris qu’elle devait combler ce vide sous peine de laisser leurs soldats cantonnés à l’arrière du front sombrer dans la mélancolie. Pendant près de quatre ans, en effet, l’emploi du temps était ainsi divisé : une semaine au front, dans les tranchées, une semaine en deuxième ligne et une semaine à l’arrière, au cantonnement. Divers "loisirs" ont donc été encouragés par les haut-gradés. Avec le développement du Théâtre aux armées (également du cinéma et du music-hall), dès 1915, le sport est également apparu comme un facteur de cohésion de l’esprit de groupe, notamment les sports d’équipes comme le football et le rugby. De plus, les matches organisés entre régiments créaient un spectacle supplémentaire tout en renforçant l’intense vie sociale entre poilus. Les "sportmen" arrivés au front diffusent donc au cantonnement leur pratique sportive.

Maurice Boyau
Maurice Boyau

Des matches internationaux, avec les unités étrangères britanniques, néo-zélandaises ou australiennes, sont également organisés à l’arrière et permettent de souligner l’unité des Alliés à travers le sport. Les rugbymen sont souvent diplômés et lettrés, donc sous-officiers pour la plupart. Cela explique pourquoi, tenus de monter en première pour guider leur section à l’assaut, les rugbymen ont été décimés tant en août 1914 qu’en septembre 1915, les deux mois les plus meurtriers du conflit (on a compté 27 000 mort pour la seule journée du 22 août 1914. A. Lafon cite l’exemple, parmi tant d’autres, d’Alfred Armandie, l’international d’Agen dont le stade porte le nom, mort en septembre 1915. Pour conclure, l’historien insiste sur l’importance prise par la vie sociale partagée par des soldats, venus de la ville ou de la campagne, aisés ou pauvres, dans les souvenirs de guerre et l’importance prise par les amicales d’anciens combattants : dans leurs mémoires, on voit plus souvent évoquée cette camaraderie que les scènes de combat.

Ensuite Francis Meignan prend la parole pour raconter comment et pourquoi, malgré quelques désaccords, le rugby n’a jamais cessé d’être pratiqué à l’arrière, parmi les civils (jeunes essentiellement). Pour quatre raisons : les jeunes le voulaient, les alliés britanniques le souhaitaient également, les institutions y avaient intérêt et, enfin, les matches créaient des recettes qui pouvaient contribuer à l’effort de guerre. Ainsi, dès 1915, des compétitions sont montées. C’est là que naît, sur le front, la fameuse boutade : "pourvu que l’arrière tienne". Ces rencontres scolaires, inter-régiments, voire internationales entre corps d’armée alliés vont hausser le niveau du rugby français qui, dès les années 1920, à la reprise du Tournoi des Cinq Nations, vont rivaliser avec leurs adversaires britanniques comme il n’avait jamais pu le faire avant la guerre.

14-18 Denis Gailhard
14-18 Denis Gailhard

Denis Gailhard s’attache ensuite à démonter, chiffres et cartes à l’appui, l’allégation qui accusait, alors, les régiments du Midi (ceux où les rugbymen étaient le mieux représentés) d’avoir manqué d’ardeur au combat. Il cite le Toulousain Alfred Maysonnié, le premier international français mort au combat, le 6 septembre 1915. Il renvoie également aux monuments aux morts qui s’élèvent après guerre dans les enceintes des stades pour perpétrer la mémoire des joueurs fauchés dans leur jeunesse et rappelle le nombre de rugbymen internationaux par nation, morts au combat : 22 Français, 31 Ecossais, 26 Anglais, 10 Gallois, 9 Irlandais, 12 Néo-Zélandais, 4 Sud-Africains et 9 Australiens. Francis Meignan intervient alors pour relever l’imprécision entourant le Trophée mis en jeu cette année du centenaire de la fin du conflit (2018) pour honorer les internationaux sacrifiés : on présente Burgun et Milroy, morts au combat, comme les capitaines du dernier France-Ecosse disputé avant-guerre (en 1913 et par ailleurs tellement émaillé d’incidents avec les joueurs et le public parisien que les Ecossais ont refusé de recevoir la France en 1914) alors que les deux capitaines étaient, ce jour-là, Lane et Turner (également morts dans les tranchées). Et, avant qu’on évoque la mémoire d’Aimé Giral après qu’on a dit qui était Armandie d’Agen, il rappelle ce que peu de monde sait : le stade du Parc d’Aguilera à Biarritz s’appelle Jean Larribau, du nom de l’international biarrot, lui aussi mort au combat.

