Top 14 - Yannick Bru (Bordeaux-Bègles) : "Je me suis entouré de gens compétents, et avec qui j’ai des automatismes"

Par Jérome Prevot
  • Yannick Bru arrive à l'UBB avec énormément d'ambition.
    Yannick Bru arrive à l'UBB avec énormément d'ambition. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Yannick Bru, le nouveau manageur de l'UBB s'est exprimé ce matin pour donner les grandes lignes de la saison à venir. Il a rappelé ces principes de rigueur et de réalisme sans oublier son désir de produire un rugby d'attaque à ses brillants attaquants et au public bordelais.

Yannick Bru a pris la parole pour la première fois en tant que manageur général de l’UBB. Il s’est engagé pour quatre ans en faveur du club girondin, après avoir occupé les mêmes fonctions à Bayonne avant de faire un petit crochet par l’Afrique du Sud. Pendant une heure, il a parlé de son nouveau club, de son staff technique et de ses joueurs et de sa vision du rugby. Il n’ignorait pas que les attentes sont grandes à son sujet, de par les ambitions d’un club qui, a encore atteint les demi-finales du Top 14 la saison passée, malgré quelques remous en interne.

Quel est votre état d’esprit au moment de commencer la préparation de la saison avec l’UBB , votre nouveau club ?

Je suis ravi bien sûr de me retrouver ici et d’avoir été sollicité par Laurent. J’ai suivi la progression de cette équipe depuis une dizaine d’années. Dans mon esprit elle est passée d’une équipe romantique et sympa qui a su remplir le Stade Chaban-Delmas au statut d’un demi-finaliste régulier. Le mérite de toute cette construction revient à Laurent Marti. Je suis motivé à l’idée d’être ici et d’être épaulé par un staff de grande qualité. Car le président m’a aussi permis de travailler dans les meilleures conditions .

Pouvez-vous nous détailler votre staff technique ?

Il sera composé de 26 personnes. On voulait conserver les gens qui souhaitaient rester ici et qui ont participé à l’ascension du club. Nous avons aussi renouvelé les contrats qui s’arrêtaient. Les renouvellements n’ont concerné que les postes occupés par des gens dont le contrat était stoppé.

Il y aura six personnes concernées par le coaching sportif, dont moi-même car je conserverai quelques missions sur le terrain. Je ne me considère pas assez vieux pour rester en costume sur le bord de la touche.

On vous suit...

Le responsable de l'attaque sera l’Irlandais Noël McNamara qui a eu des responsabilités dans la province du Leinster, responsable de l'Académie entre autres. Il fut aussi entraîneur de l’équipe d’Irlande des moins de 20 ans. Je l’ai croisé chez les Sharks en Afrique du Sud l’an passé où il s’occupait de l’attaque depuis deux ans . Mais il voulait revenir en Europe pour des raisons familiales, je suis bien placé pour savoir que cet aspect des choses n’est pas facile en Afrique du Sud.

Il aurait pu trouver un poste dans une province irlandaise mais avec Laurent nous avons su le convaincre.

Christophe Laussucq sera responsable de la défense. Il est de me génération, je le connais bien , je l’ai côtoyé comme joueur et entraîneur en Top 14 et en Pro D2. Je le respecte l’apprécie et j’ai toujours eu des points de vue communs avec lui sur le jeu. Il était déjà là, dans une fonction plus organisationnelle mais il voulait se rapprocher du terrain . Outre la défense, il sera responsable du jeu au pied, des sorties de camp, du jeu de pression l’occupation notamment, chose très important dans le rugby actuel. Mais je l’épaulerai dans certains secteurs.

Lesquels ?

Le jeu au contact, les passages au sol, les rucks ruck défensifs et la zone de plaquage. C’était ma mission à Durban et je voulais continuer.

Quid de l’entraîneur des avants ?

Ce sera Aksventi Giorgadze, dit Globus pour ceux qui ont suivi La Rochelle. Je le connais bien. Quand j’entraînais les avants du Stade Toulousain, je lui ai mis le pied à l’étrier comme entraîneur. Il est très structuré, très travailleur, il s’est occupé des lanceurs au sein du staff du XV de France, dans ses tours de France, il avait su séduire le stade Rochelais. Je l’ai aussi retrouvé à Durban où son travail a achevé de me convaincre sur sa capacité à s’occuper des avants d’un grand club de Top 14.

