Baky écrit : le précaire au bord du pré

Par Rugbyrama
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BAKY ÉCRIT - Il y a quelques semaines, c’était Brive et son nouveau propriétaire qui décidait de démettre de ses fonctions le manager Jeremy Davidson. Samedi, au lendemain de ce qui a sans doute été la défaite de trop, c’est David Gérard qui était éconduit de son poste à l’US Montalbanaise. D’autres suivront-ils ?

Dans les deux cas, se retrouver dans les profondeurs du classement après qu’un petit tiers du championnat se soit déroulé était une position insupportable pour les décideurs respectifs de ces clubs.

Et dans de telles circonstances, il n’y a pas d’autre alternative, le principal responsable doit payer. L'entraîneur, le manager, le directeur du rugby. Appelez-le comme vous voudrez, mais surtout, posez sa tête sur le billot.

Oh, ils ne sont pas malheureux me direz-vous. Des indemnités substantielles viendront éponger leur désarroi. Le temps pour eux de se retourner et de retrouver un banc.

C’est inéluctable. Et c’est ainsi que ça marche depuis toujours. Justement, n’est-il pas temps de revoir le logiciel ?

Ces décisions sont souvent prises au sortir d’une (énième) défaite. Soit après un match. Or, s’il y a bien un moment où l'influence de l'entraîneur est limitée, c’est bien pendant une rencontre sportive. Notamment du fait de la pression temporelle et des décisions qui doivent être prises en temps réel par les acteurs.

Alors je sais que les micros de Canal plus et les interviews bord terrain de Guilhem Garrigues vous donnent à croire l’inverse mais il n’en est rien. L'entraîneur dans sa zone technique, n’est rien de plus qu’un spectateur privilégié. Son travail a eu lieu plus tôt dans la semaine. Le match n’en est que la conséquence. Et lorsqu’il répond à Gaspard Augendre, il s’adresse à nous, téléspectateurs, avec des platitudes que Lapalisse n’aurait sans doute pas reniées. Et à la mi-temps me direz-vous ? Là encore, cela reste famélique. Le nombre de conciliabules que j’ai vu entre joueurs qui étaient occupés à essayer de trouver la solution eux-mêmes plutôt que d’écouter les directives du "sachant". Ou pire encore deux membres du même staff donnant des consignes différentes aux joueurs.

Les joueurs justement. Une étude américaine (1) démontre que la majorité des athlètes interrogés désignaient leurs coéquipiers et non leur entraîneur comme source principale de leadership au sein de l’équipe.

N’y a-t-il pas là une piste à creuser ? Les entraîneurs des skills pullulent dans les staffs. Pourquoi ne pourrait-on pas essayer de développer les skills de leadership de certains joueurs ? Aller au-delà du capitaine aboyeur qui galvanise dans les vestiaires. (Rôle que j’ai endossé plus qu'à mon tour). A ce poste de leader formel, on pourrait développer chez d’autres membres de l’équipe des habiletés de leadership. Ce qui viendrait alimenter une dynamique collective et responsabiliser tout un chacun au gré des matchs.

J’ouvre la brèche là à l'idée de caducité de la verticalité managériale. Avec un manager tout en haut de cette pyramide qui fait ruisseler son savoir sur les joueurs avec comme filtre un staff composé de personnes qui cherchent souvent à gravir cette même pyramide. Inutile de souligner l’incongruité de la chose.

En d’autres termes, en finir avec l’homme providentiel qui viendrait avec sa méthode.

Méthode qui aurait fait ses preuves si son ancien président lui avait laissé le temps de la développer…

Notons que dans les deux cas exposés plus haut, les managers limogés ont été remplacés par des techniciens qui revêtent parfaitement la cape de l’homme providentiel. Pour le CAB, Arnaud Mela est un joueur emblématique du club et faisait déjà partie du staff de Davidson. Quant à Pierre-Philippe Lafond, il a déjà été aux manettes du club avec lequel il a connu le spectre de la relégation mais aussi et surtout les phases finales. Ce qui a dû peser dans la balance…

Il ne s’agit pas d’émasculer le coach, pour reprendre une rhétorique usitée dans le milieu, mais bien de répartir le leadership et se départir de l’asymétrie de la chaîne de responsabilité qui amène à se séparer d’un unique responsable.

Ce pas de deux que joue le couple mauvais résultat collectif-limogeage du coach semble sans fin. Doux euphémisme que de dire que les indemnités que doivent débourser les présidents de clubs en plus du salaire du technicien remplaçant, représentent un pécule dont on pourrait tirer meilleur profit.

Ne pourrait-on pas par exemple, aider le technicien à parfaire son arsenal pédagogique ? ne doit-il pas continuer à se former ? A moins de considérer que ses compétences sont gravées dans le marbre dès lors que son diplôme sort de l’imprimerie ?

Un directeur sportif stricto sensu pourrait l’aiguiller et lui venir en aide. Lui permettre de réfléchir sur ce qu’il propose à des effectifs changeants. Et non pas sonder le marché pour savoir qui pourrait le remplacer… une sorte de coach de coach.

Sinon il devient un cuisinier, qui aurait un talent certain pour réaliser la recette parfaite mais qui serait confronté tour à tour à des modes de cuissons différents.

Cela éviterait ce que nos amis canadiens appellent l’insécurité psychologique. Comprenez, avoir l’épée de Damoclès au-dessus de la tête. C’est assez simple : un entraîneur qui se sent menacé n'innove pas. Ne crée pas et se réfugie dans ce qu’il connaît et dans ce qui le rassure. Ce qui, dans la grande majorité des cas, ne produit pas l’effet escompté. Et entraîne son licenciement.

Alors que des études (2) sur le sport universitaire américains démontrent que se séparer d’un entraîneur n’influe que très faiblement sur le pourcentage de victoire, une autre étude (3) menée sur la NHL (National Hockey League) sur les 10 dernières années indique que les franchises qui changent le plus souvent de coach sont très souvent en queue de classement.

Nonobstant la stabilité souvent invoquée comme facteur majeur de réussite, les présidents de clubs continuent leur carrousel d'entraîneurs. Pendant ce temps, les joueurs du Stade français ont fait sortir Gonza de son insécurité psychologique.

Notes :

1. Cotterill, S., et Fransen, K., "Athlete leadership in sport teams – Current understanding and future directions".

2 et 3- Martin Leclerc "La culture du congédiement" Radio-Canada.ca

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