La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Retrouvez "les pas perdus d'un coach", la chronique d'Henry Broncan, l'entraîneur du SU Agen.

Vendredi 8 juin :

Le texto de l'ami "les gens qui ont souffert et lentement pansé leurs blessures n'aiment pas le mot bonheur, le trouvent niais ou douloureux, condamné à jamais par un passé trop lourd de peines". Philippe Delerm

A mon tour, je l'adresse à tous mes amis qui ont souffert ou plutôt à leurs entourages qui ne comprennent pas toujours l'incapacité de certains à apprécier les jours heureux. Pourtant, aujourd'hui, je reçois deux coups de fil qui me causent beaucoup de joie. Ils proviennent de deux espoirs du FCAG, donc deux champions de France, excusez moi de remettre encore en avant ce titre qui m'a davantage ému que celui de l'équipe I. Le premier est adressé par un "black" venu de St Denis, du 93 donc, recommandé par un éducateur dont je savais la rigueur. Beaucoup de mal pour passer des tours aux coteaux, du mal aussi pour être accepté par une partie de la population : un matin, il m'appelle : "Henry, j'ai eu un accident de voiture, cette nuit, peux-tu m'aider à aller retrouver le véhicule..." Il poursuit : fête dans un bar de la haute-ville, retour par un chemin de traverse pour éviter les "flics" postés sur l'itinéraire habituel, final dans un fossé, débout mais groggy, arrivée d'une voiture auscitaine, peur de la blessure grave ? Peur de la grande silhouette noire ? Appel des gendarmes, alcooltest positif, etc. etc. Un blanc n'aurait-il pas été secouru différemment ?

Un hiver à traverser la ville, chaque petit matin, sur la mobylette, pour rejoindre un garage ou HK faisait son apprentissage de mécanique générale et non pas celui qu'il espérait, c'est-à-dire de rugbyman professionnel : vidanges et lavages, lavages et vidanges...

2006-2007 : 3ème saison à Auch, 2ème chez les Espoirs ; il devient un expert en touches, obtient parfois le capitanat de l'équipe, accompagne à deux reprises la 1ère en tant que n°23 sans figurer cependant sur la feuille de match.

Ce matin il m'appelle pour prendre de mes nouvelles car il a appris mes quelques (petits) ennuis de santé et surtout pour me remercier de ce que je lui ai apporté. Il y tient même s'il n'est jamais "entré dans mes plans". Travail à Orthez, fiancée à Mont-de-Marsan, il sera un très bon de Fédérale I en 2007-2008.

L'autre coup de fil vient d'un de mes trois piliers basques - le moins connu et le plus jeune - avec lui je n'ai pas dû échanger 3 phrases en deux saison : une en Reichels, la seconde en Espoirs ! Un vrai, taciturne, pilier droit, droit dans la vie, bon étudiant au lycée de Beaulieu - sur ma recommandation - sollicité actuellement par de nombreux clubs de Fédérale I dont celui de Mielan Mirande cher à mon ami, le Présidant AL. Ce gars-là qui n'a donc jamais décroché la mâchoire - avec moi - me remercie aussi pour ce que j'ai fait pour lui ! Et lui non plus n'a jamais eu sa chance en Equipe I, même en amical !

A l'opposé de ces joies, parvient la suspension officielle - j'avais obtenu auparavant quelques confidentialités que j'avais tues - de ma vedette fidjienne. Mes joueurs d'Auch savent très bien quelle est ma position dans le domaine du dopage ; je leur en ai souvent parlé et je les ai, lourdement, souvent violemment, menacé : "plus de place dans l'équipe, plus de contrat, aucune défense, aucune excuse..." Je n'en suis que plus à l'aise pour défendre mon engagement auprès de "Caucau". Les dix jours de mai au chevet du SUA m'ont permis d'apprécier la distance qui me sépare de qui celui qui fut (!) un des meilleurs ailiers du monde : un retard d'une demi-heure à l'entraînement d'un lundi matin - et le pauvre Franck qui s'était fait renvoyer chez lui pour 5' ! - et une attitude pour le moins nonchalante, lors d'un exercice de jeu au pied, avaient fait monter en moi une colère que je n'avais pas laissée éclater pour les besoins du club. J'ajoute la blessure de JM, l'ouvreur, sur un exercice anodin.