Par ailleurs, Heini Adams reste responsable des Skills, Jean-Baptiste Poux restera en charge de la mêlée, lui évidemment, je l’ai bien connu à Toulouse, j’ai joué avec lui et je l’ai entraîné. L’UBB est désormais sa deuxième famille

Quid de la préparation physique ?

Le directeur sera Thibaut Giroud, je le connais bien depuis l’époque où il entraînait Glasgow puis les Saracens. Il a pris une autre dimension ces dernières années. Il a montré une hypercompétence sur le travail d’accélération. On a vu tout ce qu’il a amené au XV de France . Il sera aidé par Ludovic Loustau qui a passé quatre ans avec moi à Bayonne et qui est, on peut le dire, un enfant de l’UBB puisqu’il était en poste ici auparavant. Il y aura avec eux Cyril Gomez, un autre ancien de l’UBB mais qui a aussi assisté Thibaut Giroud chez les Bleus et que j’ai aussi côtoyé à Bayonne. …. Nous aurons le concours d’un Data Scientist qui gérera la charge de travail et toutes les données athlétiques en étroite relation avec Thibaut.

Et au niveau médical, y aura-t-il du nouveau ?

Une arrivée : celle de Christophe Foucaud, que j’ai côtoyé à Toulouse, en équipe de France et à Bayonne. Il a de multiples compétences sur la kiné, ostéopathie, il s’intéresse à beaucoup de choses, l’hypnose, les techniques vibratoires. C’est une boule d’énergie , il est hyperpositif et il transmet de la bonne humeur. Mais avec lui, ma relation n’est pas qu’affective.

Avez-vous appelé des joueurs de l’effectif bordelais durant la saison dernière ?

Non, j’avais vécu cette situation quand j’entraînais Bayonne et que j’avais annoncé mon départ. J’avais ressenti de la déperdition d’énergie de certains joueurs avec le staff qui allait venir après moi. Comme je n’aime pas faire aux autres, ce que je n’aime pas qu’on me fasse, je me suis abstenu de tout contact en accord avec Laurent. Il y a eu une exception : j’ai parlé à Caleb Timu pour une éventuelle place de joker Coup du monde car il fallait qu’il se positionne. (NDLR : le joueur a finalement choisi d’aller à Clermont). Mais quand le clap de fin de la saison 2022-23 a résonné, je me suis entraîné avec certains joueurs, par groupes, et individuellement avec certains leaders, avec les internationaux aussi.

Parmi les recrues, le gros coup de l’UBB fut la venue de Damian Penaud. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Il a fallu lutter pour le convaincre et Laurent Marti a fait un boulot incroyable. . Nous sommes passés par beaucoup de sentiments. Nous n’étions pas favoris au départ, il a fallu rattraper ceux qui étaient devant nous et réussir un « cassé » pour gagner le sprint. À 27 ans, il est dans la plénitude de sa carrière.

Que pouvez-vous nous dire sur le pilier sud-africain Carlu Sadie ?

C’est un spécialiste de la mêlée fermée. Et nous avions des besoins à ce niveau. Mais il aura évidemment d’autres missions, en 2023, on ne peut pas se limiter à une seule tâche.

Et sur Alexandre Ricard, qui vient de Colomiers en Pro D2 ?

C’est un leader de touche, il a une grosse capacité de déplacement. Il est ingénieur dans le civil, nous avons estimé qu’il y avait là un super potentiel à développer. Il sera épaulé par Adam Coleman, international australien, il s’agit là d’un recrutement d’opportunité car Jandre Marais est blessé, au niveau des ligaments croisés, et on ne pourra pas compter sur lui avant six à huit mois. Nous estimons aussi que Cyril Cazeaux est susceptible d’être appelé par le XV de France. Il fallait donc se couvrir à ce poste.

On a appris l’arrivée d’un joker Coupe du Monde en troisième ligne...

