L'édito de Jacques Verdier

La preuve par Font-Romeu

Invectives, colères, désarroi, le XV de France a dû essuyer les foudres du public catalan, lundi, à Font-Romeu, faute d'avoir songé à ouvrir son entraînement au grand public. La colère fut si puissante que Jo Maso, le manager des Bleus, dut sortir de son hôtel en catastrophe, pour finalement donner son aval d'ouverture du stade aux vigiles de circonstance qui bloquaient les entrées. Et aussitôt, comme par miracle, la foule qui, un instant plus tôt, vilipendait les responsables français : "C'est pire que le foot, c'est une honte... Vous n'avez qu'à rester à Marcoussis, si vous souhaitez ne pas être vus..." Cette même foule, donc, se fit douce, attentionnée, respectueuse.

Une morale ? Oui, bien sûr. On ne pouvait donner plus d'éclat au dossier de la semaine du Midi Olympique en agissant de la sorte. Le Midol de ce lundi dénonçait en effet l'isolement où les responsables français ont décidé de maintenir les Bleus : conférences de presse au compte-gouttes, où un homme seul, face à une meute de journalistes, égrène à la diable des commentaires qui seront repris en boucle, sans autre originalité, sur le web et à la radio, dans les quotidiens et les télés. Entraînements à huis clos, parfois ouverts à la presse, mais interdit au public. Interdiction pour les journalistes de téléphoner aux joueurs, de se rendre à l'hôtel des Français, de stationner dans le hall, de boire un verre au bar. Et ce au plus grand mépris des valeurs traditionnelles du rugby, sinon du dernier sondage en cours, qui veut que 62% des Français ne sachent pas que la Coupe du Monde a lieu en France, en septembre et que 56% des personnes interrogées avouent ne pas se sentir concernées par cette dernière.

Jusqu'à ce que le public passionné de Font-Romeu chavire et fasse connaître son mécontentement... L'absurdité de la situation. Son grotesque ! Mais cette preuve de la bêtise communicationnelle par Font-Romeu, largement dénoncée dans le Midol de ce début de semaine, sera-t-elle pour autant stoppée ? Il serait bon que cela soit. Peut-être parce que le rugby a autrement besoin d'être montré, vendu, célébré, que d'être fermé de l'intérieur.