Finale Top 14 - Joel Sclavi, de l'Argentine à La Rochelle par un itinéraire bis

Par Loïc Bessière
  • Joel Sclavi termine très fort la saison
    Joel Sclavi termine très fort la saison Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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À l'image du pilier Joel Sclavi, le banc rochelais est décisif en cette fin de saison. Son succès actuel est une véritable récompense pour l'Argentin dont le parcours est loin d'être linéaire et qui s'est réfugié dans le travail pour gagner deux Champions Cup. En attendant un Bouclier de Brennus ?

"C’est le Leo Messi de La Rochelle !" Le compliment vient de la bouche de Uini Atonio. Le droitier de La Rochelle ne fait référence ni à un numéro 10, ni à un coéquipier à l'aise avec sa patte gauche, ni un joueur de petite taille. Le joueur recherché est Joel Sclavi. Si les origines argentines ont dû jouer dans cette comparaison, le point d'accroche est bien le nombre d'essais marqué par le pilier. En février, il a inscrit trois essais en trois matchs ! Il en est à six cette saison. Des performances loin de ses débuts difficiles avec le Stade Rochelais, comme le reconnaissait le principal intéressé en avril 2022 : "J’étais en retard partout. En défense, il y a beaucoup de choses que je ne comprenais pas ou que je faisais mal." Désormais davantage à l'aise, il multiplie des performances inimaginables quand il a démarré le rugby, à 15 ans.

Joel Sclavi est né dans un foyer modeste de Mar del Plata, en Argentine, le 25 juin 1994. À quinze ans, son professeur de math de la Escuela n°61, dans sa ville natale, va lui changer la vie. Pour l'enseignant, l'équation est simple : avec son gabarit imposant, le jeune Joel doit jouer au rugby. Il l'amène donc à l'entraînement des jeunes du Club Pueyrredón. Problème : l'équipe est punie après s'être battu le week-end précédent. Les ballons restent dans le sac, cela sera physique à l'entraînement. De quoi dégoûter le Rochelais. Il s'accrochera finalement et reviendra. En 2015, à 21 ans, il traverse l'Atlantique pour devenir professionnel en Espagne, au sein du club de Gernika. C'est là qu'il se fait repérer par hasard par Andrés Bordoy. "Serge Milhas m’avait demandé des conseils sur un centre argentin de Gernika qu’il voulait recruter car il entraînait Saint-Jean-de-Luz, explique celui qui était alors entraîneur de la mêlée à Pau. Je demande des renseignements à un ami. Il me dit qu’un jeune pilier est en forme." Joel Sclavi envoie alors un CV, puis franchit la frontière pour un essai. "Il est venu un mercredi soir. L’essai a été vite concluant. Il était encore assez jeune pour rentrer au centre de formation, c’était bien pour nous car il ne prenait pas une place dans l’effectif pro mais il pouvait quand même jouer en première", poursuit l'ancien talonneur. Le pilier droit quitte donc l'Espagne après une seule saison.

Joel Sclavi et Paul Boudehent après le trophée de la Champions Cup
Joel Sclavi et Paul Boudehent après le trophée de la Champions Cup Icon Sport - Icon Sport

Il restera aussi une seule année à Pau, au cours de laquelle il jouera deux rencontres de Top 14 et deux de Challenge. L'adaptation n'a pas été simple selon Andrés Bordoy : "Le niveau entre Gernika et le Top 14 était trop important. Quand Joel est arrivé, il y avait beaucoup de stars à Pau : Conrad Smith, Colin Slade, Steffon Armitage… Il n’a pas terminé son premier entraînement car il n’était pas habitué à ce qu’il y ait autant de rythme." Si le Rochelais a "beaucoup progressé", il n'a pas encore le niveau pour être conservé : "Il aurait fallu lui faire signer un contrat professionnel la saison suivante et il aurait pris la place d’un Jiff sur la feuille de match."

Le Pro D2 pour s'aguerrir

Dans le même temps, la situation de Joel Sclavi arrive jusqu'aux oreilles de Julien Laïrle, alors entraîneur des avants de Soyaux-Angoulême, via un de ses amis qui lui parlait souvent d'un jeune pilier droit argentin. Séduit après l'avoir observé, le deal est conclu. "On a passé un accord avec le SAXV pour qu’il aille là-bas avec une possibilité pour Pau de le récupérer. Joel, il ne lui manquait que de jouer. La Pro D2, c’est une très bonne école pour les jeunes premières et deuxièmes lignes", rejoue Andrés Bordoy. En Charente, le futur entraîneur des avants de l'ASM découvre un joueur avec "des qualités d’explosivité comme porteur de balle. Il était aussi capable de plaquer très dur, très fort et très bas. Il se déplaçait beaucoup sur le terrain, comme un talonneur, alors qu’il jouait à droite. Il avait le profil du pilier moderne." Malgré un gabarit impressionnant (1m90 et 135kg aujourd'hui), son défaut se situe alors au niveau de la mêlée fermée. "Il était en difficulté pour se placer. C’était une problématique de technique. La Pro D2 lui a apporté de l’expérience dans ce domaine avec de nombreuses mêlées trichées", révèle Julien Laïrle.

