Andreu : "Aujourd’hui, je vois plus d’ailiers qui font le double de moi"

  • Marc Andreu (Racing 92)
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  • Marc Andreu - Racing 92
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  • Marc Andreu (Racing 92) - 11 février 2017
    Marc Andreu (Racing 92) - 11 février 2017
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TOP 14 - Pour la deuxième saison d’affilée, Marc Andreu doit se contenter d’un maigre temps de jeu au Racing 92. Représentant d’une caste de joueurs en voie d’extinction en Top 14, celle des purs ailiers de poche, l’ancien Castrais (1,70m, 75 kg, 7 sélections) évoque avec lucidité et franchise mais sans amertume l’évolution de son poste.

Vous n’avez disputé qu’un match depuis le début de la saison (contre Oyonnax, 25-13) et seulement cinq depuis janvier 2017. Comment vivez-vous ce faible temps de jeu ?

Marc Andreu : "J’aurais bien-sûr voulu jouer plus mais il y a de très bons joueurs à mon poste au Racing et ce sont les choix des coachs. Il faut donc ronger son frein, bien travailler la semaine et répondre présent le jour où on fait appel à vous (il a marqué 4 essais lors de ses 4 dernières apparitions, ndlr). Quand on fait vingt matchs par saison, on sait qu’on a le droit de moins bien jouer car on aura la possibilité de se rattraper. Moi, je sais que si je me rate la fois où je joue, ma saison est terminée. Je prépare donc chaque match comme le dernier."

La diminution de votre temps de jeu n’est-elle pas liée à l’évolution des standards physiques de l’ailier moderne, qui ont beaucoup changé depuis vos débuts professionnels en 2005…

M.A. : "Le rugby en général a changé mais c’est vrai que quand j’ai commencé, je voyais plus d’ailiers de mon gabarit tandis qu’aujourd’hui, il y en a plus qui font le double de moi. À l’époque, je m’inspirais d’un joueur comme Christophe Dominici, qui me ressemblait physiquement, et aussi de mon coéquipier à Toulon Martin Jagr. On trouvait plus souvent ce type de profil que maintenant. De nos jours, les ailiers qui font 110 kg et moins de 12 secondes au 100 mètres, sans dire que c’est la norme, sont nombreux."

Vous sentez-vous atypique dans le rugby d’aujourd’hui ?

M.A. : "(Il sourit) Non quand même pas, on est encore quelques-uns, à l’image d’Alexis Palisson ou Marvin O’Connor. Même chez les All Blacks, où un garçon comme Nehe Milner-Skudder n’a pas un physique hyper impressionnant mais a une explosivité énorme. Des garçons avec ce profil, on va encore en trouver. Un jeune qui fait 75 kg et qui est vif, il suffira juste d’essayer de développer ses qualités et pas de l’amener à tout prix à 95 kg pour qu’il face de la destruction. Le charme du rugby, c’est justement qu’on peut trouver tous les physiques dans une équipe."

Marc Andreu - Racing 92
Marc Andreu - Racing 92
Nadolo, Raka, Tuisova…ce sont tous d’excellents joueurs de Top 14

Que pensez-vous de l’omniprésence des ailiers fidjiens en Top 14 ?

M.A. : "Leurs performances et leur ratio temps de jeu/essai sont plutôt très bons et c’est ce que les clubs regardent. Nadolo, Raka, Tuisova…ce sont tous d’excellents joueurs de Top 14. Peut-être que dans 5 ans, on aura beaucoup de deuxième ligne fidjiens comme Leone Nakarawa dans notre championnat mais en attendant, les meilleurs sont des ailiers."

N’ont-ils pas contribué à la densification des physiques à l’aile ?

M.A. : "Le Toulousain Kunatani était un ailier à la base et il joue désormais troisième ligne avec un rendement toujours aussi bon. On peut aussi parler de Nadolo, qui joue avec ses qualités. Mais quand il voit un petit ailier en face de lui, peut-être qu’il se dit aussi : 'Mince, il va m’ennuyer lui avec ses petits appuis et je dois faire hyper attention à ne pas le plaquer trop haut pour ne pas prendre un carton jaune.' Après, quand c’est lui qui a le ballon, c’est sûr qu’il vaut mieux le prendre très vite avant qu’il se lance."

N’est-ce pas plus difficile aujourd’hui pour un jeune ailier français de faire son trou en Top 14 ?

M.A. : "Bien-sûr que c’est dur ! Mais c’est aussi une question de travail, de performances, de caractère et d’opportunité. À Toulon, quand j’ai démarré, il y avait plein de grands joueurs à l’aile et quand ils se sont tous pétés, on m’a dit : "Il ne reste plus que toi, vas-y". Si tu as un match pour te montrer et que tu es mauvais, tu peux déchirer ta licence et faire une croix sur le rugby pro. Il faut donc savoir saisir les opportunités car le train part encore plus vite aujourd’hui."

Maintenant, sur les 15 joueurs sur le terrain, il y en a peut-être 10 qui peuvent t’éteindre sur une percussion

Le rugby n’est-il pas aussi devenu plus dangereux pour les petits gabarits ?

M.A. : "Les contacts sont très durs aujourd’hui, cela n’a rien à voir avec ce que je connu quand j’ai commencé. On a évolué vers un rugby de destruction, les joueurs sont là pour se rentrer dedans. Quand j’étais à Toulon, on avait un joueur qui défonçait tout sur son passage, c’était l’Australien Fotu (Fotunuupule Auelua). Quand on voulait faire mal aux gars d’en face, on envoyait Fotu ! Des mecs comme lui, il pouvait y en avoir 2-3 dans une équipe, pas beaucoup plus. Maintenant, sur les 15 joueurs sur le terrain, il y en a peut-être 10 qui peuvent t’éteindre sur une percussion. Il y a eu une évolution de ce jeu, pas forcément négative car il est aussi beaucoup plus structuré, mais il faut être prêt physiquement."

Le caractère est-il une qualité primordiale pour perdurer à l’aile en Top 14 quand on n’a pas un physique hors du commun ?

M.A. : "En ce qui me concerne, je suis mauvais perdant et je pars du principe qu’on ne peut pas être bon le week-end si on ne s’est pas bien entraîné la semaine. On est 1h30 par jour sur le terrain, ce n’est pas insurmontable de rester concentré durant ce temps-là. Ceux qui bossent à l’usine, c’est 8 heures tous les jours. Pour revenir à la question, s’il te manque quelque chose, il faut bien que tu compenses par autre chose. Donc si tu ne fais pas 1,90m, tu dois trouver autre chose, peut-être la hargne. Si tu as la grinta, c’est forcément un plus."

Marc Andreu (Racing 92) - 11 février 2017
Marc Andreu (Racing 92) - 11 février 2017
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