La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Retrouvez "les pas perdus d'un coach", la chronique d'Henry Broncan, l'entraîneur du SU Agen.

Jeudi 19 juillet :

J'ai un bon préparateur physique : même s'il n'a vécu qu'un été à Lombez, c'est déjà suffisant pour penser qu'il n'est pas mauvais ! Pendant deux jours, à la Laporte, il balade les joueurs à vélo, à pied, en bateau, les oriente et les désoriente, les fait dormir à la belle étoile et sous l'orage ! Ce soir, ils sont en train de camper près de Casteljaloux et je les rejoins pour partager le repas qu'ils confectionnent eux-mêmes. Fatigue et, malgré tout, bonne humeur sont au programme ; c'est le premier des trois minis stages organisés par Ch S. pour resserrer le groupe. Cette initiative ne me semble pas superflue ; il y a encore trois tables bien distinctes : celle des anciens, celle des étrangers et enfin celle de minots, la plus nombreuse et pas la moins bruyante.

Pire, quand je pars vers ma confortable literie agenaise, j'aperçois les trois groupes bien scindés sous la voie lactée. Le lendemain, Ch S. me racontera qu'un violent orage provoquera un rassemblement général sous l'unique couvert des lieux : si le ciel se met de notre côté, Mayol et Foncia peuvent trembler ! Blanco aussi !

Mardi 20 juillet :

Première promenade touristique, à vélo, dans les rues d'Agen. Pour la conduite, je bénéficie d'un guide particulièrement attaché à la ville. Comme je l'avais prévu, j'ai droit au fameux Pont Canal conçu par de Baudre et Job dans la première moitié du XIX et j'avoue qu'il vaut les rives du Gers si chères à nos Auscitains. Dans un souci d'objectivité, mon mentor n'hésite pas, au risque de se faire tailler des shorts - quelques pistes cyclables mais c'est largement insuffisant ! - à me conduire des quartiers aisés jusqu'aux cités plus modestes... C'est une ville de plaine, de passage et j'avoue que les pentes des Pousterles manquent à mes mollets. J'aurai droit, prochainement, à une visite spéciale du centre-ville, cette fois à pied, car, parait-il, pour apprécier Agen, "il ne faut pas rester la tête dans le guidon, au contraire, il faut la lever ! " Pour le moment, on n'ose pas me présenter la cathédrale : je crois qu'on craint la comparaison !

Dans le rayon de bonnes nouvelles, j'apprends que l'entrevue Maire-Président s'est très bien passée : trois heures, les yeux dans les yeux, abcès crevé et direction demain. Au mois de mars dernier, c'est sans doute ce qu'il aurait fallu faire dans le Gers au lieu de se " chamailler" par presse interposée mais cela me parait déjà bien loin.

Samedi 21 juillet :

La finale des tri-series à Auckland : personne en France ne peut manquer le choc entre deux grands favoris du mondial ; le match nous rassure, un peu... beaucoup ! Une équipe de France bien préparée - elle semble bien partie - a les moyens de l'emporter sur l'hémisphère Sud. Par contre, on peut s'inquiéter sur l'évolution du jeu. Certes, il pleuvait sur l'Eden Park mais ne faut-il pas craindre pour le spectacle qu'octobre 2007 va nous offrir : priorité absolue à la défense, multiplication du jeu au pied, surtout en up and under ; et beaucoup par le neuf - mêlées instables - la faute à Dunning ?... pas toujours - peu de jeu debout et donc pas de resserrement défensif. De plus, dans le désir de supprimer le maul jugé "peu spectaculaire", il semble qu'on laisse toutes les possibilités de destruction aux opposants. Enfin, l'arbitrage m'inquiète car il manque de sérénité : après Dickinson, voici Nigel Owens ! J'ai peur que les matchs importants ne basculent sur des décisions douteuses en particulier dans le domaine du jeu au sol. La certitude, c'est que nos directeurs de jeu, pourtant parfois décriés, n'ont pas de complexe d'infériorité à nourrir envers leurs collègues étrangers.

Dimanche 22 juillet :

On m'a offert "l'histoire d'Agen" Editions Privat 1999. C'est captivant : je m'en servirai pour motiver mes joueurs. A propos de joueurs, vont-ils arrêter de me gâcher mes nuits ? Vous connaissez la fracture du plancher orbital sur un "toucher", le doigt dans l'oeil sur une passe... Cette après-midi, je me "re-promène" avec grand plaisir sur le Pont Canal - j'avoue le charme que cet endroit inspire - coup de fil : "_je ne peux pas m'entraîner demain, je dois aller chez le dentiste, j'ai une dent cassée !

"_ tu es allé te battre aux fêtes de Mont de Marsan ?" Je voyais déjà une prise de contact musclée en préparation du futur choc Stade Montois - SUA et j'étais prêt à pardonner !

La voix bafouille : "_non, j'étais à l'enterrement de la vie de garçon de FC et nous avons fait de l'aviron ; en s'amusant, j'ai reçu un coup de pagaie sur la bouche ! "

Faut-il en rire ? Je crains le pire pour le mariage qui aura lieu samedi prochain.

