La parole est-elle libre chez les Bleus ?

Par Rugbyrama
  • Bernard LAPORTE
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Publié le Mis à jour
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Après avoir menacé d'exclure les éléments du groupe France qui parleraient trop, Bernard Laporte a rectifié dimanche soir, sur le plateau de Stade 2, en parlant d'une " solidarité importante ". "  Je n’ai pas interdit aux gens de parler. " Pourtant, chez les joueurs, la sortie a bien été entendue comme une menace.

Dans son intervention devant les joueurs vendredi dernier, en visio-conférence, le président de la FFR Bernard Laporte affirmait, en réponse aux tensions autour de la situation sanitaire du XV de France, que "Fabien (Galthié) sera là en 2023. Vous, je ne sais pas." Dans son viseur, l'entourage du sélectionneur, qu'ils soient dirigeants, membres du staff ou joueurs, que Laporte soupçonne de faire fuiter dans la presse les tensions internes aux Bleus face à la multiplication des cas de Covid-19 à Marcoussis et la communication mise en place pour en justifier.

Des menaces à peine voilées auxquelles le président de la Fédération a apporté des précisions, dimanche soir sur le plateau de Stade 2. "J’ai dit que je ne voulais pas qu’on colporte des rumeurs, c’est tout, a expliqué l’ancien sélectionneur du XV de France dimanche sur France 3. Je n’ai pas interdit aux gens de parler. J’ai dit: attendez, il y a des gens qui colportent des rumeurs. Parce que vous avez lu ça, vous colportez. Ne colportez pas de rumeurs. Le jour où des gens colportent des rumeurs, et si en plus elles sont fausses, ce sera de mon domaine à moi de dire: "s’il n’y a pas de solidarité, tu n’as rien à faire avec nous." Chacun a le droit de parler, mais colporter des rumeurs, quand on ne sait pas, ce serait manquer de solidarité. La solidarité, elle est importante, et je ferai en sorte qu’elle existe."

Le précédent Morgan Parra, écarté pour avoir trop parler

L'exercice d'équilibriste, sur un fil, n'a pas forcément convaincu. A commencer par les joueurs, qui n'ont pas hésiter à confier leurs craintes sur la situation, de retour dans leurs clubs. "Ils ont bien entendu le message et ne l'ont pas très bien pris. Je veux bien que ce soit un message de solidarité mais eux, ils ont surtout entendu une menace" confie un manager de Top 14.

Sur ce sujet d'un groupe sous tension et d'une défiance croissante à Marcoussis, tout le monde exige l'anonymat pour s'épancher. Car il y a 2023 au bout de la ligne, que tout le monde veut en être et ne surtout pas risquer sa place pour des questions extra-sportives. Les craintes se nourrissent aussi d'un précédent : celui de Morgan Parra.

En février 2019, au soir d'une rouste mémorable à Twickenham où les Bleus avaient franchement sombré face à l'Angleterre (défaite 44-8), le demi de mêlée clermontois, considéré comme un cadre du groupe, prenait ses responsabilités et, en conférence de presse, remettait en cause les méthodes de travail à Marcoussis. "On ne travaille pas assez à l'entraînement les choses du haut niveau. C'est un constat. Les Anglais sont sûrs de leur stratégie, de ce qu'ils veulent faire. On est capable de le faire aussi. Est-ce qu'on le travaille ? Non." Des propos qui avaient fait grincer dans l’aréopage fédéral.

Au soir du match, Morgan Parra était reçu par le sélectionneur Jacques Brunel, dans l'intimité de l'hôtel des Bleus, pour une explication de texte. Deux jours plus tard, c'est Bernard Laporte qui convoquait le Clermontois pour un entretien réputé tendu. Ses critiques lui avaient été clairement reprochées. Parra avait répondu en affirmant sa liberté de parole. Cela restera sa dernière apparition en Bleu.

Le match suivant, face à l'Angleterre, il disparaissait du groupe France. " C’est un choix sportif, ça n’a rien à voir avec ce qui s’est dit après le match contre l’Angleterre. Je n’ai aucun doute sur le fait que des propos sont déformés ou décontextualisés" promettait alors Brunel. Il ne rappellera pourtant plus jamais celui qui, quelques mois plus tôt, était pourtant qualifié par ses soins de "joueur important, central de l'équipe." Un "destin" que veulent s'épargner tous les joueurs actuels, en s'évitant des prises de parole publiques sur le fond de leur pensée.

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