Oui, Raphaël Lakafia. Il a terminé son aventure à Toulon peut-être pas de la manière dont il le souhaitait . Nous l’avons fait venir pour couvrir trois absences potentielles liées à la Coupe du Monde, Guido Petti, Peter Samu, autre recrue, et Tevita Tatafu.

D’autres jokers Coupe du Monde ?

Oui, Arthur Duhau, un ancien Bayonnais de 25 ans qui peut jouer arrière ou ailier. C’est mon staff qui l’avait lancé chez les professionnels. J’ai confiance en lui dans ce rôle de joker car nous serons aussi pas mal ponctionnés par la Coupe du Monde au niveau de nos lignes arrières : sans doute, Maxime Lucu, Matthieu Jalibert, Damian Penaud, Yoram Moeafana.

Dans ce rôle de jokers Coupe du Monde, il y aura aussi Jean-Batiste Dubié et Vadim Cobilas qui étaient déjà là. C’est un sujet très important, puisqu’en tout, il y aura peut-être onze Bordelais à la Coupe du monde.

Que pouvez-vous nous dire sur Ben Tapuai, centre australien déjà âgé de 34 ans ?

Je l’ai côtoyé chez les Sharks. Il a gagné le Super Rugby, il a joué pour les Wallabies et pour les Harlequins. C’est un très bon professionnel. Il avait envie de découvrir le Top 14. Nous avons estimé que nous avions besoin de leadership dans notre ligne de trois quarts qui est très jeune. C’est un spécialiste du poste de premier centre, il pourra assister nos ouvreurs.

Pouvez-vous nous parler de l’état de forme de Tevita Tatafu qui n’est pas, a priori, dans la liste des sélectionnés japonais pour la Coupe du Monde ?

Il va très bien, il est en pleine forme. S’il ne figure pas sur la liste des Japonais pour la Coupe du Monde, c’est probablement un choix sportif ou la conséquence d’une frustration puisqu’il a quitté le pays. Je peux vous assurer qu’il est prêt à nous apporter beaucoup de puissance, si sa non-sélection était confirmée, ce serait une excellente nouvelle pour nous.

Nous avons l’impression que vous vous êtes entourés de beaucoup de gens que vous connaissiez déjà….

Je sais que l’urgence est de mise en Top 14. Je me suis entouré de gens compétents, et avec qui j’ai des automatismes. Nous avons cinq semaines de préparation , trois semaines de remise en route du corps, deux semaines avec des matchs amicaux et, tout de suite, trois journées de Top 14 importantissimes. Souvenez-vous, la qualification pour le Top 6 s’est jouée à un point. Il faudra être prêts très vite. Et il est vrai que j’ai voulu m’entourer de gens avec qui j’allais gagner du temps.

Quel sera le style de l’UBB de Yannick Bru ?

Je ne vais pas porter un jugement sur ce qui a été fait ici dans le passé, mais les résultats étaient bons incontestablement. Mais je suis un produit de l’éducation toulousaine, c’est mon ADN, à Bayonne j’ai essayé de garder le ballon en mouvement, ce qui nous a coûté quelques défaites d’ailleurs. Mais à l’image de son public, de sa direction, de son management et de l’émotion véhiculée à Chaban, je pense que l’UBB doit être une équipe imprévisible et résolument offensive. Mais il faudra respecter les incontournables de 2023 , la discipline, la domination du territoire, la conquête. Je ne suis pas un rêveur .

Comment allez-vous fonctionner avec un préparateur physique, Thibaut Giroud, qui ne sera pas là ?

Thibaut sera en liaison permanente avec nous. Il a planifié le programme des cinq premières semaines. Auprès des joueurs, seront présents, Manu Espiasse, Cyril Gomez et Ludovic Loustau, plus le préparateur physique des espoirs et même celui de l’équipe de rugby à sept qui viendront nous prêter main-forte. Tout a été anticipé.

Comment s’est passée votre première entrevue avec Laurent Marti ?