Joel Sclavi lors de son époque angoumoisine
Joel Sclavi lors de son époque angoumoisine Icon Sport - Icon Sport

En deux saisons, le pilier argentin devient incontournable sous le maillot violet et dispute 39 rencontres. Courtisé à l'étage du dessus, le choix de Joel Sclavi se tourne vers Agen, comme joker Coupe du monde. Blessé à l'épaule, il ne dispute aucune rencontre avec le SUA. Il retourne au pays, début 2020, dans la franchise des Jaguares. Sous la houlette de... Andrés Bordoy, coach des avants, le natif de Mar del Plata progresse encore en mêlée fermée. "J’ai souvenir d’un match contre les Stormers où on était en difficulté en mêlée. Joel est rentré et il a réglé le problème alors qu’en face c’était presque la première ligne des Springboks", reprend l'ancien joueur de Brive. Le Covid-19 passe par là, feu les Jaguares sortent du Super Rugby, les joueurs n'ont plus de contrat. Andrés Bordoy appelle alors Romain Carmignani. Les deux hommes sont amis depuis leurs années communes comme joueur à La Rochelle. "Joel, je l'avais vu quand j'étais allé en stage au Jaguares en 2019. Il voulait venir en Europe, donc on l'a accueilli au club", raconte l'entraîneur des avants du club à la caravelle. 

Alternance gauche droite

Joel Sclavi fait ses débuts en Jaune et Noir en janvier 2022, huit mois après son dernier match. En grande difficulté, il concède neuf pénalités en quatre rencontres ! Il travaille et passe dans la hiérarchie des droitiers devant Guram Papidze et Ramiro Herrera. L'arrivée de Geroge-Herni Colombe-Reazel et la blessure de Thierry Païva obligent l'Argentin à passer à gauche de la première ligne. Avec succès, en témoignent ses essais et ses performances abouties, comme contre Exeter en quart de finale de Champions Cup. Cette polyvalence, Andrés Bordoy, entraîneur des avants des Pumas s'en réjouit en vue de la liste pour le Mondial. Après des débuts manqués en sélection en 2020 (épaule) puis en 2021 (cervicales), il connaît ses neuf premières capes en 2022. Il est notamment titulaire lors de la victoire historique des Argentins en Nouvelle-Zélande. "Il plaque, il met des essais, il joue à droite, à gauche, il pourrait même être au talon... Je suis un peu jaloux", en rigole Uini Atonio. Le pilier droit n'est pas le seul à charrier Joel Sclavi à en croire Romain Carmignani : "On plaisante souvent avec lui. Si tu lui dis de jouer numéro 9 ou 10, il serait super content juste d'être sur la pelouse." 

Joel Sclavi (à gauche) et les Argentins après la victoire historique en Nouvelle-Zélande
Joel Sclavi (à gauche) et les Argentins après la victoire historique en Nouvelle-Zélande Dave Lintott / Icon Sport - Dave Lintott / Icon Sport

Ces taquineries témoignent de la bonne intégration de l'ancien palois dans le vestiaire de La Rochelle. Comme dans les autres, d'ailleurs. Julien Laïrle le confirme : "Sur le très haut niveau, c’est important d’avoir quelqu’un de positif, souriant et calme dans la vie de tous les jours et qui devient différent sur le terrain où il aime dominer, gagner. Il a faim de réussite." Andrés Borody ne dira pas le contraire : "Il est toujours avec son maté. Il le partage avec tout le monde en club, où il diffuse sa culture argentine, et encore plus avec ses compatriotes en sélection." Le thé, oui, mais surtout les barbecues argentins, les asados. "Si un première ligne argentin n’est pas capable de faire un asado, il s’est trompé de poste, lâche l'entraîneur des avants des Pumas. C’est la culture en Argentine, les asadores sont toujours les premières lignes en sélection comme au Jaguares." Pour les asados aussi, Joel Sclavi est le "Messi de La Rochelle".

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Les commentaires (1)
CasimirLeYeti Il y a 10 mois Le 17/06/2023 à 17:02

On lui souhaite le meilleur et surtout, on veut goûter aux asados...