L'utopie du panache

Par Rugbyrama
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Rodolphe Rolland, chroniqueur de rugbyrama.fr, revient sur la victoire des Français face aux All Blacks en 2007 et nous livre son regard sur la match France/Pacific Islanders.

Il est un peu plus de 22h30 ce samedi 06 octobre 2007, l"équipe de France vient d"anéantir les espoirs néo-zélandais, renvoyant les All Blacks à leurs idées noires et à leur long nuage blanc. La stratégie de Laporte, basée sur un premier rideau agressif et sur l"occupation du terrain, malgré ses imperfections, s"avère efficace parce que servie par un c&oeligur énorme. Qu"importe la manière pourvu qu"on ait l"ivresse de la victoire, qu"importe si cette tactique, absolument minimaliste et inféconde, accouche au final d"un résultat inespéré nous transportant tous au-delà du bonheur : Le XV de France vient de terrasser les ABs, l"équipe favorite du tournoi qui sous la houlette de Graham Henry s"était avérée jusqu"alors quasiment invincible. Seulement, cette victoire retentissante, cette sublimation collective, met un terme à un rugby ambitieux et complet, un rugby de rêve ambassadeur international de notre sport. On connaît tous la suite de l"histoire !

La vie, notre vie est subordonnée à des cycles, cycle des saisons, cycle des modes, cycle des marées, celui des menstruations chez la femme, etc. Le sport dans sa grande majorité obéit aussi à ces lois naturelles dont la manifestation patente est " le cycle de la gagne ". La tactique qui paye au bout du compte, c'est celle qui gagne sans concession aucune pour le dogme du tant controversé baron De Coubertin où l'important était de bien participer, et qui devient alors pour chacun le modèle à suivre.

Ainsi le règne du tennis d'attaque sous l'impulsion d'un John McEnroe succède-t-il à l'ère Björn Borg et sa suprématie de fond de cours, avant un retour inexorable à ce même fond de cours, basculant de leur socle les idoles Edberg et consorts via les frappes puissantes des Lendl, Willander, Courrier et autres Sampras. La défense, puis l'attaque et de nouveau la défense. Si j'ose ce parallèle, c'est que je trouve globalement dans "  le tennis des puncheurs " une vague parenté avec le rugby d'aujourd'hui : peu de prises de risque, déplacement du jeu, mise sous pression de l'adversaire, attente de la faute, le credo de la gagne.

Rares sont ceux qui osent, à contre-courant, le pari insensé d'un jeu plus débridé et quand ils le font, la réalité prosaïque les rappelle à l'ordre : Graham Henry, pour sauver sa tête après la débâcle australienne du troisième match des Tri Nations, instaure en réaction une stratégie contre-nature du coup de pied à foison qui se révèle gagnante et plus proche de nous, Marc Lièvremont prônant l'initiative personnelle pendant le tournoi des VI Nations 2008, revient à un jeu beaucoup plus restrictif pour défaire les Argentins à Marseille.

Une fois de plus le panache, le désir du beau n'aura pas résisté face à la pression du résultat. Or, dans un sport en quête d'une plus large reconnaissance internationale, ce jeu insipide mais triomphateur va à l'encontre du rugby spectacle que les annonceurs veulent bien nous vendre.

Vous le constatez la tâche semble ardue car, en effet, comment réconcilier le brio et les impératifs de la victoire pour édifier ce que l'on pourrait nommer " le panache gagnant  " ? A quand le prochain changement cyclique des directions générales du jeu, sachant que les règles du rugby elles-mêmes sont soumises chaque année à des révisions plus ou moins profondes, semant la confusion non seulement chez les joueurs et à l'intérieur des staffs, mais aussi chez le téléspectateur lambda ?

La solution viendra peut-être une fois encore de l'hémisphère sud, véritable pouls du rugby, pas des All Blacks qui se doivent coûte que coûte de remporter la coupe du monde 2011 chez eux et pour cela de sacrifier à l'efficacité, mais pourquoi pas des Fidjiens et aussi du rugby à VII. Des Fidjiens, passionnés par cet autre rugby à la forme épurée, capables de poser à toutes nations confondues des problèmes par leur capacité à remonter les ballons à la main, mais friables fautes d'une conquête souvent insuffisante et d'une indiscipline chronique.

Au reste, quel joueur français s'est véritablement distingué et ce, même dans un contexte défavorable, lors des deux derniers tests de l'équipe de France par ses courses et ses changements d'appui, si ce n'est Julien Malzieu, élevé au biberon du VII, ce dérivé qui deviendra plausiblement la vitrine olympique du rugby ? Développant durablement le VII en France, il est probable qu'on enrichisse réciproquement le XV, donnant à tous des attitudes, des repères indispensables à une forme de jeu plus inspirée et permettant surtout de retrouver cette joie de jouer presque enfantine qu'on surprend quelquefois au détour d'un sourire polynésien ou mélanésien, car après tout le rugby ce n'est qu'un jeu.

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