La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert Pierre Villepreux revient cette semaine sur le jeu pratiqué par la France lors de sa victoire sur l'Ecosse samedi dernier.

Les deux dernières productions du XV de France sont, dans la forme, bien différentes. Il serait alors logique de penser puisque la deuxième a gagné et la première perdue qu'il faudrait se servir du jeu gagnant pour évoluer. Personnellement, et contre beaucoup d'avis, je persiste à dire que le jeu pratiqué contre l'Irlande tenait la route. Il me semblait qu'il appartenait enfin aux joueurs, qu'ils se l'étaient en partie appropriés. Mais, mais voilà… la France eu le tort de perdre.

Dans l'opinion, suite à cette défaite, la performance de résultat s'est quand même largement imposée sur la performance de jeu. Les théoriciens et adeptes d'un jeu sans trop de risques, d'un jeu structuré qui fait appel à l'exécution académique donc parfaite de fondamentaux, qui au demeurant n'en sont pas, ont largement diffusé leur doute de voir un jour ce jeu tout terrain, fait d'initiatives, pourtant à risque raisonnable s'imposer aux meilleurs. On y préfère un rugby moins risqué qui se construit sur des schémas précis, dans le cadre d'une occupation du terrain et de domination dans le combat, facteurs déterminants sans lesquels il n'y a pas d'espoir pour devenir compétitifs.

Ipso facto on remet en cause les capacités des joueurs pour jouer un jeu qui n'entre pas dans ces critères. Un jeu d'ailleurs, que l'on valorise quand il est joué par les autres, les Gallois, en particulier et que les Ecossais tutoient même plutôt bien. Leur jeu de mouvement se construit essentiellement sur le jeu à la main et demanderait seulement quand la situation le mérite d'être alterné avec du jeu au pied offensif. Cette équipe écossaise développe (on l'avait vu contre les Gallois) un rugby fait de vitesse, d'adaptation, de création, d'incertitude sur la défense adverse. Ce volume de jeu, même si encore imparfait, va et génère déjà des virtuosités individuelles. Ils semblent jouer avec la confiance et la conviction, ingrédients indispensables pour y croire et persévérer. J'espère que ces deux défaites ne seront pas un frein à leur perfectionnement synonyme de bons résultats. Je n'ai personnellement pas trouvé les écossais anémiques mais quand on provoque trop le jeu, ce n'est pas sérieux bien sûr.

Si les Français ont, à l'inverse de leurs adversaires, été plus frileux pour entreprendre et ce dès le début du match, c'est qu'ils ont aussi cherché à se rassurer sur les lacunes constatées lors du premier match, plutôt que de rentrer dans la dynamique de jeu précédemment vécue et palpable à Dublin. Un match n'est jamais identique à un autre et il ne suffit pas de corriger les erreurs pour que le jeu prenne la forme souhaitée. En cherchant à se rassurer, dans le combat, là où soit disant ils n'avaient pas été à la hauteur contre les Irlandais, en défense, et dans l'occupation du terrain , le jeu des Bleus a, en partie, atteint ses objectifs mais il a perdu en initiatives, en vitesse, en capacité à sortir des mouvements collectifs pour rechercher des solutions individuelles.

Les deux se combinent dans la logique du rapport de force existant ou que l'on crée. Les mouvements collectifs déployés par les Français contre l'Ecosse se sont réalisés sans avancée, sans vitesse devant la défense, ce qui explique la lenteur des sorties de balle donc la difficulté du jeu à la main successif. Quand le jeu collectif, par le jeu à la main, particulièrement quand on utilise le jeu latéral, n'avance pas, il faut recréer les bonnes conditions d'avancée par le défi individuel et par un soutien approprié au niveau du 10 et mieux, plus loin des centres. Ce défi individuel n'est pas seulement de l'affrontement et de l'impact mais bien aussi la recherche de pénétration dans les intervalles que forcément procure la défense.

Le choix par Beauxis du jeu au pied avec pour objectif l'occupation du terrain a aussi tourné court. La disponibilité des Ecossais en contre attaque pour remonter le ballon, nous ramena régulièrement au point de départ. C'est justement ce jeu que l'on avait très bien fait contre l'Irlande qui avait choisi l'occupation.

Il ne restait plus aux Français qu'à exploiter les balles de turn-over gracieusement offertes par les Ecossais, mais dans ce secteur, la réussite ne fut pas davantage au rendez-vous.

Doit-on changer jeu ? Ce qui a été fait contre l'Irlande est porteur.
Doit-on changer le groupe? Je répondrais: pour y mettre qui et pour faire quoi !

Les satisfactions d'hier, en l'occurrence les demis sont-ils devenus le temps d'un match les empêcheurs de tourner en rond? Certes tout n'a pas été bien fait et le positionnement toujours profond de Beauxis pour attaquer est discutable, mais ce joueur a, me semble t-il, les moyens de comprendre quand, comment et où il faut attaquer la ligne ou non. L'ouvreur doit, par son attaque de balle, être une menace sur la défense seule façon de favoriser le jeu de ses partenaires de l'attaque. Pour qu'il en soit ainsi il faut aussi une éjection rapide du ballon, réalisation qui, dans ce match, a aussi manqué pour beaucoup de raisons à Tillous Bordes.

D'autres possibilités en piliers ? Lesquels ? Et pour jouer quel jeu?

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