Pro D2 - Le joueur de la semaine : "En Italie, on ne mange pas de pâtes les jours de match", Mathieu Guillomot (Valence-Romans) revient sur son expérience transalpine

Par Loïc Bessière
  • Mathieu Guillomot a connu la dolce vita durant trois ans.
    Mathieu Guillomot a connu la dolce vita durant trois ans. - Icon Sport
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France - Italie est toujours un match particulier pour Mathieu Guillomot. Et pour cause, le centre de Valence-Romans est un des rares joueurs français à avoir évolué de l'autre côté des Alpes. Il revient sur une expérience parfois surprenante mais surtout enrichissante.

Quelle vision avons-nous, en France, du rugby en Italie ? À part, en grossissant les traits, celle de Sergio Parisse, Diego Dominguez et Ange Capuozzo, d'une sélection nationale abonnée à la cuillère de bois dans le Tournoi et de clubs souvent giflés en championnat et en Coupe d'Europe ? Après une saison 2017 à neuf feuilles de match en Pro D2 avec Carcassonne, Mathieu Guillomot a décidé de traverser les Alpes. Un saut dans l'inconnu, forcément. Surtout qu'il n'a pas signé au Benetton Trevise ou au Zebre de Parme. Ni dans un club de l'élite locale. Il a signé en deuxième division, en Serie A, au Rugby Lyons Piacenza. Il passera trois saisons dans le club de Plaisance (2017-2020), en version française, avant de rentrer en France pour un nouveau projet sportif, à Massy (2020-2023) puis à Valence-Romans depuis la dernière inter-saison.

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Il a débarqué dans un championnat de D2 qu'il qualifie "d'hétérogène. Dans certains clubs, c’étaient des amateurs, des étudiants, des pros en reconversion, alors que nous, nous étions quasiment tous pro." Très vite, il a découvert un sport qui ne passionne pas les foules... "Dans n’importe quelle division, les gens préfèrent le foot, lance-t-il. Ceux qui viennent, ce sont les petits vieux, les gens qui sont là depuis longtemps, qui sont attachés à la ville et au club. Mais c’est un peu confidentiel quand même… S’il y avait 500 ou 1 000 personnes c’est le maximum. C’est catastrophique !" Certains clubs actuellement dans l'élite, comme Mogliano ou Venise, ne possèdent même pas un stade de 1 000 places. Alors dans l'antichambre de la D1... Si les fans ne sont pas nombreux, l'ambiance n'en demeure pas moins chaleureuse et les étrangers choyés. "C’est pour ça que je suis resté, l’accueil a été incroyable ! Quand ma famille et des amis sont venus me voir, un repas au club avait été prévu ! On m'avait aussi montré des coins à visiter quand je suis arrivé. Comme le rugby n’est pas très développé, les Italiens sont davantage tournés vers l’humain, vers les valeurs de ce sport pour se différencier du foot", détaille le centre.

Deux matchs avec le Zebre de Parme

Pour Mathieu Guillomot, le niveau augmente chaque année dans les deux premières divisions italiennes. Il avance une règle pour argumenter son propos. Un quota de quatre joueurs étrangers est fixé. Mais, désormais, les Argentins ayant un passeport italien ne rentrent plus dans cette règle. Ils sont donc nombreux à rallier la Botte.

Après deux saisons, le Français et son équipe sont champions de D2 italienne, avec 19 points en finale de celui qui est alors ouvreur. "En première division, là, ce n'était que des clubs professionnels. Les stades, les infrastructures, les salles de muscu, c’était mieux. Cela se rapproche de la Nationale ou de la Pro D2. Il y avait pas mal de mecs qui venaient du Super Rugby, du championnat anglais. Il y avait souvent cinq ou six étrangers à des postes clés, même si quatre sont autorisés sur une feuille de match. Il y avait un effort de fait sur les salaires des étrangers", continue-t-il.

