Baky écrit : de sexe faible à parent pauvre

Par Rugbyrama
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BAKY ÉCRIT - Tout jeune retraité, Bakary Meité profite de sa liberté retrouvée pour intégrer l’équipe des chroniqueurs Midi Olympique. L’ancien troisième ligne a tout connu du rugby, d’abord amateur et finalement professionnel. Pour Rugbyrama, l’ancien international ivoirien va désormais s’attacher à poser un regard libre, décalé et forcément engagé sur l’actualité du rugby. Welcome "Baky".

Hier soir, j’étais au Parc des princes. 20 ans au moins que je n’y avais pas mis les pieds. Je devais être à peine plus vieux que celles que j’accompagnais. Ma progéniture, qui se rêve en footballeuse professionnelle (c’est tout le mal que je lui souhaite) et ses coéquipières en U14 de la VGA Saint-Maur. Un club de football féminin qui évolue en deuxième division. Sur le terrain, ce sont les joueuses professionnelles du PSG qui affrontaient leurs homologues du Real Madrid pour le compte de la ligue des champions (4-0). Match de gala s’il en est, délocalisé au Parc des princes. Les quelque 18000 personnes présentes pour l’occasion se seraient retrouvées à l’étroit dans le stade Georges Lefèvre de Saint-Germain-en-Laye, habituel stade pour Sakina Karchaoui et ses collègues.

Une fois le décor planté, je peux dresser un constat de Béotien. Le football féminin a réussi sa professionnalisation. Alors oui. C’est le PSG version qatari, mais en s’intéressant de près à la chose, on se rend compte que ce club n’est pas une exception, qu’il y a une vraie compétition entres les différents clubs de foot féminin à travers l’hexagone.

Après vous avoir bassiné avec les pousses-cailloux ou les manchotes, quid du sport qui nous intéresse ici ? Où en sont nos féminines ? Si, jadis, un abus de langage inopportun les qualifiait de sexe faible, force est de reconnaître que nos féminines sont fortes.

La vitrine est pimpante et belle ! L’équipe de France, à 7 où a 15, régale tant par ses résultats que par le jeu déployé. La double confrontation à venir contre les Blacks Ferns (Nouvelle-Zélande) se veut alléchante. Il ne manque qu’une victoire finale, dans une compétition majeure, pour enfoncer le clou.

Concernant les clubs, j’ai été frappé d’apprendre que les joueuses de l’AS bayonnaise ont refusé de prendre part à la rencontre qui les opposait au Stade Toulousain, dimanche dernier en Coupe de France. Elles l’ont exprimé, publiquement, dans une lettre ouverte que tout un chacun pouvait consulter. J’imagine que c’est une décision qui n’a pas été prise de gaîté de cœur. Et que, pour en arriver à une extrémité pareille, toutes les strates diplomatiques ont dû être éculées. J’ose à peine imaginer la mine déconfite de Pauline Bourdon, qui devait se faire une joie de revenir jouer contre le club dont elle a porté la tunique pendant 8 saisons.

Leurs revendications, s’il on peut les qualifier comme telles, sont pourtant simples. Que le club leur donne les moyens d’être compétitives. Demande jugée dispendieuse par certains dirigeants… Alors qu’elles voient leurs meilleures joueuses partir s’épanouir sous d’autres cieux chaque année, le fossé avec Montpellier, Romagnat et le Stade toulousain semble se creuser de plus en plus. Ne pas être en mesure de présenter une première ligne complète rend la situation plus qu’inquiétante. Et même si selon le président Gilles Peynoche on ne peut pas "inventer des premières lignes", il en va de la santé et de l’intégrité physique des joueuses.

Quelles solutions dès lors ? Sommes-nous face à de la mauvaise volonté ? Ou alors, le club a-t-il atteint ses limites de développement et serait la grenouille qui se voudrait plus grosse que le bœuf ? Un rapide tour d’horizon de l’Élite 1 et des deux poules qui la composent, nous montre qu’environ la moitié des clubs se situe dans des grandes métropoles (8). Ce qui laisse présager qu’ils pourraient bénéficier du soutien de l’agglomération ou de la région. Rien n’est moins sûr.

Si la couverture médiatique de l’équipe de France est de qualité (via le service public et le truculent Jean Abeilhou) celle du rugby féminin de club est sans doute jugée encore trop faible pour que des deniers publics ou privés viennent leur porter secours. Quant aux équipes qui sont des émanations de clubs professionnels masculins (Montpellier, Stade Français, Stade Toulousain…) elles peuvent compter sur une mutualisation timide des infrastructures avec, notamment, des délocalisations par-ci par-là.

Il faudra donc que nos Bleues continuent de performer. Que cette vitrine rutilante donne envie de rentrer dans le magasin. Afin que les clubs, qui sont les rayons de ce magasin, donnent aux partenaires locaux, aux sponsors, aux politiques et aux médias l’envie de servir ce rugby de club qui alimente notre équipe nationale. Le serpent qui se mord la queue, me direz-vous…

C’est un processus long, qui prend son temps. Des années, parfois même des décennies. Je comprends l’impatience mêlée d’inquiétude des joueuses. Quand on est acteur majeur, on trépigne. Il faudra néanmoins qu’elles acceptent d’être des poseuses de jalons pour les générations futures qui, elles, pourront récolter les fruits de la mutation de leurs sport, initiée par leurs aînées. Et ainsi ne plus être le parent pauvre du rugby français

Souhaitons que le dialogue reprenne entre les différentes parties. Et que cette grève aura été salvatrice pour remettre le club sur de bon rails. En espérant que la prochaine fois que Brandy Cazorla et les Nesnaks défraieront la chronique, ce sera pour leurs résultats sportifs, et non pour un mini Knysna.

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