J'avais essayé en vain de le motiver en lui adressant - en anglais - la traduction ne fût pas de mon fait - la lettre suivante : "je t'écris pour mieux me faire comprendre. Je veux que tu saches que si j'ai décidé de venir entraîner le SUA, c'est pour entraîner des joueurs comme toi. Tu fais partie des meilleurs joueurs que je connaisse et je voulais savoir ce que donnerait le fruit de notre travail commun. Moi aussi, comme toi, j'ai quitté mon pays et mes amis pour venir dans ce club (certes, j'ai fait moins de chemin que toi !). Sache que je suis très attaché à ma terre, à mon pays et aux gens qui y vivent, que cela m'a été difficile de partir. Aujourd'hui, comme toi, je suis ici. J'ai envie de beaucoup travailler, de donner tout ce que je pourrai donner pour gagner. Cela par respect pour les gens d'ici qui aiment leur terre comme j'aime la mienne, parce qu'ici, le rugby est l'emblème de la terre. Ces gens nous font confiance, à nous joueurs et entraîneurs, pour les représenter. Tu es sans doute leur chouchou. Alors, aide-moi à ne pas les décevoir. Samedi, j'attends de toi un TRES grand match" - des mots très simples mais qui n'avaient pu atteindre, vous le savez, leur objectif : Caucau, hors de forme, ne put tenir qu'une demi-heure à un niveau correct. Grâce aux conseils de Michel Serres, je vais essayer de faire mieux la saison prochaine. En attendant, je le soutiens dans l'affaire qui le dévalorise actuellement, infamie qui provoque les risées désobligeantes de ceux qui étaient les premiers à l'adorer quand il était à son zénith. Caucau n'a pas les mêmes repères que les nôtres, nous - joueurs, entraîneurs, dirigeants - devons l'aider et lui rendre le niveau des années passées ! Du moins, allons-nous tenter l'impossible (?).

Samedi 9 juin :

C'est Paris qui nous accueille, par l'intermédiaire de mon ami, OA, le directeur général du club de Bobigny. Il est passionné de rugby et... de ventes aux enchères ; avec son amie, secrétaire de l'Association des Amis du Louvre, il me conduit à l'hôtel Drouot : un monde insolite - pour moi - où j'avoue mon désarroi causé par mes tonnes d'ignorance, par exemple, devant la valeur des tableaux de peinture exposés. Mon compagnon, lui, se "ballade", m'explique : passionnant quand même ! Même pour un ignare !

Vers 18 heures, apéritif d'avant finale avec les partenaires de ce club que je voyais rétrogradé en Fédérale II, au début du printemps et qui a fait un tel final qu'il s'est, non seulement sauvé, mais qui va disputer, au Creusot, dimanche prochain, la finale des play down de Fédérale I ! David Aucagne, Eric Melville et Louisou Armary sont les autres invités. Le premier rejoint Pau et sera donc adversaire d'Agen prochainement ; il prépare une reconversion en tant que directeur du Centre de Formation : des jeunes rugbymen seront entre de bonnes mains - et de bons pieds - bientôt ! Eric a quitté l'Afrique du Sud, vous vous en souvenez, pour faire la grandeur de Toulon - d'Hagetmau d'abord ! - Il est monté à Paris car il est contacté par un très bon club de la banlieue mais il ne veut pas déraciner sa famille qui est bien sur la Méditerranée - un sage ! - Encore plus sage, Louisou, heureux dans sa montagne des hauteurs de Lourdes, éducateur des benjamins d'Argelès-Gazost... Je suis fier du rugby quand je rencontre de tels personnages car ils lui rendent ce qu'il leur a donné.

Au repas, ce coquin d'Olivier a placé, à ma gauche, le président départemental de MEDEF, solide ancien, direct et un peu fort en gueule et, à ma droite, le directeur de cabinet du président du Conseil Général de Seine Saint Denis, communiste bien sûr et jeune loup, expert en joutes oratoires.

Après des débuts dans une ignorance de bon ton, je réussis - taquinerie après taquinerie - à les pousser au dialogue : un jeu amusant (même pour eux), à fleurets mouchetés d'abord, à armes plus piquantes rapidement mais avec un final plus que réjouissant : les deux tombent d'accord sur la nécessité de transformer l'image du 93 dans la conscience nationale et ce, en communiquant, à travers le sport, en particulier leurs champions d'athlétisme du club de Montreuil, leurs handballeurs et leurs rugbymen, etc.

L'un des deux m'explique que, d'après lui, l'agression du juge de Metz a été considérée comme un fait divers par l'hexagone ; s'il s'était agi d'un juge du tribunal de Bobigny, que n'aurait-on pas raconté sur la violence dans le 9 cube ! Les deux sont nés ici, ont vécu toute leur vie ici, n'ont jamais voulu en partir et souffrent des considérations dont l'hexagone accable le département qu'ils aiment. Ils n'ont jamais envisagé de le quitter.

Quelques lueurs sur la finale : le bal des supporters passionnés "brancheurs" certes, mais toujours aussi respectueux avant et après la rencontre ; les "flics" bras croisés, débonnaires, yeux rieurs ; la présentation des équipes, les remplaçants de l'ASM en chasubles bleus, ceux du Stade Français, même tenue que leurs camarades : prémonitoire ? Ces derniers gagneront le match.

Sarkosy sur la pointe des pieds, Roselyne blanche et rouge - copie blanche, au bac, en géo ? Applaudis et sifflés à la fois.