Lundi 23 juillet :

C'est la vie : les rires, les peines... C'est un véritable enterrement, cette après-midi, à Lombez - PM, mon compagnon depuis 1972, a eu la douleur de perdre son père, gravement malade depuis plusieurs mois. C'était un silencieux, un observateur, un solide : cinq enfants, deux filles basketteuses, trois fils rugbymen, impeccablement élevés ; travail, rigueur, politesse. Pour la première fois depuis 1998, je revois cette cathédrale de Lombez dont je ne manquais pas de faire admirer les deux nefs gothiques et les vitraux à mes élèves du collège de Samatan. Jean-Marc, Patrick et Christian, visages fermés, guident le cortège, soutiennent la mère et les soeurs : le clan est là, au grand complet ; dans cette famille, on joue toujours serré, encore plus aujourd'hui... "Les baguettes chinoises" !

Je vous épargne le roman de Rupeni ; deux joueurs LL et SM sont venus à la rescousse des dirigeants. J'apprécie beaucoup leur attitude, un grand pas vers l'union sacrée avant une saison qui sera très difficile. La D2 est d'autant plus captivante que les entraîneurs ne se contentent pas de copier, par vidéo interposée, leurs collègues comme en Top 14 : il y a beaucoup de création et d'innovation en eux. Lecture amusée d'une page d'un quotidien régional donnant l'écrit à ses lecteurs pour juger " l'affaire" Guy Roux : un adversaire de l'actuel entraîneur lensois vitupère contre "ces vieux qui ne veulent pas vieillir " ; heureusement que nous ne voulons pas vieillir "un vieux coeur n'a pas de rides" . L'autre quotidien local comporte une page complète sur la prise de fonction du nouvel entraineur auscitain, un tout jeune celui-là ; j'apprends que sur les touches à effectif réduit, le numéro neuf continuera à lancer ; je suis rassuré : une partie de l'héritage sera préservé !

Le Président s'est rendu à Marcoussis pour indiquer son soutien à l'Equipe de France. C'est très bien : j'en suis sincèrement heureux même si je continuerai à ne pas voter pour lui mais j'apprécie.

Au hasard du zapping, ce soir, sur Planète, dans l'émission "Verdict", l'affaire Z. Je n'avais pas connu l'affaire jugée en 2003. Z était tout près de chez nous, de Bérat. Il fut une de ces internationaux Rieumois comme Lassegue, Billière, Laporte, les frères Vivies et d'autres à la différence qu'il jouait pilier ce qui n'était pas la marque de fabrique de cette brillante école de rugby. Son fils, à peu près l'âge du mien, est dans le box, jugé pour crime. Le père est digne... 14 ans. J'espère que la "grande famille du rugby" s'est manifestée.

Mardi 24 juillet :

J'ai profité de mon séjour sur la Save pour jeter un oeil sur les deux stades : le Paul-Vignaux du nom d'un seconde ligne Rieumois puis Lombézien, député socialiste, dans cette commune de Lombez dirigée depuis 1977 par Jean-Jacques Lassave, maire et conseiller général, socialiste ; le Pierre-Brocas du nom du Président - 20 ans d'exercice - du LSC, communiste jusqu'à l'Afghanistan, mon second père, dans cette commune de Samatan dirigée par René Dauriac, socialiste, ouvreur puis trésorier puis Président du LSC.

Hier, j'ai rencontré Maya, notre abeille, inamovible soigneur : l'équipe est repêchée en Fédérale 2. Des anciens tout jeunes reviennent : mon voisin Labedan de Villefranche de Lauragais, Saint Lary, Roumiguie et Péres mes anciens de la section sportive, revenus de Blagnac... Une grande espérance se relève du côté de la rivière capricieuse avec 4 Présidents, l'un presque prêtre comme Aramis, l'autre séducteur comme Athos, un autre costaud tel Porthos et enfin le dernier, petite moustache à la D'Artagnan !

Sur MO j'apprends que JSL, FJ et EG ont sorti un ouvrage sur "l'année magique" du FCAG. Auch, sur le chemin du retour, sur cette route d'Agen toujours si encombrée. Auch ? Auch ou Lombez-Samatan ? PM et PB entraîneurs de la I, ML entraîneur des Espoirs, JMP manager des Reichels, JS directeur du Centre de Formation, RB capitaine de la I, S St L vice-capitaine, YM, NS, MS joueurs. Il parait qu'un très bon arrière cadet est également arrivé. Tous issus du LSC !

Toujours sur MO j'apprends que mes successeurs feront des entrainements décentralisés et que le premier d'entre eux aura lieu à Lombez. Ils feront ce que je n'ai jamais su ? voulu ? faire... la déchirure !

Aujourd'hui comme hier je suis fier du LSC.

PS :

Ce matin, à 7h30, l'employé municipal, très gentil, m'ouvre la porte d'entrée du stade, côté Pistre, côté studio : "Bonjour Monsieur Lanta," dit-il poliment ; je suis flatté !

A 8 heures, je lui demande d'ouvrir la porte qui conduit à l'annexe 1 ; il le fait avec plaisir, revient un quart d'heure après : "Excusez-moi, cette partie doit rester fermée... il vous faut passer sous la main courante ". Cette dernière n'est guère éloignée : 10 mètres. Je peux le faire ! Mais elle est ni assez basse pour que mes courtes jambes l'enjambent ni assez haute pour que mes vieux reins n'y ressentent pas quelques dommages !

C'est vraiment dur d'être entraîneur passé la soixantaine !

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