Maurice Boyau
Maurice Boyau

Arrive Hélène Legrais, spécialiste de l’histoire du rugby catalan à jamais marquée par la disparition au front de sept des quinze champions de France de l’AS Perpignan (ancêtre de l’USAP) titrés au printemps 1914. Parmi eux, elle ressort la personnalité et le parcours hors-norme du jeune ouvreur Aimé Giral, mort quelques jours avant ses vingt ans, le 2 juillet 1915. La nouvelle fut ainsi annoncée par le journal l’Indépendant de Perpignan : "Le gosse est mort !". Cette disparition traumatisante marque aussi un tournant dans l’opinion publique. Ce ne sont plus les vaillants rugbymen qui montent à l’assaut des "boches" comme à celui des lignes tarbaises ou bayonnaises mais bien la prise de conscience de l’infâme boucherie, conséquence d’une tragique stratégie militaire.

Puis Olivier Reggiani, professeur des écoles à Saint-Félix-de-Sorgues, un village du Sud-Aveyron, vient exposer le travail pédagogique qu’il a réalisé avec ses élèves de primaire autour du personnage du Dacquois Maurice Boyau, aviateur émérite de la guerre après avoir commandé le XV de France. Tout est parti du poème écrit par un garçon du village, écrit juste après la guerre, qui se souvenait du copain qui venait l’été passer ses vacances chez ses grands-parents maternels. Ce copain c’était Boyau. Et les élèves ont réalisé un livre illustré de différentes photos, ont plongé dans l’histoire de la guerre comme dans celle du rugby pour faire revivre ce pur héros, abattu le 29 septembre 1918, quelques semaines avant l’armistice et après avoir remporté 35 victoires homologuées dans le ciel (cinquième "as" officiel français). Le 29 septembre prochain, l’école de Saint-Félix, qui n’a jamais porté de nom, sera baptisée Maurice Boyau. L’instituteur a sollicité la Fédération Française de Rugby pour qu’elle s’associe à cette commémoration, sans avoir encore obtenu de réponse…

14-18 Ian Borthwick
14-18 Ian Borthwick

Pour conclure, le journalise néo-zélandais Ian Borthwick, bien connu des lecteurs de Midi-Olympique puis de L’Equipe, raconte le traumatisme et, en même temps, l’acteur fondateur de la nation, qu’a constitué l’engagement des troupes néo-zélandaises dans le conflit mondial. En 1914, le pays ne comptait qu’un million d’habitants et 100 000 soldats sont partis combattre. 18 000 sont morts, 41 000 sont revenus blessés. Jusque-là, la première apparition internationale du pays avait été la tournée triomphale des "Originals", les premiers All Blacks, dans les îles britanniques fin 1905 et, à Paris, pour le premier match de l’histoire de l’équipe de France, le 1er janvier 1906. Ces All Blacks ont créé un modèle que toute la nation, pas seulement les joueurs de rugby, cherche à imiter depuis. Toujours en lien avec le rugby, la première action militaire du contingent kiwi est d’aller conquérir les îles Samoa, sous domination allemande. Puis vient le conflit des Dardanelles et ses lourdes pertes même si la majorité des Kiwis morts dans le conflit sont tués sur le sol français (12 000). C’est pour honorer leur mémoire que, depuis 2000,

Les All Blacks portent un coquelicot rouge pour leurs tournées européennes en novembre. Et le match qui les oppose à la France met en jeu le trophée Dave Gallagher, le capitaine des "Originals", tué sur le front à Duquesnois, en Belgique.

Toutes les coordonnées des intervenants de ce Colloque comme tout le programme du Festival Rug’images se trouvent sur le site www.rugbimages.com

Christian Jaurena

(1)Après l’ouverture du Colloque prononcée par Rémy Cazals, sont intervenus dans la matinée : Claude Martin, Francis Meignan, Denis Gailhard et Hélène Legrais

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