La chronique de Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre chroniqueur Pierre Villepreux analyse cette semaine les conséquences de la crise économique sur le rugby et le virage que ce dernier doit prendre pour survivre.

Il apparaît bien difficile en cette période de crise économique de se sentir motivé. Le temps ambiant n"arrange rien, pluie et froid accélèrent la déprime. Le rugby termine 2009 empêtré dans la morosité et les inquiétudes qui ne vont pas manquer de sensibiliser les nouveaux patrons du rugby. La Ligue a élu son président certes de manière un peu chaotique et la FFR s"apprête à le faire, mais dans cette institution, le consensus est de rigueur. Il s"agit bien maintenant et ensemble de faire face aux conséquences de cette non vitalité économique.

Le rugby dans son ensemble risque de subir des effets collatéraux particulièrement dommageables. Les soubresauts économiques actuels sont une menace qu'il convient d'anticiper car cela risque de modifier fondamentalement la gestion et le mode de fonctionnement des clubs d'abord, et particulièrement les professionnels, mais à terme tous les niveaux de la pratique sont menacés.

Bien sûr les responsables institutionnels en ont pleinement conscience et vont devoir en priorité, dès leur prise de fonction, faire face à cette nouvelle donne.

L'Angleterre est déjà bien touchée. Le retour soudainement annoncé des Français d'Angleterre est plutôt significatif du mal vivre actuel de l'autre coté de la Manche. Plutôt enclins à magnifier l'excellence du système anglais, cette soudaine nostalgie du pays de nos ambassadeurs interpelle et n'est pas le fait du hasard. Mais, plus grave que le retour des enfants prodigues, ce sont les conséquences qu'il va falloir réguler, puisque on va voir arriver sur le marché français des stars des Sud actuellement engagés dans les clubs anglais mais, libérés par manque de moyens. Ils vont être, comme l'on déjà fait savoir quelques joueurs, brusquement attirés par le rugby français quitte à sacrifier une partie de leur salaire actuel.

Il s'agit bien aujourd'hui de bien cerner le poids des retombées du contexte économique actuel :

-Soit on augmente encore et toujours plus le nombre de joueurs étrangers dans les divers championnats puisque le système amateur est tout aussi touché que le professionnel avec les conséquences fâcheuses que cela entraînera sur le développement général du jeu et l'accès aux compétitions majeures des joueurs français, l'inflation des budgets, la formation des entraîneurs, joueurs et forcément sur la perte de culture que cela génèrera sans parler de l'appauvrissement du XV de France.

- Soit on profite de cette conjoncture, pour repartir sur des bases financières saines et adaptées aux besoins et contextes, avec des compétitions "relookées" qui, permettront à tous de trouver leur place selon leurs talents, qui donneront au système de formation, à la filière fédérale et aux centres de formation des clubs leur légitimité.

Si l'on ne choisit pas de faire cet effort, à savoir de donner aux jeunes talents français la chance d'accéder dans la logique d'une formation pertinente au plus haut niveau, alors il faut effectivement vivre et respirer le rugby autrement, ce qui veut aussi dire qu'il ne faut plus faire rêver des enfants et les engager très jeunes dans un système de formation qui s'avère, sauf exceptions, actuellement sans retour.

Si l'on choisit l'autre tendance, celle qui consiste à développer le spectacle sportif, alors il faut bien sûr avoir des objectifs d'organisateurs de spectacle. On n'a plus besoin alors de compétitions professionnelles à 14 +16 clubs, mais bien d'un véritable championnat européen dans laquelle le club moyen n'aura rien à faire, puisqu'il serait bien incapable de vendre son image. Ce qui veut dire aussi que pour attirer le client, on n'hésitera pas à créer des enjeux un peu fictifs, des exhibitions avec des joueurs qui se valoriseront tout autant par leurs excentricités techniques que par leur pertinente activité au sein d'un collectif. Le jeu en sera modifié. Dans cette optique, le risque, c'est de toujours en faire plus pour conditionner le spectateur, et, en conséquence, l'environnement économique. On est bien sûr déjà un peu dans ce système. Le match supplémentaire (hors compétitions officielles) maintenant vendu au plus offrant par l'Australie et la Nouvelle-Zélande, en témoigne.

Je suppose, quand Monsieur Revol le Président de la Ligue parle dans MO "de retour aux valeurs", c'est bien peu ou prou dans le cadre général décrit plus haut qu'il se place.

Nous sommes aujourd'hui tributaires de toutes sortes de tendances contradictoires. Il n'est pas possible et il ne s'agit pas de les évacuer. Mais il faut bien le dire, les solutions choisies, si on a le courage de les chercher, ne satisferont pas tout le monde.

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