J'étais parti pour me ressourcer et apprendre de nouveaux trucs. Ça m'a fait beaucoup de bien. Il me présentait l’UBB sous son meilleur jour et moi j’avais envie de le convaincre que c’était moi qu’il fallait pendre . Dans mon développement personnel, il me manquait d’être entraîneur numéro un d’un club qui vise le titre et l’UBB coche pas mal de cases, au niveau du club et de la ville. En fait, je n’espérais qu’une chose que l’UBB me contacterait.

Que vous a-t-il demandé ?

Il m’a dit de faire un petit audit sur l’UBB, je lui ai dit sincèrement ce qu’on pouvait améliorer : des choses qui resteront entre nous. On s’est retrouvé sur cette vision. Je pense que je resterai moi-même, quelqu’un assez organisé et rigoureux.

Je vais vous dire une chose, j’ai joué à Toulouse et chaque fois que nous avons gagné des titres, nous nous sommes appuyés sur un cinq de devant performant, qui faisait le boulot. Pour moi la dernière finale du Top 14, fut l’exception qui confirme la règle, c’était la première fois que Toulouse était dominé dans ce secteur sur une finale. Je peux vous dire qu’il y avait l’expression « jeu de mains jeu de Toulousains » pour le marketing, mais Guy Novès ne nous préparait pas à ça. Ceci dit, les moments de créativité ne surgissent pas comme ça d’une inspiration divine. On réussit ce genre de choses, parce que des joueurs y croient , ont travaillé des choses, ont développé certaines complicités.

Je voudrais aussi que nous soyons une équipe bien préparée physiquement, redoutable mentalement sur l’esprit de compétition ; J'ai découvert en Afrique du Sud qu’on pouvait être très cool, même le week-end et se transformer en guerrier.

Je vous rassure, j’espère garder une touche de créativité et d’inspiration, elle a guidé notre recrutement avec Ben Tapuai par exemple. Il suffit de voir notre ligne de trois quarts, Matthieu Jalibert, Bielle-Biarrey, De Poortère on est obligé de proposer un jeu en adéquation avec tous ces talents .

Y aura-t-il une différence d’ambition entre la Coupe d’Europe et le championnat ?

Évidemment, à mon avis pour ancrer le projet de l’UBB,il faudrait aller chercher un trophée national. Ça me paraît très important. Mais je sais que la Coupe d’Europe est importante, tout est lié, nous ne négligerons rien. La Coupe d’Europe peut impulser une dynamique positive dans son effectif, à l’inverse, c’est une compétition à manipuler avec précaution.

Nous allons nous jeter à fond dans les deux épreuves, mais personnellement, dans la relation que j’ai du club, j’aimerais qu’on soit... très compétitifs sur le territoire national.

Qu’avez vous appris dans vos expériences précédentes que vous allez amener à l’UBB ?

Dans tous les métiers, on est le produit de ce qu’on a vécu. À Bayonne, je sortais d’une expérience de cinq ans avec Toulouse puis cinq ans avec le XV de France. J’étais très axé sur la performance, j’avais de choses à apprendre sur l’humain, j’ai appris à être moins glacial avec les joueurs, une certaine capacité à être au soutien des joueurs à plus partager. À Bayonne, j’ai beaucoup appris, dans mon développement personnel j’ai beaucoup appris. J’ai appris de Guy Novès de Patrice Lagisquet. Aux Sharks aussi, j’ai vu des choses, j’ai vu travaillé avec Nick Powell, un monstre de rigueur . Le Yannick Bru qui sera à l’UBB, sera la synthèse tout ça.

Que pensez-vous de l’évolution du jeu ?

Incontestablement, la dépossession, le kicking game, le territoire ont été très dominants depuis quelques années. Je suis allé en Afrique du Sud pour comprendre leur approche et j’en ai beaucoup entendu parler. Mais je pense que les règles vont évoluer. World rugby en a assez du ping-pong avec des avants qui attendent sur le parking, ça commence à lasser un peu tout le monde. Ça va changer, le ruck sera un peu réformé pour que l’attaque soit en plus en sécurité. Si on tape, c’est qu’on considère que chaque ruck pour soi est une menace.

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Les commentaires (1)
PhareOuest Il y a 10 mois Le 04/07/2023 à 23:38

Il est parti fâché de Toulouse, fâché de Bayonne, il partira fâché de Bordeaux