La chronique de Villepreux

Par Rugbyrama
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De retour du Chili, notre consultant Pierre Villepreux analyse le système de formation des footballeurs en Amérique du Sud et sa transposition au rugby.

Comment se forment les champions de football en Amérique du sud? Pour avoir visité ces pays et encore dernièrement le Chili, on est toujours frappé dès que l'on sort du centre ville par le nombre de terrain de jeu existants à la périphérie des villes. Leur qualité est certes variable, peu, disons plutôt pas de gazon, et tracés inexistants. Seuls les poteaux sont référentiels et caractérisent le pourquoi de la pratique. Ces terrains ouverts sans restriction à tous, sont, toute l'année m'a-t-on dit, et sans discontinuer des lieux de rassemblements incontournables pour les enfants des quartiers socialement moins aisés. On y joue "pour jouer" sans entraîneur ni arbitre et curieusement selon les âges, dans les oppositions spontanées, les meilleurs se regroupent, ce qui implique, vu le nombre de postulants pour participer, qu'il faut aussi "gagner sa place". Le niveau de jeu est donc en adéquation et permet d'aller en continuité vers une bonification constante de leur potentiel tant technique que tactique et du même coup physique.

Dans ce jeu libéré, on remarque facilement la supériorité des plus talentueux. Ils s'y expriment avec une gestualité et une lecture du jeu supérieure. Tenter et oser, sans contrainte sans restriction venant de l'extérieur et de manière fréquente, permet d'accumuler, sur les bases d'appréciation des situations rencontrées, un maximum d'expériences. Expériences qui sont le fruit de leur perception propre du jeu, de leur manière de se rendre compte de leurs actions, mais sont aussi indirectement consolidées par l'imitation des meilleurs grâce à la visibilité du football sur les chaînes TV. Ce jeu mobilise supérieurement leur activité intellectuelle, développe la compréhension du jeu à réaliser et donc les connaissances tactiques. Celles-ci sont en étroite interrelation avec les habiletés techniques. Ces deux dimensions s'enrichissant mutuellement au fil du temps.

Il n'est pas étonnant que la plupart des champions de ces différents pays comme me le confirmait, il y a encore peu de temps un ami brésilien, aient vécu ce type d'activité formatrice. Le grand investissement des jeunes est lié à la fois à la visibilité du foot mais aussi à l'espoir que peut susciter le professionnalisme, à savoir l'espérance d'une reconnaissance future.

Ce même contexte existe en Afrique et certainement ailleurs. Le rugby est-il à même de procurer cette auto appropriation régulatrice d'une pensée tactique et technique qui échappe aux regards des formateurs ?

C'est grandement improbable. Sauf peut être dans les îles du Sud et particulièrement aux îles Fidji même si, comme me l'écrivait dernièrement mon ami Franck Boivert, formateur éprouvé qui réside dans ce pays, le "Fidji flair" est en voie de disparition chez les jeunes des villes. Seuls leurs camarades des îles plus isolées de la civilisation ou dans les villages reculés continuent à entretenir cette tradition de formation sans guidage extérieur du joueur. Les facteurs inhibant le "Fidji flairé sont à ciblés dans la formation dispensée par les entraîneurs fidjiens qui interviennent maintenant plus tôt dans le processus de formation et imposent une démarche analytique basée sur la répétition et des formes de jeu par séquences programmées. Cela se traduit par un appauvrissement de la quantité et de la qualité des habiletés techniques, sont un élément certains mauvais résultats (à 7 en particulier domaine préservé des fidjiens) et hypothèque à terme l'éclosion de joueurs d'exception et donc l'émergence de processus créatifs.

Cette formation par le seul jeu n'est pas bien sur suffisante, mais elle est essentielle dans un processus d'enseignement si on veut à la fois, favoriser, voire transcender par la suite le perfectionnement du joueur vers le plus haut niveau. Il s'agit de mettre en &oeliguvre les conditions pour produire ces leaders, meneurs de jeu, créateurs qui n'ont pas peur d'entreprendre et savent pourquoi quand et comment. Ce n'est pas un potentiel qui nous manque en France, mais bien ce type de joueurs et ce... n'est pas moi qui le dit). Ces joueurs "pilotes" apporteraient, de manière quasi permanente, par la justesse de leur décision, dans le cadre d'un projet de jeu clairement défini, une cohérence au jeu collectif et à terme une identité reconnue, celle de notre plus haut niveau.

Les haut et bas de notre équipe nationale mettent forcement en avant certaines carences de formation dans le processus qui conduit les plus jeunes vers le haut niveau.

Ne me faîtes pas dire que c'est la formule miracle de formation. Les limites de cette seule activité ludique sont certaines. La conduites des séances d'entraînement des jeunes dans notre contexte et système ne permet plus ou ne consent plus, du fait du nombre très limité des séances, ce jeu libre et sa répétitivité. Il n'est pas question de seulement laisser faire, et de réduire les contenus d'entraînement à la mise en &oeliguvre d'une activité spontané en croyant qu'elle serait à même de résoudre tous les problèmes d'apprentissages. Mais bien de favoriser, d'utiliser ce jeu libre en proposant des contenus, des exercices qui soient adaptés aux besoins du moment joueur, relativement à ses aptitudes du moment et aux compétences recherchées. Il s'agit bien d'un guidage qui, en utilisant le jeu et la liberté d'initiative indispensable, place le joueur en situation favorable pour apprendre, se transformer, se perfectionner. Il s'agit de le faire entrer dans une logique de progression, offerte dans le cadre du climat ludique que génère le travail en opposition indiscutablement toujours plus motivant.

Cette étape fondamentale du "jeu pour le jeu" et de la formation par le jeu est de plus en plus délaissée dans le développement des jeunes joueurs qui se voient imposer par les entraîneurs des solutions avant même d'avoir été confrontés aux besoins différentiels qui sont ceux de leur niveau du moment, ceux qui leur permettraient de mobiliser toutes leurs ressources du moment vers un niveau plus élevé dans ce climat ludique propre à entretenir les motivations utiles.

Cette démarche n'est pas à découvrir. Elle existe .Elle est proposée dans les formations fédérales mais certainement mal comprise car la transcription de la théorie à la pratique principalement dans la plupart des écoles de rugby laisse dubitatif sur sa réelle compréhension et par voie de conséquences, les effets pervers de cette situation initiale s'exprime à des niveaux supérieurs de pratique.

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