Une mi-temps pour l'Auvergne, un coaching gagnant pour Fabien ; des pleurs pour les "jaunards", l'estrade à la football pour les vainqueurs, des pluies de paillettes et de confettis, musique étrangère, triomphe à la romaine, bien joué Max car le public apprécie mais ce n'est pas de mon goût - c'est pas grave du tout !

Open bar dans le musée des Arts de St Denis - SVP - et match refait par tout un chacun ; ce matin, l'Equipe de France, comme je l'avais prévu a "chargé" à Wellington. Arnaud s'est, paraît-il, encore une fois beaucoup battu. Liste des 30 jeudi. Une petite chance pour lui ?

Dimanche 10 juin :

Aéroport de Blagnac à 9 heures ; trois heures d'attente avant le repas d'avant-match qui réunit les partenaires du BSC, les dirigeants de Nîmes et le corps des arbitres et des délégués. Quelques craintes pour ma ligne et pour ma goutte ! Je n'apprécie pas ces excès de nourriture mais j'avoue que je suis très heureux de rencontrer les gens. Aujourd'hui c'est le Président du RC Nîmes, LG. A 73 ans, 40 ans au service du rugby dans ce club de la capitale du Gard : joueur, capitaine, entraîneur, dirigeant, président. Le "crabe" en 1998, la lutte, la victoire et toujours le combat pour imposer le rugby autour des arènes. Discours de fin de repas : banalités... seul le sien sonne fort, haut, direct, émouvant ; bien sûr, il lui faut gagner pour accéder à la PRO D2 mais il évoque le plaisir qu'il a eu de retrouver, aujourd'hui, des figures de notre sport et j'ai l'immense honneur d'entendre citer mon nom au milieu d'autres. Après le match j'aurais voulu le consoler, "consoler" n'est pas le mot adéquat : on ne console pas Louis Gagnières on lui serre la main et on lui dit "àla prochaine, bonne route" . Je ne l'ai pas trouvé ; il valait mieux ainsi : moi non plus, je n'apprécie pas les larmes des... "crocodiles" d'après défaite.

Par contre, j'ai pris dans mes bras JV, cet ouvreur qui nous a éliminés, en demi-finale, en 2003 à Colomiers, toujours aussi efficace au pied, demi de mêlée en fin de match et j'ai serré la main de PT ce pilier droit de 35 ans qui nous faisait tant de misères en mêlée ; les deux avec Montpellier. C'est dur d'être rugbyman de haut niveau dans le Gard : le RCCNG ne doit pas se décourager.

Bien sûr que l'accession du BSC m'occasionne beaucoup de plaisir ; avec le LSC, j'ai engagé de multiples combats contre les banlieusards toulousains qui venaient, chaque printemps, faire leurs courses sur les bords de la Save et j'ai eu des mots très durs avec ceux qui quittaient notre bateau rouge et blanc ; Blagnac possédait de l'argent et surtout des emplois que nous ne pouvions pas trouver à nos joueurs : avec le temps, j'ai compris les motivations de ces départs, j'ai mis mes mouchoirs dans la poche et j'ai fini par... partir aussi !

Pour sa première année d'entraîneur, mon fils Pierre a donc fait monter une équipe dans le monde professionnel. On m'avait déjà relaté ce discours de juin dont PH A s'est fait l'écho dans le dernier MO : "je ne veux plus entendre parler de l'équipe de Blagnac comme d'un ramassis de mercenaires".

Je crois que ces derniers mots, il les avait sortis de son subconscient, pour les avoir entendus, enfant, dans la bouche de son père fustigeant le BSC. Bien sûr que dimanche, j'étais fier de lui alors que certains malintentionnés essayent souvent de nous opposer. Je rappelle que dès le printemps 2006, le Président Lafitte avait voulu nous réunir à la tête du FCAG ; je n'avais pas accepté : je connais sa passion, j'évalue la mienne. Je sais que ce voisinage n'aurait pu conduire qu'au divorce. Par contre nos rapports sont très bons : le petit Leny veille d'ailleurs à ce qu'ils le soient. Et puis Pierre ressemble tant à sa mère !

PS :

1- L'onde bleue s'est propagée comme un raz de marée ; les Français ont donc voté, une fois de plus, au secours de la victoire et quelques rats, ont, comme d'habitude, fui le navire en péril. Le PC semble en passe de se reprendre... un tout petit peu ! Les militants que j'ai rencontrés à Bobigny le méritent bien !

2- Sur MO j'apprends que Montanella s'est fait passer pour le maître d'Auch en matière de Playstation et à ce titre il n'aurait pourtant pas fait la maille devant les catalans en Nouvelle-Zélande. Pas étonnant, même moi, je le battais régulièrement sur le jeu du football PES6 !!!

3- Béatrice Uria-Monzon marraine du Festival Eclats de Voix sera sur scène vendredi soir à Auch. Du talent, de la beauté, de la simplicité !

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