Avec les Lyons de Piacenza, les tigres du VRDR pour Mathieu Guillomot
Avec les Lyons de Piacenza, les tigres du VRDR pour Mathieu Guillomot

Même un étage au-dessus, le rugby n'attire pas vraiment plus de spectateurs. Même les rencontres de la Squaddra Azzura ne sont pas des événements majeurs. "Les matchs sont à Rome mais il n’y a pas de ferveur, lâche le joueur de 30 ans. Le rugby, c’est beaucoup dans le nord. Il y a deux clubs à Rome et après c’est terminé. Le vivier est autour de Trévise. Globalement, les Italiens regardent mais il n’y a pas de ferveur, pas de drapeau dans la rue. On regardait les matchs ensemble mais sans plus."

Des joueurs d’autres équipes en Pro D2 m’ont déjà écrit pour me demander des infos, savoir comment ça se passe et pour savoir si j’ai des contacts

Très peu de Français ont connu, comme Mathieu Guillomot, le championnat italien, ou même un autre championnat étranger. Il n'est pas surpris : "La France, on reste le pays où, dans beaucoup de divisions, tu peux bien t’en sortir financièrement." Il recommande néanmoins de quitter l'hexagone pour l'expérience rugbystique. "J’ai pas mal de coéquipiers qui m’ont questionné, reprend-il. Des joueurs d’autres équipes en Pro D2 m’ont déjà écrit pour me demander des infos, savoir comment ça se passe et pour savoir si j’ai des contacts. Je donne ceux que j’ai, je connais des agents italiens et quelques managers. Si je peux aider à faire cette passerelle… " Car cette expérience a bien failli lui ouvrir une belle porte en URC.

En Italie, chaque club de première division est affilié à une des deux provinces du pays. Son club est rattaché au Zebre de Parme. "Tous les ans, rejoue-t-il, en pré-saison, ils prennent des joueurs de ces clubs pour des tests. Au bout de trois semaines, le coach me dit qu'il me fait signer avec eux." Mais le bail tarde à arriver dans ses mains. Les deux clubs italiens évoluant en URC sont financés par la fédération italienne, qui délivre les contrats. "Même si le manager et le président de Parme étaient d'accord, la fédé n'a pas voulu me signer mon contrat car je prenais potentiellement la place d’un Italien, explique-t-il. Ils trouvaient qu’il y avait trop d’étrangers dans l’équipe. Sauf qu’il n’y avait pas un Italien de prêt à mon poste ! Le Zebre a contourné la règle en me prenant en prêt." Le centre du VRDR joue même deux rencontres amicales avec son nouveau club, contre le Benetton et Grenoble. "Mais avant un déplacement à Cardiff, en championnat, où j’étais pressenti pour jouer, le club m’a annoncé que c’était mort... Quand la fédé a vu ça, ils ont décidé de changer le règlement : seuls les joueurs italiens peuvent désormais être prêtés dans les provinces par les clubs", explique-t-il. Une loi Guillomot a, en quelque sorte, été créée en Italie...

Les mecs mangent des pâtes tout le temps, certains midi et soir quatre jours de suite

Malgré ce couac, il ne regrette absolument pas l'expérience de vie d'être licencié dans un club étranger, après avoir mené la dolce vita trois années en Italie. Et ce, malgré une situation inattendue : "Les mecs mangent des pâtes tout le temps, certains midi et soir quatre jours de suite. Mais le jour du match, tu n’y as pas droit ! En France, c’est pâtes-poulet. Là-bas, avec le poulet, il y avait du riz ou de l’écrasé de pomme de terre. J’ai demandé la raison. Ils ne savaient pas trop pourquoi… Comme ils en mangent tout le temps, ils décidaient de changer les jours de match. Mais moi, je n’en mange que les jours où je joue ! Donc ça m’a contrarié au début", achève-t-il.

S'il joue contre Brive, ce vendredi à 19h30, il l'assure : il mangera bien des pâtes avant la rencontre !

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