Nyanga : "Ce jour là, j'ai réalisé à quel point le XV de France était grand"

"Chez moi, tout est dicté par les émotions " : voilà comment se raconte Yannick Nyanga. Voilà le biais par lequel il faut chercher à le comprendre. Cela va au-delà de la jolie phrase : derrière cette confidence, il y a une grande histoire, celle de sa carrière internationale. Incontournable en U19 puis en U20, le minot du RO Agde, révélé à Beziers, est devenu joueur du XV de France le 3 juillet 2004 contre les Etats-Unis. Carte d'international numéro 954 et un destin a priori tout tracé.

En réalité, il aura deux vies avec le XV de France. La première s'est dessinée entre son baptême contre les Etats-Unis et le match de la troisième place du Mondial 2007, le 19 octobre contre l'Argentine (10-34). 25 sélections, c'est déjà fort. Yannick Nyanga en avait-il pris conscience ? "En équipe de France, tout est allé très vite, je ne me rendais pas compte de ce qui se passait, raconte-t-il en cet automne 2017. Et puis quand je fais quelque chose, je n'ai jamais l'impression que c'est énorme. En revanche, quand je suis spectateur, j'ai tendance à réaliser la portée des choses. J'ai toujours ce sentiment que les autres vivent des plus grands moments que moi."

Je me suis retrouvé à regarder les matches à la télévision...

Et ce jour où il ne sera qu'un spectateur, finira par arriver. Novembre 2008, pour la première fois depuis ses débuts en équipe de France, hors blessure, Nyanga n'est pas convoqué. "Je me suis retrouvé à regarder les matches à la télévision. La tournée se termine alors contre l'Australie et Fred Michalak avait organisé un repas chez lui avec projection du match. Dans la journée, nous sommes sortis pour faire quelques courses et j'ai ressenti une effervescence autour du XV de France. Les gens parlaient du match. 'Tu vas le regarder ? Où le regarderas-tu ?' Tu vois les potes qui mettent le maillot. Je me suis vraiment rendu compte de ce que représentait le fait d'être en équipe de France. C'est quand tu en es privé que tu te rends compte de la saveur des choses. Cette journée, ce fut un facteur de ma motivation à revenir. Au fond de moi, je savais que le XV de France c'était grand, mais ce jour là, j'ai vraiment réalisé à quel point…"

Quatre ans à se battre pour son rêve. Et puis une récompense : il est rappelé à l'automne 2012 et aligné le 10 novembre contre l'Australie (victoire 33-6). 1849 jours après sa dernière sélection.

Symbole de l'opposition foot/rugby... contre son gré

La France du rugby le découvre alors sous un autre visage, en le voyant ému aux larmes durant les hymnes. Il racontera après coup : "Reporter ce maillot, je le voulais très fort. J’avais aussi très envie de rejouer avec Dimitri Szarzewski et Fred Michalak, des gens que j’aime beaucoup." Mais refusera d'apparaître comme un exemple, et qui n’acceptera surtout pas les comparaisons avec d’autres sportifs.

"C'est nul de diviser, de comparer, tranchera t-il, avant de développer. Il a été opposé football et valeurs du rugby. J'ai trouvé ça nul. Je ne suis pas naïf, il y a du négatif dans le football mais je crois que c'est inhérent aux sommes d'argent en jeu. Mettez les mêmes montants au rugby, vous retrouverez les mêmes problèmes. Pourquoi opposer ? Le rugby aura quelque chose de spécial parce que c'est un sport de contact, parce que ce sport est voué à moins d'individualisme. Messi, même une équipe moyenne, il va la sublimer. Au rugby, tu n'auras jamais de Messi, Ronaldo ou Neymar. C'est impossible, tu dépends trop de tes coéquipiers."

Dans ce XV de France, son influence sera tout de même perceptible. Après les larmes, le bonheur : le retour de Yannick Nyanga coïncidera avec la première tournée d'automne sans défaite pour les Bleus depuis sept ans. Et pour lui suivront 21 capes supplémentaires pour arriver à 46. C'est probablement un total pour l'histoire mais s'il n'a plus été appelé depuis le quart de finale de Coupe du Monde 2015, Yannick Nyanga est trop humble pour annoncer une retraite internationale. Il sait trop ce que représente le XV de France.Encore plus après cette parenthèse de 1849 jours. Il sourit : "Ensuite, je n'ai plus trop échangé mes maillots."